16 juillet 1984 – 16 juillet 2024
À Mayotte, le Conseil de la culture, de l’éducation et de l’environnement a été créé le 16 juillet 2004 et placé auprès du Conseil départemental, portant les réflexions de la société civile et souvent qualifié d’assemblée citoyenne du « premier mot ». Après 20 ans d’existence en tant qu’assemblée au service de de l’assemblée exécutive et du territoire, l’heure est aux enseignements et aux perspectives.
Lors de cette conférence dans l’hémicycle Younoussa Bamana, organisée autour de deux tables rondes, pas question pour ses représentants de dresser un inventaire de l’ensemble des actions réalisées par le CCEEM depuis sa création mais de rappeler son histoire, certaines initiatives déployées et les prochains objectifs à mettre en oeuvre.
Un CCEEM engagé mais peu visible ?
Si pour le Président de l’assemblée, Madi Vita, les actions du CCEEM sont positives, les orientations stratégiques générales révèlent un manque de visibilité de la deuxième assemblée du département. « Le CCEEM a fait beaucoup mais il reste beaucoup à faire encore », a déclaré son Président. Dans le cadre de son projet de politique générale et de mandature 2024-2027, le manque d’influence du CCEEM auprès des acteurs du département est écrit noir sur blanc. L’axe 1 pose ainsi comme objectif celui « d’asseoir le CCEEM à sa place de deuxième assemblée auprès de l’ensemble des acteurs du département de Mayotte, mais aussi au niveau national. » De plus, le manque de communication et la nécessité de valoriser les productions du CCEEM ont été évoqués : « Ce n’est pas que le CCEEM ne fait pas, c’est qu’il fait sans qu’on le voit parfois », déclare un invité.
Des matriochkas d’objectifs
À propos de ses objectifs, l’assemblée insiste sur l’importance de disposer d’un cadre de travail plus ordonné, en travaillant par « groupes » et « en mode projet », tout en suivant un planning annuel de réunions de travail avec d’autres structures internes. Au sujet de la culture, si l’accent est mis sur la culture mahoraise et ses traditions, les membres du CCEEM souhaitent également que l’éducation soit « adaptée au contexte et aux besoins du territoire. »
Pour ce faire, si l’assemblée s’engage à offrir aux jeunes de Mayotte des perspectives variées en matière éducative, sociale ou professionnelle, en promouvant des « initiatives d’éducation populaire », un certain retour aux traditions s’impose comme fondement pour l’assemblée culturelle, qui affirme vouloir « replacer la communauté et les adultes dans leur fonction traditionnelle d’éducation et de jeunesse. » Aussi, si les ambitions du CCEEM en matière de protection des milieux environnementaux sont vastes, la réalité est tout autre : les déchets s’accumulent sur l’île. Enfin, « la lutte contre le logement insalubre et indigne », mentionnée, fait surtout référence aux bidonvilles de l’île, face auxquels le CCEEM montre son opposition, sans préciser les impacts sociaux et environnementaux des actions de décasage sur une petite île de 374 km², comptant près de 320.000 habitants (d’après les estimations de l’INSEE…).
Les outre-mer, à la marge des chaînes du service public de l’audiovisuel
En moins d’une génération, le territoire de Mayotte est passé d’une société traditionnelle basée sur l’oralité, à une société hybride, connectée aux réseaux mondiaux de communication, où la population a davantage accès à des téléphones portables qu’à de l’eau potable. Malgré cela, les sénateurs J. Guidez et M. Antiste affirment que la disparition de la chaîne de télévision France Ô de la TNT « a provoqué une onde de choc dans le monde de l’audiovisuel public ultramarin. Seule véritable fenêtre de visibilité des outre-mer sur les chaînes du service public de l’audiovisuel, celles-ci n’ayant jamais vraiment respecté les exigences prescrites en la matière par leurs cahiers des charges et leurs contrats d’objectifs et de moyens (COM). L’émoi peut être légitime pour ceux qui partagent le questionnement de M. Wallès Kotra, directeur exécutif en charge de l’outre-mer à France Télévisions, auditionné dès le 5 juillet par la Délégation sénatoriale aux outre-mer : Peut-il y avoir une citoyenneté sans visibilité ? »
En effet, la visibilité des outre-mer sur les chaînes d’information n’est que relative. La radio publique France Info s’efforce de diffuser un programme « outre-mer express » où un seul sujet par département d’outre-mer est présenté, une seule fois par jour. Ainsi, la plupart des événements qui ont lieu en outre-mer, quand bien même leurs sujets seraient plus brûlants que l’actualité métropolitaine, ne sont pas relayés.
On peut penser, par exemples ces dernières semaines, à l’incendie du collège de Dzoumogné, aux gendarmes agressés et dépouillés par des jeunes délinquants, aux caillassages et aux agressions à la machette devenus quotidiens, qui sont restés sans écho. Pour Maxime Ahrweiller Adousso, c’est aussi pour cela que les arts, comme le cinéma, ont leur importance, en ce qu’ils portent des réalités locales en dehors des sentiers battus : « Avec le film Koungou, les Mahorais ont montré qu’on pouvait faire un sujet local avec une production locale et avoir du succès. » Ainsi, pour rebondir sur l’interrogation des sénateurs Guidez et Antiste, les projections du CCEEM souhaitent pallier à cette « dilution de la citoyenneté sans visibilité » dans ses domaines de compétence. Pour ses représentants, la place de Mayotte, son histoire, sa culture, son identité, ses arts, ses spectacles vivants, ses artistes, doivent être réunis et mis en avant, pour montrer ce que signifie ici, à Mayotte, le mot société : « Le CCEEM a su être un lieu de réflexions et de dialogue où les idées et les initiatives se sont forgées pour répondre aux défis environnementaux, culturels et climatiques. Continuons à tracer la voie d’un avenir prospère à Mayotte », a conclu Madi Vita.
Le CCEEM se donne trois ans pour accompagner la population mahoraise et particulièrement sa jeunesse, vers un cap d’avenir inclusif, « lui permettant de se questionner, de trouver des points de repère sur son histoire, ses normes sociales et valeurs éducatives (…) des outils nécessaires pour une identité forte, capable de résister, de s’affirmer face aux dérives, aux tentations de manipulation et de violences. «
Mathilde Hangard