Une analyse comparative des résultats des élections européennes de 2019 et 2024 avec la métropole et transversale aux Outre-mer a été menée par l’équipe parlementaire du sénateur Saïd Omar Oili, incluant notamment une étudiante mahoraise en Sciences politiques à l’Université de Caen, Routfine Tsontso.
Il s’agit d’une production de données chiffrées, mais qui vont permettre justement de détenir un constat concret pour investiguer davantage ensuite. Saïd Omar Oili en tire un premier constat : « Il existe une spécificité significative des comportements électoraux de la population issue des Outre-mer par rapport à celle de l’Hexagone. Elle résulte de la singularité du contexte social, économique et environnemental de ces territoires. On constate également une forte diversité des comportements électoraux entre les populations des zones Atlantique, Pacifique et de l’océan Indien, dans la mesure où la nature de la culture politique d’un territoire est dûment influencée par les spécificités de son ancrage géographique. »
Avant de livrer les données, rappelons le contexte de la tenue de ces élections destinées à renouveler le Parlement européen. La guerre en Ukraine et la problématique de l’immigration clandestine longuement renseignées et débattues dans les médias, ont incité les Français à se déplacer. Sur le plan national, le taux de participation a atteint 51,49 %, selon le ministère de l’Intérieur, en hausse d’un point et demi par rapport aux précédentes élections de 2019.
Des régions qui se sentent… très périphériques
Quand on y regarde de plus près, en Outre-mer, la tendance est inverse, « sur la même période, l’abstention augmente de 4,22 points ». Avec un constat, « les écarts se creusent entre les territoires d’Outre-mer et l’Hexagone sur la mobilisation citoyenne pour les élections européennes, alors que les aides européennes au développement sont importantes pour les populations ultramarines ». Un signe que l’éloignement géographique de celles qui sont appelées Régions ultrapériphériques de l’Europe, (RUP) semble rejoindre le sentiment que les centres décisionnaires européens le sont aussi. Les réclamations sur leurs préoccupations quotidiennes sont généralement portées auprès d’un ministère et non à Bruxelles.
Mais les Outre-mer ne sont pas les seuls à avoir davantage boudé les urnes cette année, et il aurait été intéressant de regarder aussi ce qui se passait sur le territoire national puisque dans des départements comme le Val d’Oise ou l’Aisne, on perd jusqu’à 2,5% de participation.
Une constante commune : le RN de Marine Le Pen arrive en tête en 2019 et en 2024, que l’on soit en métropole ou en Outre-mer. Davantage qu’en métropole en 2019, mais de 2 points en moins en 2024, ce qui s’explique en partie par un siphonage des voix, « la liste de Marion Maréchal, qui n’était pas présente en 2019, obtient 6,13 % des suffrages », contre 5,46% en Hexagone. Si le parti présidentiel arrivait 2e dans un mouchoir de poche avec le RN sur le plan national en 2019, l’écart était de 10 points dans les Outre-mer. On a vu que la tendance s’est considérablement creusée pour cette élection 2024, avec 17 points de moins que la liste Bardella en Hexagone, et 14 de moins en Outre-mer où LFI s’octroie la 2ème place.
Un vote RN avec des bons points à la clé ?
La liste PS-Place Publique recueille un résultat inférieur de 4 points par rapport à l’Hexagone, tout en se hissant à la 4ème place du classement Outre-mer. La liste LR obtient, quant à elle, un score inférieur de plus d’un point en Outre-mer, passant ainsi de la 5ème à la 6ème place par rapport à 2019, derrière la liste de Marion Maréchal.
Comme en 2019, c’est à Mayotte que le RN fait son meilleur score des Outre-mer en 2024, soit respectivement 46,12% et 52,42%. A noter que la Guadeloupe connaît une hausse spectaculaire du nombre d’électeurs RN, +7 points entre les deux élections.
Dans un contexte où le Premier ministre a été choisi avec l’arbitrage de Marine Le Pen, on peut penser que les mesures à venir vont répondre aux problématiques de ces territoires, et avoir leurs faveurs, avec un premier bruit de couloir sur un retour d’un ministère de l’Immigration, qui avait vu le jour en 2007, puis supprimé en 2010.
En 2024, avec une progression de 2 points soit près de 2.000 voix, LFI passe désormais de la 3ème à la 2ème position des forces politiques Outre-mer. La liste progresse dans tous les territoires d’Outre-mer, à l’exception de la Nouvelle-Calédonie, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Saint-Martin-Saint-Barthélemy.
Quant à la majorité présidentielle, son parti perd plus de 11.000 voix entre 2019 et 2024, Les territoires de l’océan Indien figurent en bas du tableau pour les deux scrutins, une tendance nationale. Une désillusion des ultramarins suite au peu d’impact des politiques mises en place.
Seuls 6,31% des habitants ont voté à Mayotte
La situation par Département et Territoire d’Outre-mer est intéressante à consulter en matière de tendances politiques, mais ce qui saute aux yeux, c’est le fossé entre Mayotte et les autres territoires en nombre d’inscrits rapporté à la population locale.
Dans l’ensemble des Outre-mer, la proportion d’inscrits sur les listes électorales avoisine les 80% de la population, en allant de 79,85% pour La Réunion à 86,23% à Saint-Pierre-et-Miquelon. A Mayotte, en se basant sur une population estimée par l’INSEE à 321.000 habitants en 2024, on ne compte de 31,64% d’inscrits sur les listes, et seulement 6,31% de votants par rapport à la population totale.
La jeunesse de la population est une explication, avec un âge médian de 17,5 ans, donc non inscrite sur les listes, ainsi que la proportion importante d’étrangers en situation irrégulière, environ 25% de la population. Mayotte pèse peu sur le plan politique donc.
Le document a été diffusé à la Délégation sénatoriale aux Outre-mer, aux élus des Outre-mer et aux scientifiques qui travaillent sur l’analyse des résultats électoraux.
Consulter l’Analyse élections européennes en OM 2019 – 2024
Anne Perzo-Lafond