Les témoins de la passation de pouvoir rue Oudinot ce vendredi relatent tous un moment de flottement quand Philippe Vigier a passé le témoin, voire même de l’amertume chez celui qui sera resté six mois à son poste, un homme de terrain qui s’était immergé dans la crise de l’eau à Mayotte, avec un parler vrai pour l’ensemble des acteurs.
Les Outre-mer auront donc eu 4 ministres en 20 mois, Yaël Braun-Pivet ayant été éphémère à ce poste pour s’être envolée quelques semaines après vers le perchoir à l’Assemblée nationale. Lui avait succédé Jean-François Carenco qui sera resté dans l’ombre de son ministre de tutelle Gérald Darmanin. Après Philippe Vigier, c’est une ex-LR qui arrive aux côtés de Gérald Darmanin lui-même originaire de la même mouvance politique.
Marie Guévenoux n’est pas une débutante puisque comme nous l’expliquions, elle est une des trois questeurs de l’Assemblée nationale, et tant mieux, mais il va lui falloir des conseillers expérimentés pour ne pas retomber dans les travers des précédentes crises de 2011 et 2018.
Les mouvements avaient également été menés par « la base », appelée cette fois « Forces vives », sans leader principal, mais qui ne veulent pas se laisser dépouiller du mouvement par des élus qui n’ont pas eu, par le passé, la trempe de défendre les avancées.
Un territoire à bout de souffle
La preuve, les leaders du mouvement ne veulent pas se contenter de la main tendue de Gabriel Attal ce jeudi – pourtant le Premier ministre s’est exprimé en personne – mais attendent « un interlocuteur sur place ». Tout le monde attendait le ministre des Outre-mer Gérald Darmanin qui a indiqué avoir été pris par la manifestation des agriculteurs. Lors des précédents mouvements, les ministres ne voulaient pas reconnaître ces « manifestants cagoulés », pour reprendre une des critiques du président Macron en Guyane, et ont mis du temps à venir sur le territoire. Ce qui a contribué à son enfoncement dans la crise.
Il semble que cette erreur ne se reproduise pas puisque Marie Guévenoux a annoncé lors de sa passation au ministère que son premier déplacement se ferait à Mayotte « dans les prochains jours ». Un message plus qu’espéré car les élèves ont déjà perdu un temps irrattrapable d’enseignement, des malades attendent d’être soignés, le secteur privé attend de compter ses dépôts de bilan, etc. Le territoire est à bout de souffle.
La ministre voudra sans doute faire un bilan avec les élus, mais elle ne doit pas oublier les auteurs de la mobilisation, ils représentent une population en grande souffrance d’insécurité. Rien que sur la soirée de jeudi soir, un grand nombre d’automobilistes ont été pris pour cible à Majikavo Koropa, le DGS de la mairie de Koungou a été violemment agressé au visage. Certains habitants n’ont pas pu rentrer chez eux de la nuit, une nuit ponctuée de nom breux tirs de grenades lacrymogènes contre les voyous qui, armés de machettes, ont menacé les habitants du quartier de la mosquée. Quoiqu’en disent certaines autorités, le calme est donc loin d’être revenu sur le territoire dont les axes routiers continuent également d’être bloqués par les manifestants.
Après que Christian Rodriguez, le directeur général de la gendarmerie nationale ait passé une journée sur le territoire ce jeudi, madame Guévenoux, vous êtes impatiemment attendue.
Anne Perzo-Lafond