Pour sa première conférence de presse avec les médias locaux et nationaux depuis le début de l’opération de restauration de l’ordre public du ministre de l’Intérieur, le préfet de Mayotte a préféré au dernier moment Tsoundzou au terre-plein de Mtsapéré. Histoire de prouver que les vandales qui avaient caillassé la veille les forces de l’ordre et automobilistes, et brûlé des habitations ce lundi matin, avaient été maîtrisés. Mais à peine les explications du top lancement de l’opération avaient-elles été formulées par le représentant de l’Etat, que celui-ci fut violemment interpellé par une habitante du quartier furieuse, pour qui l’opération, c’était plutôt Wuambuchou blanc : « On a détruit ma maison, vous n’avez pas été capable de nous protéger, je veux parler aux journalistes. Je gagne ma vie ici ! Vous faites des trucs et vous n’êtes pas capables de les assumer ! »
Reprenant la parole, Thierry Suquet abondait, « cette dame a raison d’être en colère, c’est une victime. On a protégé des gens comme elle contre des voyous et des délinquants. »
Et encore, nous ne sommes même pas sur une opération de démolition d’habitats insalubres qui avaient donné lieu par le passé à des révoltes violentes, avec des menaces de mort contre les habitants et notamment, l’incendie partiel de la mairie de Koungou. Alors que le renfort en gendarmes et policiers, notamment de la CRS8, était justement destiné à éviter ces agressions, ils n’y sont manifestement pas parvenus. Pire, une douzaine de forces de l’ordre aurait été blessée par les cailloux et pierres lancés par les voyous qui cherchent des faits d’arme.
Ils ont toute la matinée chassé les voyous de la voie publique, mais sans les prendre en tenaille lors de leur fuite.
Face aux craintes de la population justement de ces représailles, le préfet s’expliquait sur cette opération décidée par Gérald Darmanin, « qui a voulu accélérer la lutte contre la délinquance, contre l’habitat insalubre, pour que les habitants de Mayotte retrouvent une vie normale, que les gamins aillent à l’école, que les lycéens passent le Bac. » Les forces supplémentaires se chiffrent notamment en 4 escadrons de gendarmerie, une compagnie de CRS, des renforts civils, à la préfecture à l’ARS, les pompiers, une équipe sociale, etc.
6 périmètres sur 15 validés
S’adressant aux médias nationaux sur la difficulté d’appréhension des démolitions d’habitat insalubre, « sujet à interrogations », Thierry Suquet rappelait le contexte, « la destruction de l’habitat insalubre s’appuie sur les analyses de l’ARS qui montrent que cet habitat est dangereux sans eau, sans électricité et où l’hygiène est déficiente, doublé de risque d’éboulements. Ces périmètres sont arrêtés par le préfet sur proposition des maires après une enquête technique de l’ARS qui prend un arrêté d’insalubrité et après une enquête sociale qui permet de faire des propositions à ceux qui ont droit à un relogement. C’est tout sauf de l’arbitraire, c’est tout sauf de l’impréparation. »
Sur l’ensemble des 15 périmètres proposés par les maires de Mayotte, seuls 6 ont été signé par le préfet pour l’instant et validés par le juge administratif qui en contrôle la légalité, « nous avons une capacité de 12 à mettre en place ». Nous avons contacté l’Association des maires de Mayotte (AMM) dont le président Madi Madi Souf nous indique que 11 maires sur les 17 de l’île ont transmis un dossier, « mais certains contactent directement le préfet. » Pour être validée, la destruction doit porter sur un ensemble important de cases en tôle, avec un taux de concentration qui réponde à la loi. Ensuite, le juge administratif doit donner son feu vert, notamment en fonction de la capacité de relogement. « Elle est là », a indiqué le préfet qui avait avancé environ 800 places.
60 passagers payant revenus à Mayotte
La nouvelle était tombée en cours de journée, la fermeture pour travaux du port de Mutsamudu a plombé l’ambiance de l’opération pour les décideurs. Le représentant de l’Etat indiquait que les autorités françaises avaient « pris acte de la fermeture du port pour travaux », et regrettaient que « les 60 passagers ayant payé leur billet pour affaire, pour leurs vacances ou pour aller voir leurs familles », n’aient pu arriver à bon port. « On espère qu’avec le dialogue que nous entretenons avec les Comores, et les intérêts communs que nous avons avec eux, les rotations pourront reprendre. » Oui mais il y avait aussi 40 reconduites aux frontières, qui n’ont pu se faire.
La question de la capacité du Centre de rétention (CRA), 136 personnes, et des Lieux de rétention administrative (LRA) se pose donc. On sait que le préfet peut prendre un arrêté pour créer de nouveaux LRA provisoires au sein du CRA ou des locaux de la PAF. Mais vu l’ampleur de l’opération, on va rapidement atteindre une saturation.
Le préfet le répètera à plusieurs reprises, « nous œuvrons pour que la population reprenne une vie normale. » Les forces de l’ordre ne sont pas prêtes de repartir…
Anne Perzo-Lafond