Les faits se sont déroulés dans la nuit du 26 au 27 juillet dernier lors d’affrontements violents entre des jeunes d’Iloni et de Dembéni. Plusieurs véhicules avaient été dégradés, brulés, vandalisés. Des cocktails Molotov avaient été utilisés contre les forces de l’ordre et des barrages avaient été installés. Lors de cette nuit, les gendarmes avaient dû utiliser plus d’une centaine de grenades lacrymogènes pour faire face à environ 80 individus aux visages dissimulés, agressifs, armés de machettes, de pierres et de barres de fer.
Ce qui est ressorti des premiers éléments de l’enquête c’est que des jeunes d’Iloni seraient venus, semble-t-il, pour se venger en représailles suite à des agressions, quelques jours auparavant, de la part de jeunes de la commune de Dembéni. A ce stade un seul prévenu a été interpellé, il lui était reproché pas moins de 6 chefs d’inculpation : participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un délit ; fabrication non autorisée d’engin explosif ou incendiaire ou de produit explosif ; destruction du bien d’autrui par un moyen dangereux pour les personnes ; violence sur une personne dépositaire de l’autorité publique sans incapacité ; participation avec arme à un attroupement ; dégradation ou détérioration du bien d’un dépositaire de l’autorité publique.
Peu de témoignages par crainte de représailles
L’enquête de voisinage menée par les gendarmes n’a malheureusement pas permis de confondre davantage d’individus. En effet, les habitants ont peur des représailles de la part des délinquants. L’individu interpellé a reconnu une partie des faits qu’on lui reprochait lors de sa garde à vue. Toutefois devant le tribunal il a nié certains faits, sans doute par peur lui aussi de représailles, ce qui a rendu un peu plus difficile la tâche de la présidente du tribunal, Ariane Balg. D’autant plus que le prévenu en question serait autiste. « J’ai rien fait. J’étais juste là, je me promenais mais je n’ai pas jeté de pierres sur les gendarmes, ni de cocktails Molotov, ni dégradé de véhicules », raconte l’accusé quand la présidente du tribunal le met face à ses actes.
« Ce n’est pas ce que vous avez déclaré en garde à vue, insiste la présidente. Pourquoi être allé à Dembéni ce soir-là avec des jeunes venus de Tsoudzou et de Doujani armés de machettes et de barres de fer ? Avez-vous participé à la préparation de cocktails Molotov ? ». Le prévenu, un peu perdu, ne répond pas aux questions ou alors à côté…
En étudiant sa personnalité on apprend que le jeune serait autiste, selon sa mère, et qu’il a arrêté sa scolarité en 3e ou 2nde. « Tout le monde sait qu’il est handicapé. Il est simple d’esprit. On l’accuse de tout et de rien. Depuis sa naissance il n’a pas toute sa tête. Les jeunes et les adultes d’Iloni le manipulent », a indiqué sa mère dans un courrier adressé au tribunal.
Pour la procureure, Delphine Mousny, le fait qu’il soit autiste n’enlève rien à la gravité des faits reprochés. « Ce sont des bandes organisées qui se réunissent pour se préparer à la guerre. Il y a ainsi le Sénat où ils se retrouvent et des chefs dans chaque bande avec un que l’on surnomme le général et un autre le président. Ils sont très organisés, ça fait peur ! Ils veulent du sang et faire mal. Ce sont des faits graves et qui montent en puissance », déplore-t-elle. Dans son réquisitoire, la procureure a considéré que le prévenu était présent à chaque étape de l’élaboration de cette mission de représailles, elle a donc requis 3 ans de prison avec 1 an de sursis probatoire pendant 24 mois, avec mandat de dépôt ; l’obligation de travailler et d’indemniser les victimes ; et l’impossibilité de détenir une arme.
L’avocat de la défense, Me Cooper, a mis en avant, dans un premier temps, que le prévenu avait reconnu les faits en garde à vue mais qu’il manquait des preuves pour l’incriminer. « Il était sur les lieux mais personne ne le met en cause… Il n’y a pas assez d’éléments de culpabilité dans ce dossier ». Puis elle a insisté sur son handicap. « Il est difficile d’établir un contact avec lui. Il ne sait pas parler français. On peut difficilement communiquer… À mon sens il y a une réelle difficulté. Comment allez-vous faire pour juger ce jeune ? Dans ce dossier il n’y a que lui aujourd’hui. Si vous devez le condamner, il faut que sa peine soit légère », a-t-elle plaidé.
Après avoir délibéré, le tribunal n’a retenu contre le prévenu que deux chefs d’inculpation : la participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un délit, et la participation avec arme à un attroupement. Il a été relaxé pour les quatre autres chefs, faute de « preuves suffisantes ». De fait, le prévenu a été condamné, avec mandat de dépôt, à 18 mois de prison dont 12 avec sursis probatoire pendant deux ans, l’obligation de se soigner et de s’insérer dans la société en trouvant un travail ou une formation.
B.J.