Brûlis : le phénomène repart de plus belle en cette saison, alerte Ali Madi

En 2020, l’UICN avait alerté sur la déforestation record à Mayotte, mais les pratiques se poursuivent dans un sentiment d'impunité. Cette semaine a été particulièrement marquée avec deux gros incendies.

<p style="text-align: justify;">Les cerveaux commencent à vraiment s’échauffer chez les défenseurs de l’environnement. Les brûlis qui reviennent chaque année à la fin de l’hiver austral et au début du printemps, font l’objet de toujours plus de communication, sans effet probant. C’est en tout cas ce que constate Ali Madi, président de la Fédération Mahoraise des Associations Environnementales (FMAE). « Le week-end dernier, il y a eu un feu à Chirongui, près du terrain de foot, là où sont entreposées les carcasses de voitures, et encore un autre à proximité du terrain agricole de Dani Salim. On note vraiment une recrudescence des feux de broussailles et de leur ampleur. »</p>

<a href="https://lejournaldemayotte.yt/wp-content/uploads/2024/09/Feu-ecobuage-brulis-prise-ulm-16-spet-24.jpeg"><img class="wp-image-48647 size-medium" src="https://lejournaldemayotte.yt/wp-content/uploads/2024/09/Feu-ecobuage-brulis-prise-ulm-16-spet-24-300×204.jpeg" alt="" width="300" height="204" /></a> Feu dans la forêt pris ce lundi 16 septembre 2024 (Photo : A.P-L.)
<p style="text-align: justify;">Les brûlis sont pratiqués pour désherber et préparer la terre aux plantations de printemps, mais ils sont destructeurs sur plusieurs plans : la biodiversité, ils ne laissent que de la terre brute, ravinées, les padzas, qui empêchent les pluies de s’infiltrer dans le sol, « nos forêts partent en fumée, nous privant d’oxygène et du pouvoir fixateur de nuages ».</p>
<p style="text-align: justify;">Ce qu’il déplore, c’est l’intention de nuire : « Dans les années 80, ces pratiques culturelles étaient sous-documentées. Maintenant, nous connaissons les nuisances. Ceux qui vont chasser le tenrec, nos hérissons locaux, mettent le feu pour les faire sortir et avoir un accès facile au terrier. C’est devenu un commerce. » Il dénonce aussi certaines pratiques agricoles, « ceux qui soit-disant cultivent la terre profitent de la fin de journée pour mettre le feu sans être attrapés, ils continuent à défier la règlementation et la justice. Pourtant, on voit la fumée, on sait de quelle parcelle elle provient ».</p>
<p style="text-align: justify;"><strong>« Les bambous explosaient »</strong></p>
<p style="text-align: justify;">La FMAE a saisi de nombreuses fois la justice, indique Ali Madi, « c’est en cours, mais on se demande ce que font les agents de la Direction de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt et du Conseil départemental ! ». On sait que leur nombre est insuffisant pour couvrir le territoire qui perd peu à peu ses surfaces boisées sous la pression démographique.</p>

<a href="https://lejournaldemayotte.yt/wp-content/uploads/2023/05/Padzas-zoom.jpg"><img class="wp-image-29811 size-medium" src="https://lejournaldemayotte.yt/wp-content/uploads/2023/05/Padzas-zoom-300×224.jpg" alt="" width="300" height="224" /></a> Après le feu, les padzas arides
<p style="text-align: justify;">Nous avons contacté Dani Salim, ex-président de la Chambre d’agriculture, toujours en exercice et qui possède une parcelle agricole entre Ouangani et Tsingoni. Il se dit effaré : « Une grosse parcelle à côté de la mienne est partie en fumée le week-end dernier, environ 2 hectares. Lorsque je suis arrivée, le feu était partout, on entendait des explosions, c’était les bambous qui éclataient sous l’effet de la chaleur. J’ai appelé les pompiers qui ont pu éteindre mais une grande partie était détruite. Il s’agit de propriétés privées où la plupart du temps, il y a des occupants, et dans lesquelles les propriétaires n’osent plus intervenir pour les chasser. Les services de l’Etat ne sévissent pas assez. »</p>
<p style="text-align: justify;">Les deux hommes font le parallèle avec le Comité de suivi de la ressource en eau qui a été réactivé, « mais là, on perd des centaines de litres à éteindre ces feux, et la conséquence, c’est que les prochaines pluies vont ruisseler dans le lagon au lieu de s’infiltrer ».</p>
<p style="text-align: justify;"><strong>Les pompiers en interventions quotidienne sur brûlis</strong></p>
<p style="text-align: justify;">Nous avons contacté le Service Départemental d’Incendie et de Secours (SDIS) qui évoque des interventions quotidiennes actuellement. « En ce moment, nous sommes appelés tous les jours pour des feux de broussailles non maitrisés », rapporte le commandant Sulimane Mdere, qui était de permanence, « ils ne sont pas de grande ampleur habituellement, sauf celui de Chirongui en début de semaine, où 8 hectares sont partis en fumée. En plus, c’est souvent difficilement accessible pour les camions, donc on y va en marchant, on arrose les lisières. La plupart du temps, ce sont des personnes qui sont arrivées sur un terrain, qui veulent faire de la culture sur brûlis, et qui sont dépassés ».</p>

<a href="https://lejournaldemayotte.yt/wp-content/uploads/2024/08/Pollution-lagon-sediments-terre.jpeg"><img class="wp-image-47129 size-medium" src="https://lejournaldemayotte.yt/wp-content/uploads/2024/08/Pollution-lagon-sediments-terre-300×200.jpeg" alt="Science, Mayorre, LESELAM, Les Naturalistes, érosion, Comores, Madagascar" width="300" height="200" /></a> Ne s’infiltrant plus, les pluies se déversent dans le lagon, envasant les coraux
<p style="text-align: justify;">Ali Madi demande que soit mis en place un dispositif « aussi efficace que pour les tortues au niveau des alertes ». Justement, Mayotte Nature environnement a créé il y a un an le dispositif les « <a href="https://lejournaldemayotte.yt/2024/09/18/mayotte-nature-environnement-poursuit-le-dispositif-sentinelles-de-la-nature/">Sentinelles de la nature</a> », réactivé, avec une plateforme où chacun peut renseigner un témoignage d’atteinte environnementale. Il suffit de télécharger l’application Sentinelles de la Nature, disponible sur Android et iOS. Il est aussi possible de créer un compte sur le site internet. "Il faudrait pouvoir le faire anonymement par peur des représailles", souligne-t-il.</p>
<p style="text-align: justify;">En 2020, dans une lettre ouverte, le Comité français de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) alertait sur la déforestation à Mayotte, en indiquant que notre département a subi entre 2011 et 2016, un défrichement de 6,7 %, « 1.400 hectares de terres boisées ont disparu, amenant Mayotte à un taux de déforestation annuel de 1,2%, similaire à ceux de l’Argentine ou de l’Indonésie ».</p>
<p style="text-align: justify;">Une vigilance plus approfondie doit absolument être déployée surtout dans la perspective de l’arrivée du printemps austral.</p>
<p style="text-align: justify;">Anne Perzo-Lafond</p>

Partagez l'article :

Subscribe

spot_imgspot_img

Les plus lus

More like this
Related

Régularisation foncière : bientôt de futures avancées avec des solutions concrètes pour les Mahorais

A l’initiative du Conseil supérieur du Notariat, une délégation de plusieurs notaires s’est rendue à Mayotte dans le cadre d'une mission de deux jours pour faire le point sur la régularisation foncière dans le 101e département. La délégation va proposer des solutions afin que chaque Mahorais puisse enfin accéder à la sécurité foncière.

Anticiper et sensibiliser pour protéger efficacement les eaux mahoraises

La Conférence des Nations unies sur les océans se termine ce vendredi 13 juin, et si les eaux mahoraises sont encore bien préservées, les enjeux qui en ressortent touchent directement l'archipel. Pour ne pas répéter les erreurs et protéger efficacement ses écosystèmes, et notamment ses mammifères, Mayotte se doit d'anticiper et adapter sa réglementation. Un défi de taille au temps du développement économique de l'île et de l'Océan Indien.

À Saint-Pierre de La Réunion, Tahéra Vally ou la reconquête patiente d’un squat délaissé

À 73 ans, cette professeure à la retraite a repris l’établissement de son frère, décédé du Covid. Entre précarité, abandon institutionnel et résilience, elle raconte un combat à la croisée de l’intime et du politique.

Mayotte attend ses baleines… pendant qu’on les chasse encore ailleurs

Alors que les cétacés migrateurs commencent à revenir vers les eaux paisibles du lagon mahorais, une autre réalité vient ternir cette période de contemplation et de fierté locale. L’association Robin des Bois interpelle le président Emmanuel Macron, en visite officielle ce dimanche au Groenland, sur la persistance de la chasse aux baleines dans l’Atlantique Nord. Deux mondes, deux visions du vivant.