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Accusées d’avoir plombé le budget, les collectivités ultramarines se défendent et en réclament davantage à l’Etat

Les relations se tendent entre le gouvernement et les collectivités accusées d’avoir été dispendieuses, alors qu’un rapport du Sénat publié ce mardi, rétablit la vérité. Réunis en congrès en Guadeloupe, les élus ultramarins ont adopté des motions, dont une pour Mayotte

Les cordons de la bourse qui se resserrent mettent à l’épreuve la solidité du ménage que forment les élus locaux et le gouvernement. La dégradation des finances publiques incite ce dernier à accuser les premiers d’un gaspillage inconsidéré, avançant des dépenses des collectivités supérieures de 13,4 milliards d’euros à la prévision retenue dans la loi de finances pour 2024. Elles auraient donc fortement participé à la plongée du déficit public prévu à 6,9% du PIB pour 2025, contre les 3,7% du PIB inscrite dans la loi de programmation des finances publiques. Une manière d’avertir les collectivités qu’un serrage de ceinture est attendu.

Mais un rapport publié ce 19 novembre 2024* par la commission des Finances du Sénat, ayant sollicité une mission d’information sur la dégradation des finances publiques depuis 2023, rédigé par Claude Raynal, Président de la commission Sénateur (SER) et Jean-François Husson Rapporteur général Sénateur (LR), relativise cette accusation. Il avance que le gouvernement connaissait l’état critique des finances publiques dès décembre 2023, « il aurait dû réagir vigoureusement et il ne l’a pas fait », alerté par la direction générale des finances publiques sur un fort risque de dégradation des recettes des grands impôts par rapport à la prévision.

Les anciens ministres des Finances, Bruno Lemaire, et celui des Comptes public ,Thomas Cazenave, sont même accusés par ce rapport d’avoir tenu « un double discours », selon qu’ils s’adressaient à la représentation nationale ou à la Première ministre Elisabeth Borne. Et les accusations touchent jusqu’au gouvernement Attal : « Au premier semestre 2024, le Gouvernement et le Président de la République ont refusé de présenter un projet de loi de finances rectificative, pourtant seul à même de redresser la situation, d’après le ministre des Finances ».

Pas responsables et pas coupables

En-tête du rapport de la mission d’information sur la dégradation des Finances publiques depuis 2023

Selon l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) dont l’analyse est rapportée par le rapport, la dégradation des Finances publiques s’expliquerait par quatre causes principales : la dégradation du point de départ, le passif des années précédentes notamment  de 2023, explique 0,6 point de la dégradation, une erreur de prévision de la croissance nominale explique 0,3 point, le dynamisme des dépenses des collectivités 0,5 point et les effets non anticipés d’élasticité fiscale 0,3 point.

Si l’accroissement des dépenses des collectivités est bien réel, il résulte, toujours selon le rapport, d’un écart à une prévision particulièrement basse. Elle retenait comme hypothèse un dynamisme des dépenses locales de fonctionnement inférieur de 0,5 % à l’inflation en moyenne sur la période de programmation, « Or, rien ne permettait de penser que la dépense locale serait si peu dynamique ». La mission d’information juge qu’il ne s’agissait pas d’une prévision « mais plutôt un vœu pieu », destiné à « présenter une trajectoire sérieuse des finances publiques », mais qui ne pouvait « qu’être contredite dans les faits ». D’où la conclusion de la mission d’information du Sénat qui va réjouir les élus : « Les collectivités territoriales ne peuvent être tenues pour responsables d’un écart avec une prévision hors-sol d’évolution de leurs budgets ».

Dès lors, on regardera d’un autre œil l’appel à être mieux accompagnées par l’Etat qu’ont lancé les Communes et Collectivités d’Outre-Mer, réunies en congrès de l’ACCD’OM (Association des Communes et Collectivités d’Outre-mer) en Guadeloupe du 10 au 15 novembre 2024. Les chefs de Région et les maires y ont mené des débats sur plusieurs sujets essentiels qui préoccupent leurs territoires, avec notamment l’adoption de deux motions dont l’une par l’Association des Maires de Mayotte (AMM).

Le recensement toujours pointé du doigt à Mayotte

Depuis le dernier recensement de 2017, Mayotte a adopté la méthode par 5ème

Les 300 participants ultramarins souhaitent tout d’abord voir une réévaluation des dotations de l’État pour pallier les besoins en infrastructures, en éducation et en services publics, « dans les contextes de pression démographique que connait chaque territoire », notamment la Guyane et Mayotte. La motion prise par l’AMM porte une nouvelle fois sur les modalités du recensement sur le 101ème département, constatant une Dotation Globale de Fonctionnement (DGF) par habitant plus faible que les autres DOM. Rappelons une nouvelle fois, que Mayotte n’ayant pas récupéré plusieurs compétences a contrario des autres, comme les constructions de routes ou des collèges et lycées, la compensation de l’Etat y est moindre. Mais les élus accusent aussi une sous-évaluation de la population.

Dans un contexte où le territoire a basculé vers le droit commun en termes de recensement, induisant un long tunnel sans statistiques jusqu’en 2026, la démographie est estimée en se basant sur le recensement de 2017, valorisé par un taux de croissance annuel avoisinant les 4%. L’INSEE a mené ce recensement à partir de photos aériennes du bâti, avec estimation du nombre d’habitants lors de l’absence au passage de l’agent recenseur, pour pouvoir intégrer la population en situation irrégulière.

Les élus estiment malgré tout que le compte n’y est pas et ont inscrit à la motion de permettre, dès 2025, aux communes de moins de 10.000 habitants d’effectuer le recensement annuel pour tenir compte des problématiques liées à la forte immigration qui impacte leurs politiques publiques, de mettre en place un coefficient de calcul qui tiendra compte de la population informelle qui bénéficie quand même des politiques publiques mises en place par les collectivités Mahoraises, de réévaluer la DGF au niveau de celle des autres départements d’Outre-mer par la réduction des écarts sur la part dotation de compensation.

Les élus ultramarins ont demandé davantage de contrôles de l’immigration

Sur le plan de la sécurité, l’ensemble des élus ultramarins a demandé à la fois davantage de contrôles de l’immigration, des narcotrafics et des phénomènes de gangs grandissants, à la fois, « une réponse sociale en parallèle ».

Sur la problématique de la Vie chère qui secoue la Martinique, les élus demandent à l’Etat davantage de routes « pour désenclaver les territoires », de compenser le coût des liaisons maritimes et aériennes pour les déplacements de sa population d’Outre-Mer, et pour l’importation des biens, et de prendre des mesures « pour faire baisser efficacement et durablement les prix en Outre-Mer, en tenant compte notamment des tissus économiques locaux. » On ne saurait trop leur conseiller la lecture de l’analyse de Christophe Girardier, président du cabinet de conseil Bolonyocte Consulting, devant le Sénat, et celle d’Ivan Odonnat, président national de l’IEDOMsur les mécanismes inflationnistes dans les Outre-mer.

Anne Perzo-Lafond

*Consulter le rapport de la Mission commission Sénat dégradation Finances publiques

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