Y-a-t-il des personnes refoulées contre leur gré de Mayotte à bord du bateau de la Maria Galanta ? La question n’a toujours pas eu de réponses. Les medias et tous les observateurs ont l’œil attentif au port de Mutsamudu à Anjouan où une première rotation du bateau était attendue après moins d’un mois de suspension. Ce mercredi après-midi, des citoyens en colère à Ndzuani (Anjouan), amassés à l’entrée du port, affirment détenir «des témoignages attestant leur statut de refoulés».
Un dispositif de contrôle a été mis en place. Les agents portuaires ont reçu la consigne claire : la présentation d’une pièce d’identité comorienne est obligatoire pour autoriser le débarquement de toute personne en provenance de Mayotte exceptés ceux et celles en situation régulière. «L’accès a été strictement limité au port de Mutsamudu. Il faudra attendre les voyageurs pour les interroger, encore faut-il qu’ils acceptent de s’exprimer», nous confie un journaliste qui présent, en fin de matinée, devant le grand portail du port.
Des pièces d’identité comorienne avant de débarquer
La Société comorienne des ports (SCP) a rappelé, dans un communiqué, le statut des personnes autorisées à débarquer suivant les instructions émises lundi 15 mai par le gouvernement comorien. «Nous vous rappelons que seuls les passagers en situation régulière et ceux (en) départs volontaires munis des pièces d’identité comorienne seront autorisés à débarquer aux ports de la SCP», précise le communiqué non daté mais quand même signé par le patron des ports des Comores, Mohamed Said Salim Dahalane.
Des rumeurs laissent croire que « des personnes refoulées », entendues par un juge, avaient été embarquées à bord de la Maria Galanta après avoir passé plusieurs jours au centre de rétention de Mamoudzou. Le Collectif « Stop Wuambushu » à Mayotte aurait donné l’alerte via la messagerie WhatsApp. On compte « 16 refoulés et quatre volontaires » mais une guerre de terminologie donne du grain à moudre aux citoyens qui s’en prennent aux autorités. Ces voyageurs non identifiés auraient le statut de « volontaires », selon les milieux proches du gouvernement.
Deux jours plus tôt, le porte-parole du gouvernement des Comores, Houmed M’saidie, entouré du ministre de l’Intérieur, Mahamoud Fakridine et du délégué à la Défense, Youssoufa Mohamed Ali, avait rappelé, en conférence de presse, la position de l’Etat comorien sur l’opération Wuambushu ainsi que les conclusions issues de la rencontre, à Paris, avec Gérald Darmanin et Catherine Colonna.
«Nous leur avons clairement signifié sans ambages notre opposition à cette opération. Nous nous sommes opposés à tout plan d’expulsion des personnes en situation irrégulière et surtout aux jeunes ciblés par l’opération. Nous considérons que la France est responsable de tout ce qui se passe à Mayotte. Il lui appartient de prendre les mesures appropriées de mettr
e de l’ordre, de juger ceux qui sont en contradiction avec la loi», a souligné Houmed M’saidié qui émet l’éventualité d’accueillir tout candidat au départ à Mayotte. «On ne peut pas empêcher un Comorien qui souhaite rentrer chez lui dans l’une des trois autres îles», a-t-il nuancé.
Maintenir le dialogue encore et toujours avec la France
Le ministre dit craindre, par ailleurs, un embrasement de la situation. Les derniers épisodes de l’opération marqués notamment par des scènes de violences à l’hôpital de Dzoumogné inquiètent les autorités comoriennes qui laissent penser à «une possible complicité des élus de Mayotte», visant à pousser à l’affrontement entre Comoriens. «Nous réitérons encore une fois que tout ce qui se passera à Mayotte est de la responsabilité de la France. En tant que responsables, nous allons nous alarmer car il est de notre devoir de protéger tous les citoyens comoriens où ils se trouvent», a encore souligné Houmed M’saidié qui a une nouvelle fois persisté sur la nécessite de maintenir un canal de discussion avec la France.
De son côté, le délégué à la Défense a rappelé la complexité, rappelant que la Maria Galanta facilite le transport de nombreuses catégories de personnes. «La reprise des liaisons maritimes ne signifie pas reprise des expulsions. Le bateau Maria Galanta assure les navettes Mayotte-Anjouan-Ngazidja y compris ceux et celles qui arrivent à Mayotte en provenance de France et qui souhaitent rejoindre leurs familles dans les autres îles. Il y a aussi les opérations d’approvisionnement des médicaments et d’autres marchandises», a-t-il expliqué, précisant que le pays ne saurait envisager faire face à la France mais que le dialogue avec la France reste « le seul moyen pour résorber les problèmes communs».
A Moroni, les dénonciations contre l’opération se multiplient. Après la société civile traditionnelle, le gouvernement, les partis politiques, les députés et les maires, les chefs religieux, réunis au Palais du peuple, dimanche dernier, ont qualifié Wuambushu « d’acte éhonté orchestré pour diviser les Comoriens et précipiter un génocide à Mayotte ». Les prêcheurs et les prédicateurs ont appelé à l’unité de tous les Comoriens et au gouvernement à agir avec une grande transparence.
A.S.Kemba, Moroni