« Trop c’est trop », voici les premiers mots de Kira Bacar Adacolo, face à l’insécurité asphyxiante à Mayotte.
« La sécurité n’est pas tabou à gauche »
Le 2 juin 2024, Kira Bacar Adacolo décide de créer l’Union pour la Sécurité de Mayotte (USM), un nouveau groupe politique dont il espère qu’il permettra de lutter contre la délinquance et de « rétablir la paix sociale sur l’île ». Pour lui, cette union dépasse largement les affiliations politiques actuelles, en englobant des hommes et des femmes de gauche comme de droite. « La question de la sécurité n’est pas un tabou pour la gauche, elle rassemble toutes les mouvances politiques », estime-t-il. En suivant, comme il l’exprime, les pas de Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre de l’Intérieur, de 1997 à 2000, Kira Bacar Adacolo veut que son groupe gagne du terrain sur la scène politique. « Dans toutes les formations politiques, pour que les actions soient menées, il faut une organisation basée sur des statuts, avec un règlement intérieur. » Après plusieurs mois de réflexion, « face aux violences quotidiennes et sporadiques sur l’île », les membres de l’Union ont « estimé qu’il fallait mettre en place urgemment une organisation contre l’insécurité à Mayotte ». C’est pourquoi dimanche 1er décembre, une réunion d’assemblée générale constitutive de l’Union pour la Sécurité de Mayotte (USM) s’est réunie à Combani pour adopter les statuts, le règlement intérieur et la charte d’éthique et de valeurs de la nouvelle formation politique.
Centre de redressement pour mineurs, corridors sécuritaires
La décision de créer un centre éducatif fermé à Mayotte avait été annoncée par l’ancien Garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, pour répondre aux enjeux démographiques de l’île et aux besoins exprimés par la juridiction en termes de placement judiciaire, puis réitérée par l’ancien ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, en « centre de redressement pour mineurs délinquants », encadrés par des militaires. L’objectif de ces établissements est de proposer un accompagnement disciplinaire et éducatif, comme alternatives à l’incarcération, pour les mineurs les plus ancrés dans la délinquance et pris en charge par la Direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ). Le 16 mars dernier, des représentants de l’agence pour l’immobilier de la justice étaient en visite à Mayotte pour explorer les sites potentiels pouvant accueillir ce futur centre éducatif. Pour l’heure, si un site au sud du territoire aurait été identifié, à ce stade, aucune suite n’a été donnée. À ce sujet, Kira Bacar Adacolo soutien la mise en place d’un cendre de redressement pour mineurs à Mayotte, encadré par des militaires de l’île : « Ce centre pourrait être encadré par des militaires qui représentent l’ordre, la sécurité et la discipline car s’il faut sanctionner les jeunes délinquants, il faut en même temps les préparer à devenir des citoyens, il faut les insérer dans la société. »
« Tout le monde vit dans la peur »
Caillassages, barrages, attaques sur la route, chaque jour, les citoyens de Mayotte s’interrogent sur leur sécurité dès qu’ils empruntent les routes du département. Et chaque jour, les incidents routiers se succèdent, quotidiennement des automobilistes sont la cible de jeunes agresseurs, tantôt munis de cailloux, tantôt de machettes, pour les effrayer et les voler, et cela, « sans évolution positive », constate l’homme politique. « Tout le monde vit dans la peur. On n’ose plus sortir à des moments ou à des endroits. Nous voulons que Mayotte retrouve une tranquillité publique sans violences ». Pour permettre aux Mahorais de se déplacer en sécurité, le représentant de l’USM souhaite que des corridors sécuritaires soient déployés : « Je soutiendrai toujours cela pour pour permettre aux gens d’aller travailler et de rentrer chez eux en toute sécurité, c’est le b.a.-ba. » Pour lui, l’insécurité sur l’île est le corollaire de l’immigration clandestine sur l’île. Comme il le déclarait lors des dernières élections législatives, Kira Bacar Adacolo estime nécessaire la mise en place d’un « arsenal judiciaire et militaire » sur le département pour lutter contre l’immigration. « Il faut durcir l’accès à la nationalité, qu’au moins un des parents soit sur le territoire depuis au moins 3 ans pour que la nationalité soit donnée à un enfant. » Depuis la loi asile et immigration de 2018, cette durée de résidence obligatoire est établie à trois mois. Le représentant de l’USM plaide également pour un « renfort des pouvoirs de police du maire pour lutter contre l’insécurité » et le déploiement de la « Marine nationale pour renforcer le contrôle des frontières autour de Mayotte ». À propos du projet de loi Mayotte, laissé en suspens suite à la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin dernier, Kira Bacar Adacolo ne veut « rien lâcher », « en mettant fin au titre de séjour territorialisé », en « intégrant Mayotte au sein de l’espace Schengen » et en renforçant la collaboration des services policiers du canal du Mozambique. « Nous ne comprenons pas pourquoi Mayotte subit une ségrégation juridique. » En France, les départements d’Outre-mer ne font pas partie de l’Espace Schengen.
Mayotte, en marche silencieuse vers une guerre civile ?
En interrogeant un représentant du Détachement de Légion étrangère de Mayotte (DLEM), Kira Bacar Adacolo constate que les légionnaires ne peuvent pas intervenir pour lutter contre l’insécurité dans le département. « Cela reviendrait à déclarer la guerre civile sur un département français », explique un ancien militaire. » Présente uniquement en France sur les départements de Mayotte et de Guyane, le rôle de la Légion étrangère est d’aider des troupes à combattre un ennemi hors du territoire. « Mayotte ne va pas bien. Quand on observe cette violence qui sévit, ce sont bien des guérillas civiles organisées qui peuvent aboutir à une guerre civile généralisée », constate froidement le représentant l’USM. À mesure que l’opération Place Nette se poursuit sur l’île, la question du relogement des habitants concernés et notamment la gestion des mineurs isolés ne s’est guère améliorée. Les autorités publiques n’ont pas encore saisi à-bras-le-corps que l’enjeu était certainement plus social que purement sécuritaire.
Mathilde Hangard