L’un des deux auteurs de l’agression du médecin il y a une semaine, passait ce vendredi en comparution immédiate. S’il a été interpellé mercredi dans la journée, c’est qu’il a continué à utiliser un des deux téléphones dérobés au médecin, qui a borné. Il avait alors été placé en garde à vue en compagnie de son comparse, mineur, qui doit comparaitre au tribunal des enfants.
L’agression du chirurgien avait motivé le rassemblement des personnels hospitaliers en soutien devant les urgences ce 26 janvier.
Arrivé menotté, Ahmed*, âgé de 30 ans, ne sera pas resté longtemps dans la salle d’audience, son avocat commis d’office demandant un délai pour préparer sa défense. Nous ne sommes donc plus dans la comparution immédiate, même si le délai demandé est court, puisque l’audience est annoncée pour le 6 mars 2023.
Présent dans la salle, le chirurgien a demandé lui aussi un report d’audience pour monter son dossier et se constituer partie civile.
Néanmoins, pour prendre une décision de détention provisoire en attendant la date de l’audience, le juge et ses assesseurs devaient examiner la personnalité de l’accusé.
Né le 21 février 1993 à Mamoudzou, Ahmed vit dans le quartier Lazerevuni avec sa famille. A 30 ans, il a déjà 11 condamnations inscrites à son casier judiciaire, dont 10 pour vols, et une pour violence.
Ses larcins vont crescendo, de vols de gants et de masque en réunion avec bris de vitre, puis d’ordinateurs et d’enceinte, pour lequel il escaladera déjà les murs de l’hôpital. Jusqu’à cette nuit de samedi 21 au dimanche 22 janvier dernier où il dérobait sous la menace au médecin du CHM un ordinateur, deux téléphone, une sacoche de 200 euros avec son comparse mineur, occasionnant 3 jours d’Interruption de Travail au praticien. Une autre victime est déclarée, mais non présente dans la salle.
« Il faut y penser avant »
Celui dont la personnalité va être étudiée à la barre, se tient immobile, effacé, s’exprime de manière inaudible, à l’opposé du déferlement de violence dont il peut faire preuve. C’est qu’il a passé plusieurs heures en cellule de dégrisement après son interpellation, nous confie un policier.
Élevé par ses parents en situation irrégulière, Ahmed est de nationalité française. A 16 ans, il est placé dans une famille d’accueil, « vous voliez déjà, commente le juge, pourquoi ? ». « Pour acheter des vêtements et aider ma famille », murmure-t-il à la barre. Mais on comprend vite que l’argent passe dans l’alcool et le bangué (résine de cannabis). Y compris lorsqu’il travaillait dans les espaces verts en gagnant 700 euros par mois de 2019 à 2022, « avoir ce travail ne vous a pas empêché de commettre des vols en 2020 et 2021. »
Dans la salle, les policiers connaissent bien l’auteur des faits pour être un candidat assidu de leurs locaux, « ainsi que deux de ses frères qui ont également plongé dans la délinquance. La famille vit dans un bangas insalubre sur les hauteurs de Kawéni », nous indique l’un d’eux.
Pour le vice-procureur, il y a un gros risque de réitération. « Je pense aussi qu’il peut tenter de faire pression sur la victime, ou d’entrer en contact avec l’autre auteur, mineur, qui l’a dénoncé alors qu’Ahmed continuait à nier. Il y a un fort risque de représailles. »
A la barre, Ahmed essuie de temps en temps une larme, confronté à la vraie vie dans ces moments de vérité face au juge. « Je demande pardon à ceux à qui j’ai pu faire du mal », lâche-t-il. Son histoire ne plaide par pour lui, et ses fréquents passages au tribunal avec des excuses ne font plus effet sur les magistrats qui, malgré la demande de placement de contrôle judiciaire de son avocat, décident de le renvoyer en détention provisoire, « vous risquez une lourde peine, nous avons besoin de garantir votre présentation ici. Vous regrettez, mais il fallait y penser avant ».
A.P-L.
* Prénom de substitution