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INSEE – L’immigration clandestine pèse toujours lourdement sur la démographie à Mayotte

Malgré la petite baisse des naissances enregistrée sur le territoire en 2023, elles sont toujours aux trois-quarts le fait de mères d’origine étrangère, indique l'INSEE. Et vraisemblablement toujours dans l’espoir d’acquérir la nationalité.

Nous avons répercuté la principale information de la dernière note de l’INSEE : la timide baisse des naissances en 2023, 500 en moins qu’en 2022, portant leur nombre à 10.280. Il reste cependant supérieur à celui de 2019 (9.770 naissances), avant la crise sanitaire du Covid-19. Ces naissances sont depuis 2015 à un niveau nettement plus élevé qu’autour des années 2010, 7.100 en moyenne entre 2007 et 2012.

Mayotte reste le département où la fécondité bat tous les records, 4,5 enfants par femme. Les trois-quarts de ces mamans sont de nationalité étrangère, à 67% comorienne, et à 6,5% malgache. On pourrait penser que cela explique une fécondité élevée. Pour autant, nous avons recherché le taux de fécondité aux Comores, il est, selon la Banque mondiale, de 3,91 enfants par femme, donc plus de 0,5 point inférieur qu’à Mayotte, et il est de 3,8 à Madagascar. Il est facile d’imaginer que les enfants étant vus comme le moyen d’avoir des papiers et la nationalité française par la suite, les mères ont tendance à avoir plusieurs enfants et parfois de pères différents, pour chercher à remplir les conditions de la restriction d’accès à la nationalité de 2018.

Le nombre de mères d’autres nationalités, principalement de l’Afrique des Grands Lacs, bien que peu nombreuses (1,4 % des naissances), augmente fortement en un an (+53 %), nous dit l’INSEE, « Elles sont à l’origine, pour la première fois depuis 2014, de plus de 100 naissances ». Ce qui correspond au phénomène migratoire constaté depuis deux ans d’une filière africaine d’arrivée à Mayotte.

La baisse des naissances en 2023 concerne surtout les mères de nationalité étrangère, -5 %, soit 400 naissances de moins en un an, « du fait principalement du recul des naissances de mères comoriennes, -440 naissances, soit -6 %, après -1,2 % en 2022 ». L’INSEE indique que le recul de la natalité touche aussi en 2023 les mères françaises, -3 %, soit -90 naissances. Il est pour autant difficile de dresser un parallèle entre les deux contextes, le recul de la natalité en métropole étant lié à un phénomène mondial, quand à Mayotte, il peut être lié à une baisse des flux migratoires.

La moitié des pères sont étrangers

La fécondité record de Mayotte

La moitié des pères ayant eu un enfant dans l’année sont de nationalité étrangère (5.560 soit 54 %), très majoritairement comorienne (5 270). Au final, 53 % des nouveaux-nés de 2023 ont au moins un parent français et naissent ainsi Français. « Si cette part est comparable aux années précédentes (entre 54 % et 58 % entre 2016 et 2022), elle est bien plus faible qu’en 2014 (72 %) ».

Alors que la fécondité chute fortement à 1,6 enfant par femme dans l’Hexagone, Mayotte fait figure d’exception : la fécondité reste soutenue avec 4,5 enfants par femme en 2023. Portée par les naissances de mères étrangères, et donc les migrations, la fécondité dans le département est nettement plus élevée qu’ailleurs, devant la Guyane (3,3 enfants par femme) et La Réunion (2,3). La fécondité est déjà importante chez les jeunes : 1,3 enfant pour les femmes de 15 à 24 ans à Mayotte contre 0,2 dans l’Hexagone. Elle reste élevée chez les plus âgées : 1,0 enfant chez les 35-49 ans contre 0,4 dans l’Hexagone.

Les mères des enfants nés à Mayotte en 2023 ont en moyenne 28 ans, soit 2,8 ans de moins qu’au niveau national, et les pères 34 ans, « en lien avec un écart d’âge entre conjoints plus élevé qu’au niveau national ».

En 2023, 430 enfants sont nés de mères mineures soit 4,2 % des naissances, en légère baisse par rapport à 2022. Cette proportion est nettement plus élevée qu’à La Réunion (1,7 %) et que dans l’Hexagone (0,4 %), mais moindre qu’en Guyane (5,3 %). Néanmoins, davantage d’enfants naissent de mères mineures très jeunes, +6%, elles sont 120 à avoir moins de 16 ans lors de l’accouchement. Au total, en France en 2023, 20 % des naissances de jeunes mères ont lieu à Mayotte. L’île se classe même devant la Guyane (105 naissances) pour ces naissances très précoces.

D’avantage d’accouchements hors de Mayotte

Le poids de l’immigration clandestine sur la démographie

Comme les années précédentes, la maternité du CHM concentre le plus grand nombre de naissances : 7 090 enfants y sont nés, soit 69 % des naissances de l’année. C’est un peu plus qu’en 2022 (64 %). Néanmoins, sur l’île, les accouchements hors maternité sont fréquents. En 2023, 680 naissances ont lieu hors d’une maternité, soit 6,6 % des naissances.

Les mères habitant Mayotte sont de plus en plus nombreuses à vouloir accoucher hors du département. En 2023, elles étaient 310 dans ce cas, soit 3%, mais « ce chiffre n’avait pas été aussi important depuis 2018 après plusieurs années ou les déplacements étaient restreints par la crise de la Covid-19 ». La moitié de ces mères accouchent à La Réunion et l’autre moitié dans l’Hexagone. Il s’agit essentiellement de mères françaises puisqu’il est compliqué aux détentrices de titres de séjour de sortir du territoire.

Pour appréhender le solde naturel, la différence entre les naissances et les décès, et savoir si la population augmente ou pas, l’INSEE indique qu’il y a eu 960 décès en 2023, « la mortalité est stable par rapport à 2022 et reste donc bien plus élevée qu’en 2019 (+23 %) », et que dans l’Hexagone sur la période qui enregistre +4,1%.

Cette hausse des décès est plus marquée qu’à La Réunion (+8,8 %), mais est voisine de celle de la Guyane (+20,4 %). « Elle s’explique principalement par la plus forte croissance de la population à Mayotte et une augmentation relative du nombre de seniors ».

L’espérance de vie ne remonte pas

INSEE, Mayotte, naissances
Près de 7 naissances sur 10 à la maternité du CHM

L’espérance de vie n’a toujours pas retrouvé son niveau d’avant-crise sanitaire. Elle s’établit ainsi en 2023 à 74,3 ans pour les femmes et à 73,9 ans pour les hommes, en nette baisse par rapport à 2019 : -2 ans pour les femmes et -1 an pour les hommes. L’espérance de vie à Mayotte est également éloignée des standards nationaux : 85,7 ans pour les femmes et 80,0 ans pour les hommes. On peut aisément la relier au taux de 77% de pauvreté à Mayotte et des conditions sanitaires difficiles.

La population de Mayotte étant nettement plus jeune que celle de l’Hexagone, le nombre de décès rapporté à l’ensemble de la population est faible. Ainsi, le taux brut de mortalité est très inférieur à Mayotte que dans l’Hexagone (3,2 contre 9,3 pour 1.000 habitants). Il faut noter un phénomène inquiétant : le taux de mortalité des 65 ans ou plus, qui avait fortement augmenté lors de la pandémie, reste bien supérieur au niveau de 2019 et bien au-dessus des autres départements.

Par ailleurs, la mortalité infantile reste élevée à Mayotte avec 9,5 décès pour 1.000 enfants nés vivants, soit bien plus que dans l’Hexagone (3,5 ‰) où un taux équivalent prévalait au début des années 1980.

Baisse plus conséquente des naissances sur 9 mois en 2024

Les premières données relevées en 2024 viennent conforter les tendances démographiques de 2023 : moins de naissances et plus de décès que l’année précédente.

Au cours des neuf premiers mois de l’année 2024, 7.080 enfants sont nés de mères domiciliées à Mayotte, soit 1.080 de moins que sur la période correspondante de 2023 (-13 %). Cette baisse importante concerne tous les départements d’Outre-Mer (-9 % pour La Réunion, -12 % pour la Guyane et les Antilles). Dans l’Hexagone, le recul est bien moins marqué (-2 %).

Là encore, gardons-nous de dresser un comparatif avec les autres territoires, cette baisse pouvant être liée à Mayotte à une plus grande efficacité de la lutte contre l’immigration clandestine.

De janvier à septembre 2024, 750 personnes domiciliées à Mayotte sont décédées, soit 70 de plus que sur la même période en 2023 (+11 %). Après deux années de baisse, les décès repartent donc à la hausse sur les neuf premiers mois de l’année. Ainsi, les décès augmentent de 29 % par rapport à la même période de 2019 (+170 décès).

Anne Perzo-Lafond

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