Insécurité : même à deux jours du ramadan, les cœurs ne sont pas apaisés…

Le ramadan est l'une des périodes les plus importantes de la religion musulmane. Ce dernier représente un mois d'abstention, de spiritualité, mais aussi d'apaisement. L'île de Mayotte, à grande majorité musulmane, est bien évidemment concernée. Mais alors qu'on pouvait espérer une "trêve" concernant les faits de violence, au moins durant ce mois, il n'en est rien. En point d'orgue, les récents caillassages à Tsoundzou et les violences répétées aux alentours du Lycée Polyvalent de Dzoumogne, qui ont notamment abouti à un droit de retrait des enseignants, excédés par cette situation. Nous faisons un point rapide.

Le nord de l’île, particulièrement Dzoumogne, devient peu à peu l’épicentre de la violence du département. Les récents événements peuvent malheureusement en témoigner.

Des professeurs excédés

Au lycée polyvalent de Dzoumogne, par exemple, les étudiants, mais aussi les enseignants subissent. L’établissement a été temporairement fermé, et ce jusqu’à lundi prochain. Juste avant cette décision, les professeurs avaient décidé d’entamer un droit de retrait dès ce mardi. Les raisons ? Un ras le bol du climat de violence et d’insécurité omniprésent. Patrick Dedieu, enseignant au LPO de Dzoumogne nous raconte son calvaire : « Je suis dans cet établissement depuis 5 ans et le climat de violence n’a eu de cesse de monter en puissance. Que ce soit des règlements de compte entre bandes rivales ou de la violence gratuite, tout y est. Depuis la rentrée, c’est à dire en 2 semaines, nous avons recensé plus de 4 attaques dans le lycée. La semaine dernière il y a un professeur qui a pris des cailloux, ce matin nous avons encore eu droit à un caillassage. Avec les autres enseignants, nous avons décidé d’exercer un droit de retrait. Les conséquences sont nombreuses, parce que l’établissement va lui aussi être fermé* et ça fera encore des cours en moins pour les élèves. Sachant que certains sont déjà en grande difficulté, cela ne va que faire empirer les choses. »

Affrontements entre la gendarmerie et les délinquants, dans une atmosphère étouffante, voici le quotidien des enseignants et des élèves du LPO de Dzoumogne (photo amateur)

La gendarmerie, un « instrument » de la solution

Dzoumogne étant une zone gendarmerie, nous nous sommes adressés au Colonel Olivier Casties, afin de nous donner sa vision, en tant que professionnel de terrain : « Vous savez, il pourrait y avoir 15 faits de violences comme il pourrait y en avoir que 2, nous ne serions pas satisfaits. Notre objectif est qu’il n’y ait aucun fait divers à recenser. Nous faisons notre maximum, chaque jour sur le terrain, avec cet objectif en tête. Maintenant, c’est malheureux à dire, mais nous ne sommes pas la solution, nous sommes un instrument de la solution. Certaines choses ne sont pas de notre ressort. Au lieu de se demander si les personnes qui caillassent vont être interpellées ou non, demandons nous plutôt pourquoi est-ce qu’elles le font ? Comment en est-on arrivé là ? Par exemple à Dzoumogne, nous sommes tous les jours là-bas, nous voyons ce qui se passe. On parle de Kaweni comme du plus grand bidonville de France, mais en terme d’habitats insalubres, souvent refuges pour les délinquants, Dzoumogne est peut-être devant. Le Lycée Polyvalent est situé en plein dedans et subit continuellement. Nous donnons notre maximum, quitte à compter des blessés, car le plus important pour nous, c’est la sécurité de la population. Mais au bout d’un moment, il va falloir que chacun prenne ses responsabilités, à son échelle. »

Les militaires de la Gendarmerie restent aux aguets (photo d’illustration)

Tsoundzou et les caillassages, comme un air de déjà vu…

En zone police aussi c’est agité, particulièrement à Tsoundzou. Nous avons bien évidemment en tête les événements de mardi dernier, qui avaient conduit à 7 arrestations, ou plus récemment ceux de ce lundi. Laurent Simonin, commissaire à la Direction Territoriale de la Police Nationale (DTPN), nous en dit davantage : « Nous sommes intervenus dans deux épisodes de caillassages sur Tsoundzou, un mardi dernier et un autre ce lundi. Pour le premier évoqué, 7 individus ont été interpellés. Parmi eux, 4 (majeurs) ont été envoyé en prison, un autre passera devant le tribunal correctionnel, tandis que les 2 derniers passeront devant le juge pour enfant. Pour l’épisode de ce lundi, les enquêtes sont en cours et nous espérons aboutir à d’autres interpellations. On remarque que les caillassages reprennent à quelques jours du ramadan, sachant que l’objectif numéro un de cet acte (le caillassage) est de dépouiller les automobilistes, notamment pour revendre le ‘butin’. Est-ce anodin ? Ou est-ce des personnes en recherche de liquidités à l’approche du ramadan, afin d’acheter un certain nombre de choses ? Peu importe, nous allons continuer à faire notre boulot de notre côté. »

La police compte procéder à d’autres interpellations dans les prochains jours (photo d’illustration, archive)

Les jours se suivent et se ressemblent, et malgré la période dite « d’apaisement » qui approche, les faits de violence semblent continuer, et ce, malgré les nombreuses interpellations. Que dire ? Que faire ? Nous avons l’impression de nous poser la même question depuis des années, mais toujours aucune réponse.

Houmadi Abdallah

* Le Réseau Halo informe qu’en raison de la fermeture des collège et lycée de Dzoumogné, aucun véhicule ne desservira ces deux établissements du mercredi 22/03/2023 au samedi 25/03/2023. Reprise des services habituels à compter du lundi 27 mars.

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