« Promis, je reviens vite », voici les mots prononcés par le Président de la République, au moment de quitter notre plateau. Pendant deux jours, la visite d’Emmanuel Macron sur l’archipel mahorais a suscité une vive émotion auprès de la population anéantie par les conséquences du cyclone mais aussi épuisée des crises successives qui précédèrent ce désastre naturel.
« Pendant des mois Mayotte ne vivra pas en situation normale »
En début d’interview, Emmanuel Macron a été interrogé sur la question de l’eau, au sujet de laquelle il explique avoir « vu des situations de détresse immenses ». Depuis le passage du cyclone Chido, la distribution de l’eau courante avait été interrompue sur l’ensemble du département. Dès samedi 21 décembre, le Président de la République a annoncé que les foyers seront à nouveau raccordés au réseau d’eau potable existant. Un nouveau planning des tours d’eau a été transmis par la société mahoraise des eaux à l’ensemble de la population : « Dès aujourd’hui, la vie va changer et la distribution d’eau courante va progressivement monter en charge, pour plus tard sortir définitivement des tours d’eau », a déclaré le chef de l’Etat. Parallèlement, des distributions de bouteilles d’eau et de biens alimentaires ont été engagées, y compris dans les communes qui avaient été oubliées jusque-là : « Il fallait d’abord les désenclaver, la priorité c’était de rétablir les axes routiers », explique le président de la République, avant d’ajouter : « Aujourd’hui, on distribue de l’eau au niveau de chaque commune, on va la distribuer en lien avec les maires et les CCAS, car elle est attendue par tant de familles qui ont soif, et en même temps, on réouvre
progressivement les commerces. La priorité des priorités c’est le combat pour l’eau potable. Les quantités distribuées vont vraiment augmenter durant tout le week-end. » En effet, si l’avion militaire Antonov s’est posé à l’aéroport de Dzaoudzi pour apporter ses capacités hydriques et les distribuer, le Président de la République rappelle que l’heure est avant tout à l’urgence : « Il y a l’urgence que l’on est en train de faire et il y aura la stabilisation, l’après, où pendant des mois Mayotte ne vivra pas en situation normale. »
Des connexions satellitaires dans chaque mairie
Qui dit urgence, dit électricité, et près de 90% de la population en est toujours dépourvue : « C’est si je puis dire, le plus compliqué. Cela va prendre plusieurs semaines pour tout rétablir car dans certains endroits de l’île, tout a été absolument abattu et dévasté. » En effet, l’ensemble des lignes à haute tension qui transportent l’électricité sur de longues distances vers les sous-tensions ont été détruites par le cyclone. Le Président a affirmé que des connexions par satellite seraient installées au sein de chaque mairie : « À partir de la semaine prochaine, des connexions satellitaires seront déployées pour chaque maire et chaque mairie, pour que les gens puissent avoir du réseau, rassurer leurs familles. Les jours qui viennent vont nous permettre de retrouver du terrain. »
800 policiers, 1.200 gendarmes, 900 militaires
Qui dit distribution de matériels, dit aussi sécurisation de ces denrées. C’est sur ce point qu’a souhaité insisté le président de la République. « L’effort de la nation est inédit. On aura 800 policiers, 1200 gendarmes et près de 900 militaires. Ça n’est jamais arrivé évidemment dans l’histoire de Mayotte. Les militaires sécuriseront les entreprises et continueront à apporter du soutien logistique pour l’acheminement de l’eau, du fret et du matériel. Les gendarmes seront dans les zones rurales pour maintenir l’ordre public et soutenir aussi les élus. Dans les zones police, le nombre de policiers sera augmenté pour le maintien de l’ordre public, en particulier la nuit pendant le couvre-feu qui continuera donc à rester en vigueur. », a-t-il déclaré.
Une loi « spéciale » pour accéder la reconstruction en contournant les procédures classiques
Jeudi, Emmanuel Macron a annoncé la création d’une loi spéciale pour faciliter la reconstruction du 101ème département français dévasté par le cyclone. Lors d’une rencontre avec les élus du département, le chef de l’Etat déclarait devoir « bâtir avec le Ministre des Outre-mer une loi spéciale » pour Mayotte, faute de moyens juridiques suffisants. « On a su le faire pour organiser des Jeux olympiques, pour rebâtir Notre-Dame de Paris et donc on le fera pour rebâtir Mayotte », avait-il déclaré. Lors de cet interview, nous avons tenu à l’interroger sur les critères d’action de cette future loi spéciale et ses recoupements avec la loi Mayotte. « La loi spéciale se rapprochera de la loi Mayotte, notamment pour lutter contre l’immigration clandestine. Il faudra détruire les bidonvilles et continuer de lutter contre l’habitat insalubre et clandestin, mais aussi rebâtir des services publics et bâtiments dur qui ne s’effondrent pas », a exposé le chef de l’Etat qui insiste sur l’importance d’un recensement global de la population de l’archipel pour calibrer au mieux les services publics avec les besoins des habitants. Suite à la reconnaissance de l’état de calamité et de catastrophe naturelle, un fonds d’indemnisation va être mis en œuvre pour soutenir les familles non assurées. « Au fond, ce que la République dit c’est que Mayotte a été frappée par un événement inédit et donc, on accélère toutes les procédures et on change les règles pour les adapter à cela », a soutenu le Président.
L’Etat encourage la reconstruction des bangas avant de reprendre Wuambushu
Mais si le Président a insisté sur l’importance de la la reconstruction des habitations du département, grâce à avec l’arrivée prochaine de plusieurs tonnes de bâches et de tôles arrivées à bord de l’Antonov, mais aussi des conteneurs dans les prochains jours, il a surtout insisté sur l’avenir : « C’est très précaire, ce n’est pas ça rebâtir, je vous rassure. Mais aujourd’hui, on ne peut pas laisser les gens dans une maison où tout est ouvert . J’essaie de faire les choses dans le bon ordre. Aujourd’hui, je veux que les gens aient de la sécurité, de l’électricité et de l’eau au robinet. Est-ce qu’aujourd’hui, on peut régler la question des bidonvilles ? La réponse est non. Mais on va le faire dans la phase stabilisation et rebâtir. Le cyclone nous a rappelé qu’on fait courir un risque aux gens en les laissant dans ces bangas. Mais ce qui est humain et juste c’est d’accueillir les gens qui ont le droit d’être ici et de reconduire à la frontière ceux qui n’ont pas le droit d’être ici, sinon on ne pourra jamais reconstruire Mayotte. »
Ainsi, en dépit de la santé mentale des habitants qui ont tout perdu du peu qu’ils avaient avant cette catastrophe, l’Etat les prépare d’ores-et-déjà à un Chido II, avec des vents toujours contraires.
Mathilde Hangard