Reconnaissance de Mayotte à la COI : un alignement de planètes ?

Le retrait de l’examen par l’Assemblée nationale du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord portant révision de l’accord général de coopération entre les États membres de la COI, provoque diverses réactions allant de la révolution à la prudence dans notre classe politique. Elles sont révélatrices de la complexité du sujet.

De son côté, le député Mansour Kamardine se félicitait ce lundi « de cette décision de sagesse » du retrait du texte de révision de la coopération au sein de la Commission de l’Océan Indien (COI), et veut mettre à profit le temps à venir pour « ouvrir des échanges entre les élus de Mayotte et le Ministère des affaires étrangères sur l’intégration régionale de Mayotte ». Alors que la bouillonnante députée Estelle Youssouffa dont l’intervention comme rapporteur à la Commission des Affaires étrangères de l’AN a été le déclencheur, reste sur sa faim regrettant sur sa page Facebook qu’il n’y ait pas de débat sur Mayotte dans l’Hémicycle ce mercredi, « alors que j’avais obtenu le soutien de toutes les oppositions qui allaient mettre le gouvernement en minorité ». Elle souhaitait qu’ensuite le Conseil constitutionnel soit saisi.

Elle se fait l’écho d’un ras-le-bol de la population qui ne comprend pas que les lois françaises la régissent au quotidien sans pouvoir le revendiquer sur le plan régional. Une tribune de l’ancien conseiller départemental Zaidou Tavanday publié il y a 6 ans dans nos colonnes allait dans ce sens, « Jeux des îles et Jeux de la CJSOI, jamais sans mon drapeau ».

La présentation de la députée mahoraise le 11 janvier dernier  aura incité le président de la Commission des Affaires étrangères Jean-Louis Bourlanges à interpeller la ministre des Affaires étrangères pour l’interroger sur « la mise à l’écart depuis bientôt quarante ans de l’île de Mayotte du champ de coopération » de la COI. Anticipant la réponse de Catherine Colonna, celui qui fut député européen note que l’association de l’île de Mayotte à certains projets de la COI « au cas par cas », n’a été « rien moins que convaincant », et alors que ceux-ci sont financés « en grande partie par l’Union européenne et par l’Agence française de développement », et que « la France contribue à hauteur de 40% du budget de l’organisation ».

Les deux pancartes, l’une à Moroni et l’autre, en réponse, à Mamoudzou

Disant comprendre « l’amertume » des Mahorais, et bien que ledit projet de loi ait été adopté par sa commission « moyennant de nombreuses abstentions », il fait part de « l’incompréhension » des membres qui la compose à ce sujet. Et demande que le gouvernement prenne des mesures pour que Mayotte prenne « sa juste place » au sein de l’organe de coopération qu’est la COI.

Marcher sur des œufs ou dévorer l’omelette, il faut choisir

La réponse ministérielle met les pieds dans le plat en se référant au « différend de souveraineté » puisque rappelons que l’ONU ne reconnaît toujours pas la francité de Mayotte, rajoutant que sur ce sujet, « la France n’est pas prête à faire de concessions ». Catherine Colonna évoque donc un « équilibre » trouvé en 2019, qu’elle juge peu satisfaisant mais qui permet de développer quelques projets. La ministre en défend deux, « la surveillance épidémiologique et la sécurité alimentaire. » Des résultats peu probants, avait anticipé donc le président de la Commission, et que nous pouvons constater au quotidien notamment sur ces deux questions. Au regard de la position instable de Mayotte en terme de diplomatie, la ministre préconise elle aussi de « prendre le temps de la réflexion ».

Estelle Youssouffa a été une des déclencheurs majeurs de la prise de conscience nationale

Un article du Sénat rappelle cependant que des ministres gardent la question à l’ordre du jour, puisque, « face à l’insistance du Quai d’Orsay, le sujet a été débattu en mars 2021, lors du dernier comité de pilotage du projet de santé humaine et animale de la COI, sans toutefois aboutir, le représentant comorien souhaitant recueillir l’accord de ses autorités. »

C’est le président Bourlanges qui le disait, tous les groupes de députés trouvent inadmissible cette exclusion de Mayotte. Mais, alors que notre territoire n’est donc jamais arrivé à une telle avancée de réflexion nationale sur ce sujet, plusieurs données entrent en jeu.

Tout d’abord, faire bouger les lignes à l’ONU qui ne reconnaît que l’intangibilité des frontières issues de la décolonisation et non la volonté des peuples à disposer d’eux-mêmes. Si la diplomatie française tente de faire bouger les lignes chez les dirigeants comoriens, c’est pour l’instant peu visible. Ensuite la géopolitique du moment, avec une Russie qui drague les pays africains et Madagascar, et dont l’Europe veut rallier à sa cause contre l’invasion de l’Ukraine. Or, le président Azali des Comores est l’unique candidat à la présidence de l’Union africaine. Enfin, à l’heure de la candidature de Mayotte comme organisatrice des Jeux des Iles en 2027, elle doit s’assurer en même temps des appuis.
Une partition difficile à jouer tant la tentation de conclure ce jeu de quilles est grande.

A.P-L.

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