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L’attractivité sur les soins dénoncée par les collectifs

Ils bloquaient les centres de soin jusqu’à ce vendredi pour protester contre la pression migratoire qui les engorge à l’heure où les reconduites à la frontière étaient stoppées. Ils dénoncent une politique qui favorise « un appel d’air » par la gratuité des soins, alors que Mayotte attend toujours l’alignement des prestations sociales sur le national. Et ont été entendus.

Malgré les timides reprises des reconduites à la frontière (48 personnes ce vendredi) et la validation par le tribunal de la 1ère démolition de quartier en RHI, les tensions restent vives à Mayotte. Dans un article intitulé, « Blocage des établissements de santé de l’île : ‘C’est de la non-assistance à personne en danger !’ », nous avons évoqué le quotidien des soignants confrontés au blocage des centres médicaux de référence et des PMI par un collectif de femmes qui se veulent être la relève des chatouilleuses. Un médecin témoignait sous couvert d’anonymat ses difficultés à pouvoir secourir les malades, « On le vit très mal… On ne peut pas soigner les patients (…) pas faire de bilans sanguins pour les enfants et faire un suivi de leur traitement. En cardiologie, nous ne pouvons plus donner de médicaments (…) Il y a, à mon sens, une mise en danger des patients et un risque sanitaire qui ne cesse de croitre de jour en jour. »

Safina Soula, de tous les combats connexes à l’opération Wuambushu

A la suite de ce témoignage, le collectif a publié une tribune fleuve qui veut remettre les pendules de la santé à l’heure en donnant sa vision de l’accès à la santé à Mayotte. Elle prend pour socle la mise à l’écart des affiliés sociaux du système de soins hospitalier, « Madame, Monsieur, mais vous avez la carte vitale, vous pouvez aller consulter le médecin privé ». Alors que la médecine privée est désertifiée.

Safina Soula Abdallah, présidente des collectifs de Mayotte et signataire de la tribune, met en perspective une vision dichotomique des services publics à Mayotte : d’un côté, l’absence d’alignement des droits sociaux (RSA, retraites, code de la sécurité sociale, etc.) sur le national par les pouvoirs publics de peur d’un appel d’air en provenance des Comores, de l’autre, la gratuité des soins pour les non assurés sociaux, qui créée de fait un vaste appel d’air.

Vers la fin de la gratuité pour les non assurés-sociaux

La logique voudrait en effet que si les pouvoirs publics considèrent normal de ne pas demander de participation financière à des patients précaires, ils permettent par un alignement des allocations et prestations sociales des habitants réguliers, un meilleur accès aux soins libéraux.

Les collectifs évoquent une note de service daté du 30 novembre 2015 d’un directeur du CHM rétablissant la gratuité des soins pour l’ensemble des usagers de l’hôpital. Nous avons contacté successivement Olivier Brahic, directeur général de l’ARS Mayotte, et Jean-Matthieu Defour, directeur général du CHM.

Le premier rapporte que « la législation qui prévaut dans ce domaine est l’article 6416-5 du Code de la santé publique ».Les frais des non affiliés sociaux, sont gratuit, ou plus exactement pris en charge par l’Etat pour les personnes pour lesquelles le défaut de soins peut entraîner une altération grave et durable de l’état de santé et pour celles recevant des soins dans le cadre de la lutte contre des maladies transmissibles graves lorsque ces soins sont dispensés par les établissements publics de santé. « Pour ce qui ne relève pas de ces champs, c’est l’arrêté pris par Dominique Voynet en 2020 qui prévaut, les non-assurés sociaux doivent s’acquitter de sommes suivant un certain barème », 10 euros pour une consultation en dispensaire, 15 euros pour des soins dentaires, jusqu’à 300 euros pour le suivi d’une grossesse et l’accouchement.

Mais dans les faits, aucune participation n’est demandée. Les choses devraient évoluer, nous indique Jean-Matthieu Defour que nous avons sollicité : « A ma demande et celle du président de la Commission Médicale d’Etablissement, les tarifs fixés par l’ARS pour les non-assurés sociaux vont être généralisés dans tous les services. »

Plus de 20.000 enfants vus en PMI

La toute neuve PMI de Combani

Autre élément dénoncé par les collectifs sur lequel il faut s’arrêter, le nombre d’enfants vus dans les 21 points de consultation de PMI (Protection Maternelle Infantile) de l’île en 2019 : « On comptabilise en moyenne par site et par semaine, 6 nouveaux enregistrements d’enfants nés hors Mayotte, soit l’équivalent de 18 naissances par jour ! », rapporte la tribune. Ce qui, rajouté aux 10.795 naissances en 2022 crée un baby boom aux portes des PMI.

Nous avons contacté Alain Prual, Directeur de la PMI et Prévention Santé, pour obtenir des chiffres récents : « Depuis 2022, nous avons mis en place un nouveau système de comptabilité qui permet d’éviter les doublons. Ce sont ainsi 20.056 enfants de 0 à 6 ans qui ont été vus cette année là en PMI, au cours des 32.917 consultations. Pour 77%, il s’agit de non assurés sociaux. » Pour le conseil départemental se posait le problème de l’absence de remboursement de ces soins par la sécurité sociale, une convention avait été signée avec la CSSM à ce sujet pour une compensation financière.

En se basant sur ces chiffres des 30 naissances quotidiennes ajoutées aux frères et sœurs récemment arrivés, le collectif alerte sur la capacité à scolariser. Rappelons qu’il ne faut pas appréhender ce chiffre comme celui de nouvelles classes à ouvrir, puisque chaque année, ce sont autant d’enfants qui les libèrent en passant dans la classe supérieure. Ce qui doit alerter, c’est l’accroissement annuel des naissances, en rajoutant les frères et sœurs nés hors Mayotte, et voir le différentiel comme population supplémentaire à scolariser.

Maternité, CHM, sage-femme, Mayotte, Réserve sanitaire
Les activités du CHM en grande partie axées sur la maternité

En conclusion, les collectifs des citoyens de Mayotte évoquent leur présence aux abords des établissements de santé comme volonté de « dénoncer cette politique publique tendant à servir l’informel ». Et mentionnent, « assurer de permettre la libre circulation des uns et des autres dans toutes nos manifestations ».

Le préfet Thierry Suquet confiait aux médias ce vendredi que « personne ne m’a demandé de faire intervenir la force publique pour libérer les accès des dispensaires et PMI ».

Tout cela n’est somme toute que la conséquence des blocages des reconduites par les autorités comoriennes. Un sujet dans les mains de la ministre des Affaires étrangères Catherine Colonna. Les collectifs appelaient en tout cas le ministre de l’Intérieur à « une politique de fermeté absolue » des reconduites, mais aussi, à une « répartition de la charge des mineurs avec les autres départements » (circulaire Taubira), et à un « réexamen minutieux des dérogations légales en vigueur dans le territoire » dans la loi Asile et Immigration.

Les reconduites à la frontière ayant repris mercredi 17 mai, les collectifs levaient le siège des centres de soin ce vendredi. Mais, à la suite du caillassage du bus de soignants à Majikavo Koropa la semaine dernière, et des agressions aux centre médicaux de référence de Dzoumogne et Kahani, une partie des soignants s’est mis en droit de retrait.

Anne Perzo-Lafond

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