Des discussions favorables
Lors de la dernière réunion de la CME du CHM, les praticiens ont donné leur avis sur le décret du 3 juillet 2024 relatif à l’exercice de médecins diplômés hors union européenne dans certains territoires d’outre-mer. Si certains praticiens ont montré leur opposition « philosophique » au texte de loi, celui-ci a bien été publié, peu importe l’avis de l’assemblée consultative, dont les avis rendus n’ont pas force d’application. L’objet de la réunion de la commission était surtout de soumettre au vote un règlement intérieur pour encadrer l’application dudit décret, que la commission a largement approuvé. Si la vice-présidence de la CME s’est gardée de transmettre cette information, elle est pourtant essentielle.
La CME approuve un règlement d’application
En effet, ce document interne décrit concrètement les gardes-fous mis en place pour l’application du décret autorisant l’accueil de praticiens étrangers au sein du centre hospitalier de Mayotte. Une des premières clauses du règlement repose sur la décision de chaque chef de service d’accueillir ou non un praticien étranger : « Aucun recrutement ne se fera sans l’aval du chef de service et de la CME (…) pour aboutir à ce règlement, on a essayé de prendre en compte les avis pour obtenir quelque chose de consensuel », commente la direction du CHM. Ce document prévoit également que les médecins diplômés hors Union européenne ne pourront être plus d’un quart par service, ni accueillis dans un service qui ne dispose pas de chef de service (comme le service des urgences actuellement) et qu’aucune responsabilité de chef de service ne pourra leur être confiée. Après l’étude de leurs candidatures, les praticiens étrangers reçus pourront avoir un premier contrat de travail au sein du CHM d’une durée de trois mois et seront soumis à une évaluation de leur pratique professionnelle. Une fois ce « tuilage » terminé, les praticiens jugés aptes à poursuivre leur activité pourront bénéficier d’un contrat de travail d’un an, à défaut, une rupture de leur contrat sera opérée. Après cinq années d’exercice à Mayotte, les praticiens diplômés hors Union européenne pourront être reconnus et exercer en qualité « de plein exercice » sur le territoire national.
Pourquoi ce décret fait-il l’objet d’autant de réticences ?
Après la dissolution de l’Assemblée nationale par le président de la République le 9 juin dernier, de nombreux dossiers ont été accélérés, dans un contexte incertain sur la future couleur politique du pays. « Le décret a été publié rapidement (…) Le gouvernement a poussé en ce sens dans un contexte électoral incertain (…) Beaucoup de gens à Mayotte ne l’ont pas bien vécu, dont un groupe à la CME (…) Le but était surtout de marquer le coup pour dire qu’on s’était fait forcer la main à propos de ce décret (…) Les praticiens auraient préféré que le dispositif soit mieux peaufiné », explique le président de l’assemblée consultative, Thierry Pelourdeau.
Si la rapidité avec laquelle le décret a été publié a heurté la communauté médicale, c’est aussi parce que l’actualité s’est entrechoquée avec le sujet de l’attractivité des praticiens hospitaliers, qui avait fait couler beaucoup d’encre, mais peu d’espoir concret. « Les médecins auraient d’abord voulu renforcer l’attractivité des praticiens de plein exercice avant de se lancer dans un dispositif réglementaire qui permettent à des médecins étrangers d’avoir la possibilité d’exercer à l’hôpital (…) Ils estiment que tous les efforts n’ont pas été faits pour attirer des médecins européens. » Pour le président de CME, cette pénurie médicale nationale s’expliquerait aussi en raison d’un numerus clausus jugé trop sévère par certains praticiens, qui verraient au sein du système français d’enseignement de la médecine, un parcours d’excellence, mais trop sélectif par rapport à d’autres Etats, pour répondre à la demande de soins de la population. Le défi est donc double pour la communauté médicale du CHM, qui souhaite poursuivre sa lutte pour l’attractivité des praticiens hospitaliers de Mayotte et anticipe déjà de garder les futurs PADHUE après leur titularisation sur le territoire de Mayotte. La suppression de l’imposabilité de l’indemnité particulière d’exercice (IPE) et la baisse du nombre d’échelons pour que les praticiens progressent plus vite dans la gamme par rapport à la métropole, figurent parmi les mesures exigées par les praticiens pour renforcer l’attractivité des médecins hospitaliers.
75% des services du CHM « pour »
Si les anti-PADHUE ont un lobby certainement plus actif, « pour une partie de la population, mieux vaut avoir un PADHUE que pas de médecin du tout », rappelle le président de CME. De la même façon qu’en Guyane et aux Antilles, initialement, les médecins PADHUE devaient s’astreindre à des épreuves de vérification de leurs connaissances afin de pouvoir exercer dans ces départements d’outre-mer. Progressivement, cette exigence avait été soulevée. Actuellement, les médecins PADHUE exerçant en Guyane et aux Antilles sont comme les futurs PADHUE de Mayotte, soumis à un exercice, uniquement sur le territoire choisi, avant une autorisation de plein exercice. D’après nos informations, 70 praticiens étrangers auraient déjà envoyé leur dossier pour exercer à Mayotte. Un médecin généraliste devrait arriver dès le mois d’août prochain. Les candidatures des praticiens exerçant une spécialité seront étudiées ultérieurement.
Mathilde Hangard