Le plus fort dans l’histoire, c’est que la réforme des retraites ne concerne pas Mayotte. Mais justement, nous ne pouvions pas être les éternels oubliés d’un système faussé par un objectif : ne pas créer d’appel d’air depuis les Comores. Comme nous l’avions écrit il y a quelques années, à force de parler d’appel d’air, les rouages se sont grippés, avec un blocage des retraites et de toutes les allocations à 50% du national. Comme si des kwassas entiers de coco et bacoco allaient d’un coup assaillir nos côtes…
Partant de ce constat, le député Kamardine allait au front lors des questions au gouvernement en début de mois, interpellant le ministre du Travail Olivier Dussopt sur la situation à Mayotte. Et demandant notamment, « appuyé par mon groupe LR », une baisse de la décote de l’Allocation de Solidarité aux Personnes Âgées (ASPA). Nous avions alors titré que le ministre y prêtait une oreille attentive au regard de sa réponse validant une convergence.
Rappelons que le plafond de la Sécurité sociale qui sert de base pour le calcul des retraites est à 2.136 euros en 2022 à Mayotte, à 62% du niveau national. La pension maximale est donc actuellement de 1.068 euros, une somme que personne ne touche, les premiers à avoir cotisé en 1987, date de mise en place du régime obligatoire, pourront y prétendre en… 2033. Le ministre convenait que le montant de retraite moyen constaté à Mayotte de 287 euros, « c’est extrêmement bas ». Et pour la première fois, c’est donc un membre du gouvernement qui déclarait ce que les syndicats revendiquent depuis des années, « l’accélération de la convergence à l’occasion d’une revalorisation, mais aussi d’une amélioration des conditions de gestion des retraites sur Mayotte ». Ces mots du ministre laissaient espérer de chantants lendemains.
Pas un euro de plus
En milieu de semaine dernière, un amendement au projet de loi de réforme des retraites était co-signé par les députés Youssouffa (LIOT) et Vuilletet (Renaissance), pour obtenir la réévaluation des pensions à taux plein de 100 euros, à laquelle s’ajoute une « revalorisation exceptionnelle de 50 euros par mois des pensions de retraite » au 1er septembre 2023. Et ce, pour tous les salariés, contractuels et travailleurs indépendants.
Mansour Kamardine sortait sa calculette, et annonçait que le compte n’y était pas, « c’est une entourloupe ! », lâchait-il alors. Une retraite moyenne de 276 euros recevait jusqu’alors une compensation pour atteindre le minimum vieillesse qu’est l’ASPA, de 476 euros à Mayotte. Donc rajouter 150 euros de l’amendement cité ci-dessus au 276 euros, c’était les récupérer sur le minimum vieillesse, qui n’était plus que de 50 euros pour arriver aux 476 euros. « Les petits retraités mahorais n’auraient pas touchés un euro de plus, et cela ne coutait que 1,5 million d’euros supplémentaires au gouvernement », nous confiait-il au téléphone. Seule la mince frange de retraités qui gagne plus que le minimum vieillesse aurait vu leur retraite s’améliorer.
C’est pourquoi, le député n’en démordait pas, il fallait faire évoluer l’ASPA. Ce qui était finalement accepté ce vendredi 17 février par le gouvernement qui rajoutait un amendement dans ce sens, en faisant la synthèse des deux propositions : les retraites seront augmentées de 150 euros et l’ASPA sera revalorisée de 150 euros pour être portée à 630 euros au 1er septembre 2023, date d’application de la loi. Car sur le plan technique, les députés mahorais n’ont pas déposé les deux amendements, ne peuvant pas engranger de nouvelles dépenses sans créer une recette en face (article 40 de la Constitution), c’est donc le gouvernement qui l’a fait.
Revisiter les années perdues
Cet amendement est donc porté par la réforme des retraites, et le fait de réévaluer l’ASPA est un signe encourageant, correspondant au signal envoyé par le ministre Dussopt. Jusqu’à présent, ce minimum vieillesse était réévalué sur le même rythme que le droit commun. Par exemple, de 434 euros en 2019, il augmentait selon l’index national en 2020, 2021, pour être porté à 476 euros en 2022, sans plus de convergence. En grimpant d’un coup de 31%, la convergence est lancée vers le montant national qui est de 961 euros pour 2023. Le coût est minime pour l’Etat avec 5.000 retraités à l’espérance de vie inférieure de 5 ans à la métropole pour les hommes, et 9 ans pour les femmes selon l’INSEE.
Le député l’a bien compris, cette annonce ouvre le champ des possibles surtout sur des allocations qui ne dépendent pas du contributif, de cotisations versées, contrairement aux retraites. Mais même dans ce domaine, on a vu que des trimestres perdus pouvaient être repêchés. « On va pouvoir continuer à diminuer la décote de l’ASPA, mais aussi travailler sur les trimestres cotisés avant l’arrivée du régime obligatoire de la sécurité sociale en 1987. » Deux catégories de retraités sont visées : ceux qui ont travaillé pour l’Union des Comores sous colonie française avant l’indépendance de 1975, « et là, les comoriens n’ont pas indemnisé ceux qui avaient cotisé », cela concernerait une petite centaine de personnes, et ceux qui, comme Mansour Kamardine, ont cotisé depuis 1975 et avant 1987, « il faut nous prendre en compte ! ».
Pour mémoire, les trimestres perdus par manque de preuves, lié à l’incendie des Archives de février 1993 ont été pris en charge par l’article 6 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2023.
Enfin, le gouvernement a adressé une note écrite au député mahorais où il s’engage à introduire l’IRCANTEC, ce régime obligatoire réclamé par les non titulaires de la fonction publique, « avant la fin de l’année », et à « demander au préfet de mobiliser les partenaires sociaux pour mettre en place la retraite complémentaire Agirc-Arrco d’ici la fin de l’année. »
« L’idée est désormais d’arriver dans des délais acceptables à l’alignement de l’ASPA », Mansour Kamardine est plus déterminé que jamais.
Anne Perzo-Lafond