« Depuis 2022, le centre de gravité du Service militaire adapté est dans l’océan Indien et non plus dans les Antilles et la Guyane ». Un déplacement géographique dont la symbolique est loin d’être anodine : les Antilles et la Guyane ont en effet vu la création du premier SMA en décembre 1961. Au cours des dix dernières années, le RSMA de Mayotte a vu ses effectifs être multipliés par trois, faisant de lui l’un des plus importants de l’ensemble des sept SMA.
La qualité des formations, l’étrave de l’excellence
Face aux besoins du territoire et à la nécessité de pouvoir sans cesse y répondre, « nous avons créé deux nouvelles compagnies en juillet dernier pour porter leur nombre à cinq », rappelle l’officier supérieur. Les chiffres parlent d’eux-mêmes puisque l’année passée, 617 volontaires stagiaires ont intégré le régiment ainsi que 160 volontaires techniques. A noter que durant cette année, pour la première fois le régiment est « sorti de ses murs » avec l’ouverture de la maison du SMA à Kaweni pour se rapprocher au plus près de cette jeunesse désireuse de réussite.
Afin d’assurer le meilleur encadrement possible, 36 cadres supplémentaires ont rejoint le RSMA, soit « la plus grosse montée en puissance des équipes encadrantes depuis la création de l’unité en 1988 », constate le colonel. Cette massification qui « va aller crescendo nous oblige », poursuit-il, puisque « 1 jeune français sur 6 à Mayotte, ayant entre 18 et 25 ans, passent par le RSMA ». De cette trajectoire d’expansion, répondant aux évolutions démographiques de l’île, le point d’orgue demeure invariable : ne pas entacher la qualité des formations dispensées. Là aussi, les chiffres parlent d’eux-mêmes puisque en 2022, « le taux d’insertion professionnelle est de 85 % dont deux tiers ayant un emploi durable, soit un contrat à durée déterminée de plus de six mois, soit un contrat à durée indéterminée ».
Etre à l’écoute du territoire, répondre à ses exigences
Ce taux d’insertion est rendu également possible grâce à la prise en considération des besoins en qualification des acteurs du territoire afin que les jeunes volontaires puissent, à la sortie de leur formation, participer activement au développement de l’île. Pour y parvenir, « chaque année au mois de mai, il y a un Conseil de perfectionnement avec le préfet, le Conseil départemental ainsi que tous les acteurs de l’insertion professionnelle, les organismes etc. », renseigne l’officier supérieur. L’objet de cette rencontre est de faire le bilan de l’ensemble des filières proposées par le régiment au regard des besoins du territoire. « Il s’agit de savoir qu’elles sont celles qui sont à fermer et celles à ouvrir », abonde le colonel Larabi, afin de « répondre aux besoins d’innovation ».
Cette mue annuelle permet ainsi d’anticiper sur les futures exigences induites par la concrétisation de projets d’envergure tels que Caribus ou encore le centre commercial de Combani. Ainsi, des formations spécifiques incluant le permis transport en commun et transport poids lourd. L’acquisition de matériel spécifique, comme la chargeuse articulée à pneus, permet d’assurer la préparation à certificat d’aptitude et à l’évolution de la réglementation. Rester à la pointe des avancées est une gageure, le RSMA ayant investi dans trois simulateurs de conduite d’engins de chantier.
Le SMA de Mayotte, laboratoire d’expérimentation
Cette innovation n’est pas qu’affaire d’adaptation mais aussi d’expérimentation : le SMA de Mayotte est le principal centre expérimental pour l’ensemble des six autres structures. « Alors qu’il était ministre des Outre-mer, Sébastien Lecornu a lancé le plan SMA +. Sur les neuf innovations pointées dans le ce programme, huit sont expérimentées à Mayotte, alors que dans les autres SMA, leur nombre oscille entre deux et trois », détaille l’officier supérieur. Parmi ces dispositifs déployés, l’accueil de mineurs décrocheurs, en partenariat avec le rectorat, pour les remobiliser et changer leur dynamique. « Cette année nous avons eu 15 jeunes, entre 16 et 17 ans, qui pendant 30 jours, en dehors du temps scolaire, ont été volontaires pour effectuer ce stage de remobilisation », renseigne Guillaume Larabi. L’accueil des parents isolés est, par ailleurs, testé depuis novembre dernier. « Nous avons ouvert la possibilité à des mères ou des pères isolés avec leurs enfants de moins de trois ans de pouvoir être logés à proximité du régiment. Les enfants sont gardés pendant la journée. Tout est pris en charge par le RSMA », informe-t-il.
Une oasis de réussite pour une jeunesse en quête de sens
Incontestablement, « le RSMA n’est pas un centre de formation comme les autres, on y change de vie », constate le colonel. Un point de basculement permettant à des jeunes « passant sous les radars» de pouvoir construire un projet de vie, de se responsabiliser en s’insérant dans la vie active et de participer à la construction de Mayotte. L’ensemble des ressources est tourné vers une unique mission, la réussite des engagés volontaires. « Certes, ce n’est pas une mission opérationnelle, mais la communauté de lieu devient une communauté d’esprit », constate le colonel. Arrivé en juillet 2022, succédant au lieutenant-colonel Pierre-Louis Dubois, Guillaume Larabi éprouve depuis lors au quotidien la rigueur militaire alliée à la ferveur des traditions mahoraises.
La présentation au drapeau (PAD) de décembre dernier à Koungou constitue à ses yeux un exemple emblématique où les horizons divers ont pu communier dans une fraternité républicaine. La suite s’écrit aussi dans une logique d’ouverture au monde civil en multipliant les PAD à l’extérieur des murs du SMA, en accueillant, en partenariat avec Albioma, la future plus grande surface de panneaux solaires de Mayotte. Des projets à plus longue échéance sont également envisagés tels que la construction d’un nouveau bâtiment de vie ou la création d’un détachement de 200 à 250 volontaires dans le Sud de l’île. Autant de projets à venir qui portent en eux la marque de cette volonté inaltérable que « chaque jeune gagne en autonomie d’homme et de femme », conclut le colonel.
Pierre Mouysset