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Chirongui : quand la Chambre régionale des comptes donne des indications pour sortir de l’impasse politique !

Le rapport publié ce mercredi par la Chambre régionale des comptes sur la gestion de la mairie de Chirongui porte sur les années qui suivent 2018, et a été demandé par le maire Bihaki Daouda en personne. Si de nombreuses défaillances sont soulignées, que la commune assure corriger, c’est la gestion par un maire sans délégations qui nous est décrite

C’est un rapport un peu spécial que celui de Chirongui. Non seulement parce qu’il porte sur des années de tempêtes depuis 2018, mais aussi parce qu’il porte sur la gestion d’une commune dont le maire est dépourvu de majorité municipale. Tout est paralysé. L’élu a été démis de ses délégations par son conseil municipal et ne peut décider que de ce qui reste de sa compétence.

Il est donc important de revenir sur le passif politique de la commune, et d’étudier ce que la CRC propose pour sortir de la crise.

Celui qui était sorti vainqueur de peu des urnes lors des municipales de 2020, le LR Andhanouni Saïd (50,95% des voix) contre 49,04% à l’ancienne maire LREM Roukia Lahadji (Hanima Ibrahima), avait été condamné à 18 mois de prison avec sursis pour des radiations massives des listes électorales. De nouvelles élections avaient porté Bihaki Daouda au pouvoir en mai 2022. Il dénonçait dans nos colonnes 4,5 millions d’euros de factures impayées par l’ancienne équipe municipale, 5 millions de crédits d’investissement consommés sans avoir réalisé les projets initialement financés.

Mais sa gestion est qualifiée de « dictatoriale ». En octobre 2022, le maire perd sa majorité et le conseil municipal bloque toutes ses décisions. En décembre 2023, les élus de l’opposition majoritaire, demandent au tribunal administratif (TA) de contraindre le maire à inscrire à l’ordre du jour de l’assemblée délibérante l’annulation de la délégation des compétences au maire. Forcé de s’exécuter par le Conseil d’État, le maire inscrit ces deux points à l’ordre du jour du conseil municipal du 8 avril 2023… sans toutefois les porter au vote. Nouveau recours, nouvelle injonction du TA, qui permet au conseil municipal du 14 décembre 2023 de retirer au maire les délégations qu’il lui avait accordées. « Dans ces conditions, toutes les décisions ne relevant pas des pouvoirs propres du maire devaient désormais être prises par le conseil municipal. La gestion quotidienne de la commune n’est plus possible, sauf à réunir le conseil ».

Une gestion à périmètre restreint

Chirongui, Chambre régionale des comptes, Mayotte
La mairie de Chirongui

Les blocages institutionnels qui perdurent depuis octobre 2022 empêchent la commune de fonctionner de manière normale, « au détriment des administrés et des usagers du service public ». En l’absence de perspective de consensus entre les élus, la seule issue de déblocage semble être le renouvellement du conseil municipal.

Pour cela, la CRC précise les cas de figure. Une seule démission des élus contestataires ne pourrait suffire, ils seraient remplacés par le suivant sur la liste, etc. jusqu’à perdre le tiers de ses membres. « L’autre possibilité, qui est de nature exceptionnelle, est la destitution par décret motivé rendu en Conseil des ministres publiée au Journal Officiel ». La préfecture a mené des discussions avec les élus et a organisé une réunion de médiation entre les membres du conseil municipal, et a également consulté les grands élus du territoire sur une procédure de dissolution. Sans décision pour l’instant, « la commune ne fonctionne plus que de manière dégradée ». Le maire et ses services sont amenés, pour expédier les affaires courantes, à prendre des actes irréguliers ou entachés d’incompétence.

Par exemple, en 2023, le conseil municipal n’a pas voté son budget primitif ni adopté son compte administratif 2022, c’est le préfet qui s’est chargé de l’arrêter.  « Les procédures de marchés publics sont entachées d’irrégularités », les blocages institutionnels conduisant le maire à recourir au fractionnement des achats afin de permettre le fonctionnement de la commune. Ce qui crée un flou sur les marchés de plus de 40.000 euros soumis à appels d’offres qui sont malgré tout passés, c’est le cas des collations scolaires pour les 4 ans à venir.

Des titularisations électorales en 2020

Des efforts sur la masse salariale

Une gestion impossible donc vu qu’à la barre, le capitaine à peu de marge, entachée de surcroît par « de trop nombreuses anomalies dans la gestion des ressources humaines (…) la commune ne tient pas de tableau des emplois et des effectifs en bonne et due forme ». Un point contesté par le maire dans sa réponse détaillée à la CRC, « lors du conseil municipal du 28/05/24, l’état des effectifs au 1er janvier 2024 a été validé ».

En octobre 2023, la commune compte 220 agents contre 121 en janvier 2018, provoquant « un doublement des charges de personnel depuis 2018 », ce que la Chambre explique par des « titularisations massives entre les deux tours des élections municipales en 2020 », donc par l’équipe de Roukia Lahadji. Un effort est fait par l’équipe actuelle pour réguler cette masse salariale, ce que traduit le graphique ci-contre.

Au regard de cette difficulté à maintenir un cap, les constats touchant la gestion scolaire paraissent secondaires. Surtout qu’ils recoupent ceux qui ont été dressés dans les autres communes : trop d’enfants à scolariser impliquent des conditions « trop restrictives » d’inscription, avec un système de rotation qui n’est pour l’instant mis en place que pour la moitié des élèves, c’est presque un bon point s’ils étaient tous scolarisés. Les collations sont généralisées, « seuls 5 % des enfants scolarisés bénéficient de repas chauds lors de la pause méridienne. L’ouverture prochaine du réfectoire de Tsimkoura permettra l’accueil d’environ 350 enfants supplémentaires. »

La commune a réalisé des investissements à hauteur d’environ 6,8 millions d’euros sur son patrimoine scolaire entre 2018 et novembre 2023, notamment sur le groupe scolaire de Chirongui.

Dettes auprès de l’AFD

Inauguration du réfectoire de Tsimkoura avec le recteur en octobre 2023

En dehors de tout blocage, le minimum syndical n’est pas fait en terme comptable, relève la CRC, « du fait d’une comptabilité d’engagement non exhaustive et de l’absence de rattachement des charges et des produits à l’exercice correspondant ». Plus de 5 millions d’euros de recettes sont à classer en 2022. Des anomalies sont également constatées dans la tenue de ses budgets annexes.

Là encore, le maire indique qu’un travail est mené pour corriger ces irrégularités et « affecter les titres de recettes sur les bons comptes ». La ville réfléchit également au recrutement d’un cadre spécialisé sur la recherche de financement, leur planification comptable et leur gestion.

Alors qu’elle a engrangé des recettes fiscales supplémentaires, passant de 0,5 million à 2,1 millions d’euros de 2018 à 2022 du fait d’une augmentation des taux de la taxe foncière sur les propriétés bâties et surtout d’une forte revalorisation des bases, la situation financière de la commune se dégrade et elle ne dégage plus une épargne suffisante pour couvrir la charge de sa dette. Facteur aggravant, « du fait d’impayés auprès de l’Agence française de développement (AFD) pour un montant de 4,6 millions d’euros », elle n’est plus en mesure de recourir à l’emprunt. Le financement de ses investissements nouveaux est incertain pour les exercices à venir.

En 2022, avec des dépenses d’équipement qui s’élèvent à 420 euros par habitant, la commune est celle qui investit le moins en comparaison avec les autres communes mahoraises de la même strate.

Au regard de cette situation, la Chambre est pessimiste sur la capacité de la commune à mener à bien les investissements nécessaires.

A.P-L.

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