La Transition écologique, grande thématique de ces Universités de l’Innovation publique 2023. L’occasion de dresser une sorte de bilan des avancées ou non en la matière et d’autant plus à échelle de son propre territoire car, de manière tout à fait légitime, les attentes, besoins et moyens des Hauts-de-France, ne seront pas les mêmes que ceux de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur et encore moins ceux de Mayotte ! Et qu’en est-il d’ailleurs de notre insulaire petite caillou au regard des défis environnementaux actuels et à venir ? De ce qui doit-être fait ou de ce qui pourrait être ? Comprendre enfin que les décisions et actions d’aujourd’hui ont indéniablement leur impact sur le Monde de demain. Cela peut paraitre tristement rébarbatif car ce sujet des déséquilibres climatiques n’a de cesse d’être mis en avant et médiatisé mais pour autant, quelles sont les pistes de réflexion et les solutions concrètement déjà engagées ? Vaste question s’il en est, auxquels nos techniciens publics mahorais, en l’absence royalement notifiée de nos élus, ont été invités à répondre durant ces presque 2 jours de conférences et d’animations.
Parlons de la pérenne exploitation énergétique
Baignés dans ce contexte d’urgences au pluriel, comment faire comprendre aux gens que l’urgence climatique est à dominante l’amorce à effet domino, le déclencheur d’un grand nombre de besoins qui composent notre quotidien ? Arriver à conscientiser tout un chacun au regard de la fameuse légende amérindienne du colibri.
Telle fut la subtile introduction du géographe Said Said Hachim, spécialisé dans les risques naturels. En somme, je ne me sens pas concerné à ma petite échelle, j’attends, je fais comme si de rien n’était et je regarde éventuellement les autres agir ou bien je comprends justement, aussi petite soit ma contribution, qu’elle déclenche une dynamique d’action qui peut être source d’inspiration pour d’autres et, par bénéfique effet de résonance, le mouvement global qui impulse le changement. Mais là encore, quel type de changement ? Purement réactif immédiat, pécuniairement intéressé ou bien lucide et foncièrement déférent envers l’Environnement et, par conséquent, le futur de cette Planète et des jeunes générations qui la composent ?
C’est donc dans ce schéma de pensée à court, moyen ET long, voire très long, terme que les convives de ces Universités de l’innovation publique ont été aiguillés.
De plus en plus d’études amènent à confirmer que notre région Canal Mozambique/océan Indien est une mine d’or en matière d’énergies fossiles. Des potentielles énergies que l’on sait pertinemment en quantité limitée et, surtout, non renouvelables. Des énergies polluantes dans leur (sur)exploitation mais également leur extraction (pour exemple, l’extraction du pétrole, représenterait 15 à 40% des émissions carbone mondiales selon une récente étude). Un cercle vicieux et destructeur que l’on ne peut plus se permettre d’alimenter sachant le développement de plus en plus étudié d’alternatives portées sur les énergies renouvelables et, par conséquent, quasi permanentes.
La saine autonomie énergétique, Mayotte peut-elle y prétendre ?
Emboitant le pas de cette respectueuse dynamique d’exploitation de ressources totalement naturelles et renouvelables, notamment en matière de production d’électricité, il est une énergie encore méconnue, en comparaison du solaire, de l’hydraulique, de l’éolienne ou encore de la biomasse. Cette énergie est appelée la géothermie*. Son principe ? Exploiter la chaleur de la Terre au delà de 110°C, à des profondeurs plus ou moins variées (on parle de chaleur de surface entre 0 et 200 mètres et chaleur profonde au delà des 200 mètres), pour la transformer en énergie électrique et la revendre au réseau public par exemple comme il est cas à Bouillante, en Guadeloupe; territoire connu pour son activité volcanique : « Cette centrale a une capacité de production électrique globale de 15,5 MW répartie sur 2 unités. Si on l’implantait telle quelle, ici à Mayotte, sachant que notre mode de consommation en la matière est moindre**, cela correspondrait à 30% de notre production électrique » nous présente Ludivine Sadeski, ingénieure géophysicienne au sein du Bureau de recherches géologiques et minières (Brgm).
La présence de ce potentiel réservoir géothermique situé entre -1,5km à -6km, issue d’une source de chaleur magmatique profonde donc (évaluée à au moins 250°C), a été confirmée par le biais d’une étude menée sur 2 ans en Petite-Terre par le Brgm — commandée par le Conseil départemental, l’Ademe et l’Agence française de développent (AFD), publiée en janvier 2023— à la fois en milieu marin et terrestre ( 1 zone d’exploration maritime pour 3 zones terrestres). Cette première phase d’étude ayant été menée par voie d’exploration principalement échographique et géologique, la prochaine étape serait de tabler sur un système de forage mais pour ce faire, le coût n’est pas des moindres… Donc affaire à suivre.
Une prise de conscience par les données et les images
La seconde matinée de ce rendez-vous fut scindée en 2 ateliers. Deux configurations intéressantes permettant aux participants de devenir pleinement acteurs de ces universités à travers des échanges et des témoignages, notamment pour l’atelier numéro 1, en lien avec la préservation de nos écosystèmes maritime et terrestre que sont les coraux et la mangrove : « En 2015, nous étions aux îlots du Nord avec mon fils. Tout excité de me dire qu’il avait vu Némo en nageant, je lui laisse mon appareil photo qui, de surcroit, prend les cordonnées GPS en même temps que les clichés. Il repart retrouver son ami sous l’eau et revient effectivement avec des photos magnifiques de ce poisson clown et de tout l’environnement autour. Repartis entre temps vivre en Métropole, nous sommes revenus en 2019 et avons décidé de retourner exactement en ce même lieu pour voir comment allait Némo. C’était juste affreux et la carte postale sous-marine avait tristement changé. Beaucoup de coraux étaient cassés, voire morts, il n’y avait plus autant de vie qu’avant et la pollution (humaine) était bien visible » nous confie Said Said Hachim.
De côté de l’atelier numéro 2, le principe était d’établir la Fresque du climat. Créée en 2015 par un français, Cédric Ringenbach, cette fresque se base sur les données issues des rapports scientifiques du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) et a pour but, neutre et totalement factuel, de sensibiliser ses participants quant aux changements et urgences climatiques. Traduit en plus de 45 langues et déjà utilisée dans près de 130 pays (soit au bas mot, 1,1 millions de participants conscientisés), cette fresque se construit à travers un jeu de 3 heures où il est question de positionner chaque carte dans une logique indubitable d’interconnexion. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’effet électrochoc a le mérite d’agir pour certains, futurs colibris en puissance… Comprendre que l’activité humaine est grandement responsable de ses propres maux, tant dans l’approche climatique environnementale donc, mais également, tel l’effet domino/boomerang amorcé en réthorique introductive, d’autres dommages collatéraux portés sur la Santé, l’Immigration de masse, les conflits armés, la Famine…
Tant d’implacables vérités qui ne manquent pas de bousculer, en bien, les esprits comme nous le témoigne Aïda Houlame, directrice adjointe Cnfpt : « Je n’avais jamais participé à ce jeu et je dois avouer que je n’avais pas conscience à ce point tel que nous, êtres-humains, sommes responsables de la quasi majorité des ces tristes sujets qui nourrissent l’actualité. Dans notre quotidien, nous n’y pensons pas forcément et ne faisons pas non plus d’actions pour faire évoluer positivement les choses. Du moins, amoindrir les problèmes. Faire cette Fresque, c’est se remettre en cause. Notre première petite action de prise de conscience doit s’acter dans le cercle familial, pour au moins devenir éco-responsables. Nous pouvons tous le faire ».
Après ces 2 jours informatifs et enrichissants, aussi nourris d’initiatives déjà en place ou à venir, comme à Bandrélé par exemple, qui prend le parti de construire sa prochaine micro-crèche en briques de terre compressées, de renaturer sa zone urbaine, d’auto-alimenter son hôtel de ville grâce à l’installation de panneaux photovoltaïques sur son toit ou encore d’entamer un chantier visant la rénovation énergétique de ses bâtiments communaux, il fut aussi cas de présenter les louables aspirations du Sidevam notamment au regard de sa toute 1ère et nouvelle déchèterie fixe, de son désir de valoriser le recyclage tout comme les déchets etc. Et ces petites initiatives de colibri porteuses prennent de plus en plus poids et sens en notre territoire qui ne peut et ne veut manquer son virage à la fois évolutif et environnemental. Croisons les doigts que ces prises de conscience fassent aussi des émules auprès de la majorité de nos élus locaux afin que la qualité de vie et le riche patrimoine de notre département puissent s’inscrire dans une saine pérennité collective.
MLG
*La géothermie permet la production de chaud, de froid et d’électricité.