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A Longoni, rattrapage à petit pas de l’opération « reprise » du foncier de Mayotte

Des images, les caméras des médias en auront eues, mais pas de destruction d’habitat insalubre. Il s’agissait ce jeudi de raser une petite dizaine de logements sis sur le foncier du futur lycée des métiers du bâtiment. Histoire que les tractopelles ne rouillent pas.

« C’est scandaleux, le gouvernement rate l’opération à Majikavo et vient se rattraper ici ! C’est pour masquer l’échec ? ». Nadhuif est enseignant en primaire, et prend la défense de la famille qui vient de voir sa maison en dur détruite de plusieurs coups de pelleteuse. Preuve que nous ne sommes plus dans de l’habitat insalubre, ce ne sera donc pas une opération propre à Wuambushu qui va alimenter les caméras des médias nationaux présents sur le site du futur lycée des métiers du bâtiment à Longoni. Le préfet Thierry Suquet explique qu’il s’agit d’une « petite opération menée dans le cadre de la loi Elan », qui entre dans le périmètre du futur lycée et ses bâtiments connexes. « L’arrêté, comme celui du Talus 2, a été pris en décembre 2022. Tous les habitants du site ont été avertis. »

La famille dit avoir été prévenue la veille de la démolition de leur maison

La maquette du projet du lycée situe en effet le futur dojo en lieu et place de ces habitations. Elles étaient donc promises à destruction, mais les habitants revendiquent être toujours propriétaires du terrain « nous sommes là depuis 1962, ce n’est de la démolition d’habitat insalubre, ni de l’expulsion de clandestins », explique le fils de la propriétaire de la maison. Il nous indique qu’une offre de relogement leur a bien été faite, « mais pas de terrain ». On ne connaît pas le deal qui a été conclu, mais ces occupants coutumiers du site qui revendiquent la propriété du terrain et une présence depuis 75 ans, ne peuvent être pris en charge comme des habitants de cases insalubres sur un terrain occupé illégalement.

Les autorités assurent que le foncier a été vendu par l’un d’entre eux en vue de cette opération justement. « La plupart sont partis, mais certains se sont réinstallés », précise le préfet.

Une victime collatérale de Talus 2

Que cette opération ait été prévue de longue date, c’est certain, que son timing ait été accéléré à la suite de l’annulation de Talus 2 comme une victime collatérale, c’est probable. La décision de justice fait d’ailleurs débat, avec la révélation de nos confrères de Europe 1 sur la proximité de la présidente du Tribunal Judiciaire de Mayotte avec le Syndicat de la Magistrature, dont elle a été la vice-présidente, qui avait publié un communiqué critiquant l’opération Wuambushu. Elle-même avait indiqué lors d’une interview sur Mayotte la 1ère que « la délinquance des mineurs n’est pas si importante que ça » à Mayotte.

Le faré de projet pointé par le recteur Gilles Halbout sur la maquette d’ensemble, avec, à sa gauche, le dojo à l’emprise sur le foncier visé par les pelleteuses

Une position incompréhensible pour la population mahoraise, notamment le Collectif des citoyens qui appuie l’opération de Gérald Darmanin et qui n’est pas loin d’appeler à se faire justice. Ce qui nous mènerait 15 ans en arrière, lors des décasages sauvages par la population. Attention à la perte de confiance. Cela se traduit également par des « pressions et menaces » sur les avocats qui ont défendu les occupants de la vingtaines de cases épargnées, et bloquant par là même l’opération Talus 2, ainsi sur des magistrats, toujours sur la même affaire, déplore Jérôme Gavaudan, président du conseil national des barreaux, qui demande à l’Etat « d’assurer la sécurité de tous les acteurs de la chaîne judiciaire qui exercent dans l’île et la sérénité qui sied à l’œuvre de justice. » Sérénité est bien le mot qui doit s’appliquer à tous, magistrats y compris.

En tout cas, cette décision de suspension rebat les cartes, mais jusqu’où en matière de programmation ?, avons-nous interpellé Thierry Suquet. « Pour les 4 opérations en cours, nous ne pouvons pas démolir tant que la période des recours n’est pas finie, et nous continuons à proposer des relogements. Nous avons 6 périmètres en cours de finalisation, dès que les enquêtes sociales sont terminées, je prendrai 6 arrêtés. La loi Elan impose un ensemble cohérent d’habitat insalubre. Aujourd’hui 3 opérations supplémentaires sur les 15 prévues sont en train de démarrer par ce processus. Cela prend entre deux et six mois, nous continuerons après le mois de juin jusqu’à fin 2024 à minima en se basant sur les nouveaux périmètres que nous sommes en train de prendre à la demande des maires. » Rappelons qu’avant la surmédiatisation de Wuambushu, prés de 2.000 cases insalubres avaient été démolies en deux ans à Mayotte, comme nous l’avions détaillé.

Le préfet Thierry Suquet et le général de gendarmerie Olivier Capelle se rendent sur le site

Deux interpellations sur les violences de Majikavo

En important 500 forces de l’ordre supplémentaire sur le territoire, Gérald Darmanin a voulu mettre « un coup d’accélérateur » à ces opérations, comme le rapporte le représentant de l’Etat. Il y a 4 jours, c’est un coup de frein qui a été mis, et l’opération du jour se voulait être un signe que le processus continue.

En matière de reconduite à la frontière toujours impossible vers Anjouan, les procédures sont en cours envers les ressortissants africains débouté du droit d’asile.

Le préfet s’est également exprimé sur les violences commises la nuit dernière à Doujani où des bandes de jeunes ont caillassé les forces de l’ordre, notamment les CRS, et ont essayé d’incendier des véhicules. « L’intervention de renfort et du RAID a permis le retour au calme. » Neuf policiers ont été blessés, et deux auteurs de violence interpellés.

L’arrivée des forces de l’ordre supplémentaires permet de déployer un dispositif de contrôle routier, toujours en lien avec la délinquance, « nous recherchons en premier lieu la détention d’armes, mais aussi les transports de carburant en respect avec l’arrêté préfectoral. Les délinquants s’en servent ensuite pour fabriquer des cocktails Molotov », nous indique le général Capelle, commandant de la gendarmerie nationale à Mayotte. Trois individus recherchés par les forces de l’ordre ont ainsi été interpellés.

Par ailleurs, les militaires de la compagnie de Koungou, appuyés par ceux du PIGR ont procédé, au quartier «Bandrajou» à Majicavo Koropa, à l’interpellation de deux individus mis en cause dans les agressions, dégradations et incendies commis sur l’axe routier entre les deux Majikavo cette semaine dans la nuit de lundi à mardi. « Les autres mis en cause sont activement recherchés ».

Anne Perzo-Lafond

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