« La Conférence des parties commence aujourd’hui » déclare en ouverture le préfet de Mayotte, François-Xavier Bieuville. À l’approche de la 29ème Conférence des Nations Unies sur le changement climatique (COP 29) qui se tiendra du 11 au 22 novembre 2024 à Bakou, en Azerbaïdjan, la Conférence des parties (COP) de Mayotte sur la planification écologique s’est ouverte mercredi matin, au sein de l’hémicycle Younoussa Bamana du Conseil départemental.
À chaque territoire, sa « COP »
Réunis au sein de l’hémicycle du Conseil départemental, le préfet de Mayotte, le président du Conseil départemental, Ben Issa Ousseni, la responsable de Météo France Mayotte, les représentants de la Direction de l’Environnement, de l’Aménagement, du Logement et de la Mer de Mayotte (DEALM) ont présenté la stratégie des acteurs du 101e département pour répondre aux défis climatiques à l’horizon 2030, dans le cadre d’une planification climatique nationale, que chaque territoire a dû décliner.
Le 25 septembre 2023, le Président de la République avait appelé les collectivités territoriales à conduire la planification écologique nationale au sein de leurs territoires. Cette planification comprend en particulier la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la préservation et la restauration de la biodiversité, la gestion durable de nos ressources et l’adaptation au changement climatique. Dans ce contexte, chaque territoire a constitué sa propre Conférence des parties (COP) réunissant différents acteurs en charge de la gestion climatique dès le mois d’octobre 2023 pour définir régionalement des leviers d’actions pour répondre aux objectifs de réduction des gaz à effet de serre (GES) et de préservation de la biodiversité.
« C’est une première étape pour établir un diagnostic et faire un état des lieux de la situation afin de l’améliorer. La deuxième étape sera d’organiser les débats, de sensibiliser et de conscientiser la société mahoraise. La troisième étape aura pour but de programmer des actions dans un programme afin de faire dialoguer les institutions et la société, pour construire une feuille de route d’ici 2030 et se lancer dans son exécution », a présenté le préfet de Mayotte.
« 90% de la biodiversité marine mondiale est présente dans le lagon »
Les enjeux sont colossaux. Concrètement, comme rappelé par le préfet, l’objectif est de « renverser la courbe d’ici 2030, faute de quoi, une augmentation de 4°C sur l’ensemble de la Terre sera prévue d’ici 2100, entraînant des désordres humains et géopolitiques majeurs, notamment la disparition de l’île des Maldives et la moitié du Bangladesh », pour ne citer que ces exemples. L’ambition porte également sur des réflexions autour de nouvelles sources de production d’énergie moins nocives pour l’environnement, une gestion « intelligente » des ressources, notamment des ressources naturelles et une réduction des pollutions.
Deux priorités : Gestion de l’eau et protection de la biodiversité
À Mayotte, deux enjeux prioritaires sont portés par la Conférence des parties : la protection de la biodiversité et la gestion de l’eau. Comme mentionné par le préfet, le Parc naturel marin de l’île est un des hauts lieux de la biodiversité mondiale : « La protection de la biodiversité est essentielle à Mayotte, 90% de la biodiversité marine mondiale est présente dans le lagon. » Lors de cette réunion, le représentant de l’Etat s’est donné comme objectif pour 2027 « d’atteindre une adduction en eau potable sans coupure, de permettre un travail sur le réseau d’eau, les forages, l’assainissement et l’usine de dessalement pour garantir une eau potable régulière sur le territoire. » Enfin, l’importance de la pollinisation pour le développement agricole, la protection des pontes de tortues et la lutte contre leur braconnage, ainsi que la préservation des mangroves et des zones humides ont été soulignées. Pour François-Xavier Bieuville , « il est nécessaire de conjuguer développement et protection de l’environnement » et « le développement du territoire de Mayotte n’est pas incompatible avec la protection de son environnement. »
Rien ne sert d’avoir raison, si on a raison tout seul
Pour répondre à ces enjeux à l’horizon 2030, le préfet a insisté sur la nécessité d’une « collaboration » entre les représentants de l’Etat et les citoyens : « L’État seul ne peut rien faire. Les institutions et les communes doivent être systématiquement associées (…) Les citoyens doivent être informés des enjeux pour comprendre et participer activement à la démarche. »
Une conférence louable mais légèrement hors-sol
Si les perspectives sont très « ambitieuses » comme l’a déclaré le directeur de la DEALM, Jérôme Josserand, elles n’en restent pas moins intéressantes. Cependant, à l’écoute des ambitions portées par les acteurs du territoire sur l’environnement à Mayotte, rares sont les personnes de la salle qui pensent que le territoire est capable d’y répondre à l’horizon 2030, à moins d’un changement radical, urgent et nettement accéléré.
En effet, lors des différentes prises de parole des représentants, les doutes ont plané. Si les grandes ambitions émises peuvent être plus crédibles dans un autre territoire, à Mayotte, elles sont vite rattrapées par la réalité difficile d’un terrain où l’environnement se dégrade à vitesse grand V.
Lors des échanges, c’est la thématique de la gestion des déchets qui a hérissé les intervenants. Après un exposé du « plan de propreté urbaine à horizon 2030 » par la Directrice en charge de l’organisation et la conduite du changement au sein de la ville de Mamoudzou, nul ne peut soutenir que la Ville est inactive en matière de lutte contre les déchets sur son territoire. Néanmoins, depuis plusieurs années, les déchets s’accumulent sur l’ensemble de l’île, les conteneurs de tri sont saturés et les lieux de dépôt des déchets sont envahis par divers objets abandonnés par les citoyens, au sujet desquels les institutionnels se renvoient la balle sur leurs compétences respectives, conduisant à une stagnation et une accumulation d’objets abandonnés le long des routes, dont personne ne veut se charger.
Cet exemple est loin d’être le seul et les ambitions des porteurs de la COP Mayotte sont parfois fortes en café. À plusieurs reprises, les représentants de la Conférence des parties ont exprimé leur souhait de voir « les plus jeunes éduqués à la protection de la nature », pour reprendre les mots du président du Conseil départemental, Ben Issa Ousseni. Mais encore faudrait-il que « les plus grands » montrent l’exemple, à commencer par le matin même de l’ouverture de la conférence.
En effet, en amont de la Conférence, les invités ont été accueillis autour d’un buffet, où les gobelets en carton se sont rapidement accumulés et tous les déchets ont été réunis dans un même et unique sac d’ordures ménagères, sans aucun souci de recyclage de la part des représentants et des invités en matière de tri ou simplement de consommation.
Aussi, alors que nous nous trouvions dans l’enceinte du Conseil départemental, des voitures appartenant à des élus ont été nettoyées à l’aide d’un tuyau raccordé au réseau de la ville, alors même qu’un arrêté préfectoral avait été adopté pour interdire l’utilisation d’eau à des usages secondaires, en contexte de tension hydrique.
Enfin, si l’objectif de la COP Mayotte a été de s’atteler à la réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, la question des transports n’a pas été évoquée. Or, plus que dans n’importe quel autre territoire français, la population de Mayotte se déplace majoritairement en voiture et la question de ce « réflexe automobile », même pour réaliser une très courte distance, est corolaire de la problématique de l’insécurité.
Il aura fallu attendre la prise de parole de la 4ème vice-présidente du Conseil départemental, chargée des Sports, Culture et Jeunesse, Zouhourya Mouayad Ben pour retrouver un peu de sens concret à cette grand-messe climatique. « L’île de Mayotte est sale et il est crucial de passer au stade de la verbalisation. Il est important que les gens sachent qu’on ne peut plus faire n’importe quoi sur cette île. On ne peut plus jeter n’importe quoi et n’importe où. »
Sur cette question des déchets, on peut se poser la question de l’absence de campagnes de communication massives sur le tri, le recyclage et les bonnes pratiques en matière de lutte contre les déchets sur le territoire de Mayotte. Pourtant, l’initiative récente du groupe Citeo, sur la collecte des bouteilles en plastique de l’île avait été un succès, où 3.216 participants s’étaient mobilisés pour collecter 900.000 bouteilles en plastique, soit 27 tonnes de plastique en moins qui auraient pu se retrouver dans le lagon si précieux mais si fragile.
Mathilde Hangard