Bien qu’au pas de charge, la visite du quartier Talus 2 ce mardi matin était comme une visite de chantier pour Olivier Klein. C’est en effet lui qui, lorsqu’il était à la tête du conseil d’administration de l’Agence de Rénovation Urbaine (ANRU), avait signé les trois NPRU (Nouveau Programme de Rénovation Urbaine) de Mayotte, Kawéni, Koungou et Petite Terre, comme l’illustre la photo ci- dessous que nous avions prise en février 2019 à Kawéni.
Mais celui du Talus 2 à Majikavo Koropa (Koungou) est sujet à contestation, une partie des habitants ayant déposé un recours au tribunal administratif. Pas de traces de pancartes revendicatives pour cette visite ministérielle, qui avaient été brandies lors du passage de la présidente de l’ANRU Catherine Vautrin début février par des habitants revendiquant la régularisation foncière sur des terrains qu’ils occupent à flan de colline. Il faut dire qu’au rythme où le ministre de la Ville et du Logement l’a escaladée, entrainant derrière lui une cohorte essoufflée aux visages cramoisis sous le soleil, elles auraient été balayées par le courant d’air ! Il était néanmoins interpellé par une habitante, Fatima, qui reprenait peu ou prou l’argumentaire de l’avocat des familles en audience : « Ici, vous avez des gens qui habitent depuis 35 ans, certains sont mahorais, d’autres étrangers comme moi. Nous avons demandé à pouvoir régulariser les terrains pour ensuite demander un permis de construire, mais sans réponse. Et on nous parle de tout détruire ».
« Ce n’est pas infamant »
La zone est à risque, avec une pente avoisinant les 45°, plusieurs éboulements ont projeté des pierres sur la route par le passé, comme nous l’avions rapporté, ce qui compromet toute obtention de permis de construire. Fatima poursuivait en expliquant que toute clandestine qu’elle était depuis 1999, année de son arrivée avec un visa, « nous ne faisons de mal à personne », tout en convenant que la zone est insalubre, « il n’y a pas d’eau, pas de poubelles ». Et pas de canalisations reliées à une fosse septique ou à une station d’épuration. Quant aux relogements provisoires, une trentaine aurait déjà été livrés, auxquels s’ajoutent désormais 17 habitations de gestion locative adaptée et 10 logements à quelques centaines de mètres du quartier du Talus dans les modulaires Algeco, sur le site Hamachaka. Les habitants y seront logés le temps que soit mené le chantier de construction des 30 nouveaux logements sur les hauteurs, soit 1,5 an environ, ils seront accompagnés vers une insertion professionnelle pour y prétendre.
Des logements peu appréciés par Fatima qui expliquait au ministre ne pas vouloir « habiter dans un container », d’une superficie insuffisante, « seule la moitié d’une famille peut y vivre ! »
Olivier Klein était donc au cœur du sujet, et répondait que la solution trouvée par la mairie n’était pas inédite puisque appliquée en métropole : « Ce système d’habitat temporaire, on en construit partout car il faut bien trouver une solution en attendant de reloger les gens. J’en ai vu aux portes de Paris de cet habitat temporaire urbain. Des étudiants sont dans ce type de logements, ce n’est pas infamant, nous voulons juste vous mettre en sécurité et sortir de l’insalubrité ».
Et ce que le ministre ne dit pas, c’est que la mairie de Koungou n’est pas très regardante sur la situation administrative des occupants des locaux lorsqu’ils sont insérés comme Fatima. Pas de crainte de reconduite à la frontière donc pour elle.
L’ANRU finance l’opération de Majikavo Koropa à hauteur de 28 millions d’euros, et l’Etat pour 45 millions d’euros sur la construction de logements, d’écoles, etc.
Des propositions de logement tardives et insuffisamment notifiées
Les locaux prévus pour héberger une dizaine de familles sur les bas de Majikavo, à proximité du Talus 2 pour éviter les déscolarisations, avaient été inaugurés la semaine dernière. Une famille est en cours d’installation, qui a donné l’occasion à Olivier Klein d’échanger avec la maman qui arrive là avec ses enfants. Une cuisine commune avec autant de plaques vitrocéramiques que de famille, et dix réfrigérateurs les attendent.
Mais si les habitants peuvent investr leurs nouveaux logements, l’avenir de l’opération de démolition est désormais étroitement lié à la procédure administrative. Car après l’audience en référé du début de mois de février, le délibéré est tombé ce lundi 27 février : il suspend l’opération pour la trentaine de requérant.
Le juge Gil Cornevaux s’est appuyé sur des insuffisances de la préfecture en matière de proposition de relogement : « Le préfet de Mayotte a envoyé des propositions de relogement datées du 6 février 2023, directement au conseil des requérants, le jour même, avant l’audience, sans qu’à aucun moment le juge des référés n’ait eu connaissance desdits documents par le biais de l’application télérecours », ce qui avait prodigieusement agacé le juge, et autre argument, « aucune proposition concrète sur les offres d’hébergement n’a été régulièrement adressée aux requérants avant la notification de l’arrêté litigieux et, d’autre part, en l’état du dossier, aucune pièce ne permet de connaitre la consistance des propositions d’hébergement ».
Moyennant quoi, le tribunal administratif suspend l’exécution de l’arrêté du préfet du 2 décembre 2022, et lui ordonne de verser à l’ensemble des requérants la somme globale de 2.000 euros en remboursement des frais de justice.
Un cas concret qui appelle un soutien d’ampleur aux opérations de relogement, « il faut des moyens pour accélérer les procédures à Mayotte », réclamait Bamcolo à Olivier Klein.
Anne Perzo-Lafond