« Mon parcours a été semé d’embûches, mais j’ai tenu. J’ai fait de multiples changements de parcours, parfois chaotiques mais j’ai persévéré pour trouver ma voie ». Les centaines d’élèves présents dans la grande salle du Lycée de Dembéni ne font qu’un dans un silence attentif. Tous écoutent Farrah Hafidou, aujourd’hui gérante d’une entreprise d’ingénierie et de conseil à Mayotte.
Une conférence pour « montrer que c’est possible »
Avant elle, Tambati Moussa a pris la parole. La gardienne du patrimoine culturel mahorais n’a pas manqué de faire rire, à plusieurs reprises, l’auditoire dans un subtil maniement de l’humour et de la cocasserie. A chaque oratrice sa manière de captiver l’énergie de cette jeunesse désireuse de s’émanciper, quel que soit les affres de l’existence.
Pour remobiliser les espérances, et « montrer que c’est possible », une douzaine de personnalités féminines mahoraises, potentiels modèles d’identification sont venues à la rencontre des élèves du lycée de Dembéni, afin de leur présenter leur parcours. Cette démarche s’inscrit dans le projet éducatif d’action culturelle des élèves de la classe de terminale de Sciences et Technologies de la Santé et du Social (ST2S). Intitulé « Femme illustre, tu m’inspires », cette action vise à « montrer à nos élèves qu’avec de la rigueur, de la méthode, de la régularité, des efforts, on peut réussir et ne pas abandonner ses rêves », renseigne Brigitte Populus, professeur principal de la classe ST2S.
Avancer vaille que vaille
Faire sauter les verrous du plafond de verre, insuffler la confiance nécessaire à toute réussite, tels étaient les points saillants de cette matinée. « Même si on vous dit que vous n’y arriverez pas, il faut avancer », confie Martine Eutrope, émue. Présidente de l’association Ensemble pour votre santé, elle est revenue sur les circonstances l’ayant amené à devenir médecin. Dans une atmosphère de confiance, la confidence peut surgir à chaque instant. Parfois, il n’a fallu que d’un petit rien pour faire basculer une destinée, dégager l’horizon des possibles obstrués par les nuées du découragement. « J’ai remarqué un jour, en passant devant un grand panneau publicitaire faisant de la sensibilisation sur le dépistage du cancer du col de l’utérus, que les codes utilisés ne permettaient pas toucher la population cible de Mayotte », se remémore Jacqueline Guez. « Il fallait que cela change, car le message aussi important soit-il ne pouvait pas passer ainsi ».
Désormais, gérante de l’entreprise Clap Productions, l’entrepreneuse, outre de s’occuper de la communication d’entreprises et d’institutions de l’île, a réalisé la production de la mini-série « Colocs ». « Il est important que vous puissiez voir des personnes qui vous ressemblent dans cette série, car la fiction permet de faire passer des messages forts, des messages qui vous sont utiles », témoigne-t-elle. Alors que la plateforme de formulation de vœux post-bac s’est ouverte le 18 janvier dernier, Jacqueline Guez tient à insister sur un point « Il est normal qu’à 18 ans on ne sache pas ce que l’on veut faire » et de conclure, « à 18 ans, on a le droit d’essayer, c’est tout ce qui importe ».
« Il faut être ambitieux pour ces élèves »
Ce qui importe, en revanche, pour Michel Toumoulin, « c’est d’être au rendez-vous de l’ambition de cette jeunesse ». Pour le proviseur du lycée de Dembéni, « Il faut être ambitieux pour ces élèves et les accompagner au quotidien ». Accueil de la préparation militaire de la gendarmerie, accueil du Service national universel, webradio, « il y aura tout ça encore cette année, il n’y a aucune raison que l’on renonce ». Briser les déterminismes sociaux, insuffler de la confiance, donner envie d’aller au-delà de ce que les élèves pouvaient s’imaginer réaliser, autant de volonté au service d’une noble mission : la réussite de la jeunesse de l’île.
Pierre Mouysset