On sera d’accord pour dire que le Shimaoré et le Kibouchi — langues locales de Mayotte — étaient quelques peu délaissées. Et leur long manque de reconnaissance comme langues régionales de France n’a pas facilité les choses. Seulement, les choses tendent vers le positif maintenant, et notamment depuis la loi de 2021* qui a permis de rectifier le tir. Dans cet élan, le CCEEM et l’association Shime* ont vu les idées affluer, dans un seul but : sauvegarder nos langues, qui « sont notre patrimoine », d’après Rastami Spelo, président de l’association Shime. Des propos confirmés par Zouhourya Mouayad Ben, Vice-présidente chargée de la culture au conseil départemental. Elle nous en dit plus : « ll faut que chaque individu, ici à Mayotte, protège nos langues, c’est notre patrimoine locales. Il est important de multiplier les actions qui inciteront les gens dans ce sens, et Tamasha en fait partie. C’est dans cet élan que le département apporte son soutien dans le bon déroulement de ce concours. »
Un concours d’éloquence* 100% en langues locales : Tamasha*
Tamasha est une première matérialisation de ces idées. Et nous nous sommes adressés à Rastami Spelo, vice-président du CCEEM et président de Shime, afin de nous en dire davantage : « Nous voulons faire en sorte que le plus grand nombre de personnes s’implique dans la lutte pour la sauvegarde de nos langues. C’est dans une quête répétée des divers moyens possibles afin d’y parvenir que nous avons posé Tamasha sur la table. À Mayotte, nous sommes plutôt de culture orale, donc, nous nous sommes dit qu’un concours d’éloquence en shimaoré et en kibouchi, pouvait bien tomber. »
Qui peut y participer ?
Pour cette première édition, dite d’expérimentation, les critères sont les suivants :
– Être majeur
– Être locuteur d’au moins une des deux langues mahoraises (shimaoré ou kibouchi)
– Être en règle sur ses papiers (le lauréat sera amené à voyager)
Comment cela va-t-il se dérouler ?
Le concours se déroule en deux phases :
– Les pré-sélections : chaque interco se chargera d’organiser des pré-sélections afin de désigner ses représentants en kibouchi ET en shimaoré (il y aura d’ailleurs un juge différent pour chaque langue). Lobjectif est d’avoir 10 finalistes provenant des 5 intercommunalités de Mayotte.
– La finale départementale : cette dernière se déroulera devant un public et sera accompagnée de diverses animations.
Que faire pour gagner ?
Ça reste un concours d’éloquence malgré tout, donc la manière de s’exprimer, de séduire le public, ainsi que la qualité du discours compteront pour espérer aller le plus loin possible. En soi, il faut être un beau parleur, en usant de l’une de nos 2 langues régionale, assez simple non ? Bon, il faudra quand-même respecter des thèmes définis, comme insiste Cris Korodjee, chargée de mission du CCEEM : « Les thèmes de l’éducation, de l’environnement et de la culture seront attendus dans les prises de paroles. Ensuite, les texte devront nous être communiqués au préalable, quelques jours à l’avance, pour une vérification. » En effet, « certains termes, jugés inacceptables, n’auront pas leur place » dans les expressions orales, comme nous l’a confirmé M. Spelo.
Programme complet
● pré-sélections :
-3CO = 29 juillet 2023 au pôle d’excellence rural de Coconi, de 9h à 12h.
-CADEMA = 5 août 2023, à la Maison pour tous, à Dembeni.
-CAGNM = 12 août 2023 au plateau de Mtsamboro de 16h à 19h.
-CCSUD = 19 août 2023 au marché de Hamouro, de 9h à 12h.
-CCPT = 26 août 2023 au parvis de l’office du tourisme, de 15h à 19h.
● Finale départementale : 28 octobre 2023 à l’hémicycle Younoussa Bamana, au Conseil départemental.
Il y aura 2 lauréats, un pour le shimaoré et un autre pour le Kibouchi. Le premier cité remportera un séjour d’immersion en Tanzanie, tandis que le deuxième bénéficiera de la même chose, mais à Madagascar. Si l’édition de cette année ne comprendra que des candidats majeurs, celle de l’an prochain pourrait prendre un tournant scolaire et ainsi inclure des candidats moins jeunes. Du côté du conseil départemental, toujours à la suite de ce concours, on réfléchirait à inclure les langues mahoraises dans les enseignements scolaires. Avoir des cours de shimaoré et de Kibouchi à l’école ça vous tente ? Nous oui. En attendant, des discussions concrètes devront se tenir entre le département, le rectorat et le CUFR.
Houmadi Abdallah
*Le shimaoré et le Kibouchi sont désormais reconnus comme langues régionales de France et peuvent théoriquement être enseignées dans les écoles, grâce à la promulgation de la loi du 21 mai 2021. Celle-ci, relative à la protection patrimoniales des langues régionales et à leur promotion.
*Shime est une association créée en 1998 et qui a pour objectif la préservation des langues à Mayotte. Elle offre à ceux qui le souhaitent, des outils d’apprentissage des langues mahoraises.
*L’éloquence est l’art de bien parler. On expose ainsi, sa maîtrise de la rhétorique.
*Tamasha : Rastami Spelo l’a définit comme étant « le coup de boost qui va accélérer les choses dans l’objectif de préserver et promouvoir nos langues locales ».Tamasha va emmener les candidats à se surpasser et à se sublimer, dans leur maîtrise de leurs langues maternelles, tout en explorant des thèmes qui rythment l’actualité.