Sur les 7 élèves de Terminale du lycée des Lumières ayant passé cette année le concours de Sciences Po, 5 ont été admissibles aux écrits et 2 ont réussi l’oral. Il s’agit d’Hidaya Saenfane et de Julie-Laurinda Rabe, deux jeunes filles âgées de 18 ans, souhaitant se former aux sciences politiques dans l’espoir de revenir « changer les choses » sur leur île d’origine. « Grâce à la convention d’Education Prioritaire, nous avons pu nouer un partenariat avec Sciences Po et créer un atelier dédié au sein de notre établissement », explique Alix Jeu, la professeure de lettres responsable de l’atelier avec sa collègue d’histoire-géographie Naima Ali-Hared. Alix Jeu, elle-même ancienne élève de Sciences Po, s’ingénie depuis 2 ans avec ses collègues à repérer les élèves à haut potentiel scolarisés au lycée des Lumières et susceptibles de pourvoir intégrer la prestigieuse école de sciences politiques. « On leur donne confiance, chose qui leur manque le plus souvent, et on leur fait découvrir comment fonctionne l’école », explique-t-elle.
L’atelier Sciences Po est accessible aux élèves dès la classe de Première, à raison de 2 heures par semaine. Elle s’adresse aux meilleurs élèves de l’établissement, c’est-à-dire ceux dont la moyenne générale atteint au moins les 17/20. « On recherche également les élèves qui ont certaine « vision » car c’est ce qui correspond à l’école. Des personnalités particulières, de celles qui ont « un petit truc en plus » », précise Alix Jeu. C’est notamment le cas des deux jeunes filles qui ont été admises à Sciences Po cette année.
Hidaya Saenfane, écrivaine à 18 ans
Hidaya Saenfane a réussi l’exploit d’écrire et de publier un roman à l’âge de 18 ans. Ce dernier, intitulé « La face cachée de Mayotte », a été publié aux éditions Orphies. S’il est d’ores et déjà disponible à l’échelle nationale, les exemplaires n’arriveront que le 20 juin prochain dans les librairies mahoraises. Elle y aborde plusieurs sujets tabous de la société mahoraise dont les violences sexuelles et les mariages arrangés. Son roman est également un plaidoyer pour que les parents de notre île offrent une meilleure éducation à leurs enfants, afin qu’ils ne sombrent pas dans la délinquance. Dans la lignée des thématiques abordées dans son roman, Hidaya est également très engagée au sein de deux associations : Haki Za Wanatsa, qui milite pour les droits des enfants à Mayotte, et Mon p’tit loup qui lutte contre les violences sexuelles faites aux mineurs. Au-delà de ses aptitudes scolaires, ce sont donc les talents d’écrivaine d’Hidaya et son militantisme social qui ont séduit le jury de Sciences Po.
« A la fin de mon année de seconde, au moment où il fallait choisir les options pour la classe de Première, j’ai participé à une réunion au sujet de Sciences Po, organisée par le professeur Barthélémy. Ça m’a vraiment beaucoup intéressée, car j’avais déjà une attirance pour la géopolitique et l’histoire », raconte la jeune fille qui souhaite devenir diplomate au sein d’une organisation internationale plus tard. « Sciences Po me permettra de comprendre le monde dans lequel je vis et de contribuer à le transformer », espère-t-elle. Elle a pour objectif de revenir ensuite à Mayotte et de s’engager en politique pour tenter d’améliorer la situation de son île.
Julie-Laurinda Rabe : future entrepreneuse à l’échelle régionale
Julie-Laurinda Rabe, bientôt 18 ans également, a un projet d’une toute autre nature. Elle souhaite monter son entreprise dans le domaine de la parfumerie et la développer à l’échelle régionale. « Je souhaite créer une marque de parfum propre à Mayotte, mais il ne s’agit pas seulement de monter une entreprise : je souhaite, grâce à ce projet, contribuer au développement de l’île en nouant notamment des relations économiques avec la région océan Indien », explique la jeune fille. « La raison principale de l’immigration clandestine à Mayotte est que les habitants des pays voisins n’ont pas de travail chez eux et ont donc peu de ressources économiques. En délocalisant les entreprises dans la région, on créerait de l’emploi et on limiterait ainsi la pression migratoire », estime-t-elle. C’est la raison pour laquelle elle a souhaité intégrer Sciences Po, pour bien connaître les enjeux économiques et géopolitique de la région afin de pouvoir déployer son projet le plus efficacement et intelligemment possible par la suite.
Une fois encore, la réunion de fin de seconde avec le fameux professeur Barthélémy a été déterminante. « J’hésitais concernant mon avenir et cette réunion m’a éclairée », explique Julie Laurinda, qui a baigné dans un environnement familial porté sur la politique. « On parle beaucoup de politique dans ma famille, mais personnellement j’attends d’acquérir davantage de connaissances avant de me positionner », affirme-t-elle.
Les deux jeunes filles intègreront les bancs de Sciences Po dès la rentrée 2024 pour la plus grande fierté de leur établissement et de leur île d’une manière générale !
Nora Godeau