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Trajectoires des familles des mineurs placés à Mayotte, un éclairage en demi-teinte

Le Centre universitaire de formation et de recherche (CUFR) a accueille jeudi matin la présentation des conclusions du rapport de l’Observatoire des familles concernant les Trajectoires des familles des mineurs placés à Mayotte. Les nombreuses attentes des acteurs publics suscités par le contexte de l’île sont cependant restées sur leur faim au regard des biais méthodologiques et des difficultés rencontrées par l’Observatoire.

La montagne a accouché d’une souris. En somme, ce pourrait être la morale de cette matinée de dévoilement des données du rapport d’étude de l’Observatoire des familles sur les Trajectoires des familles des mineurs placés, réalisé sous l’égide de l’Union départementale des associations familiales (UDAF).

Les discours se sont succédé

Pourtant, les discours d’introduction, à l’instar de celui du 7e vice-président du Conseil départemental en charge des Solidarités, de l’Action sociale et de la Santé, ou encore de la représentante du préfet de Mayotte, Nafissata Mouhoudhoire, n’ont pas manqué de rappeler l’impérieuse nécessité « d’observer pour comprendre, pour connaître ». Une connaissance au service des acteurs et décideurs publics afin de « mieux ajuster au plus près la politique familiale sur le territoire » ainsi que la mise en place « de bonnes politiques ».

Des résultats au service des décideurs publics

Qui de mieux que l’observatoire des familles à Mayotte pour tenter d’éclairer les vastes zones d’ombres sur les trajectoires des familles dont les enfants ont été placés ? Cet outil qu’est l’observatoire n’ambitionne-t-il pas de mieux connaître les familles mahoraises au regard de leurs quotidiens, de leurs besoins et de leurs attentes ? Les objectifs définis dans le cadre de l’étude avaient toutes les raisons d’éclairer les décideurs et acteurs sociaux. D’autant que le 101e département est traversé par de nombreux débats autour de la problématique des « parents démissionnaires », de la crise de l’autorité parentale ainsi que de multiples controverses concernant les chiffres des mineurs isolés. En comprenant les trajectoires de ces familles ayant des enfants placés, il s’agissait alors de favoriser « la mise en place de mesures nécessaires et adaptées pour permettre aux familles en difficulté d’assumer la charge de leurs enfants dans de meilleurs conditions et ainsi de leur éviter une séparation ». Néanmoins, les espoirs suscités par cette audacieuse problématique sont restés sur leur faim.

Des attentes restant sur leurs faims

Les décideurs publics et politiques réunis pour le dévoilement des résultats

« Peut-on dire que l’échantillon de neuf familles est représentatif par rapport à l’ensemble des familles concernées par une décision de placement de leurs enfants ? », s’interroge Nafissata Mouhoudhoire. Dans le cadre de l’étude, moins d’une dizaine de familles a été interrogée par l’observatoire. Difficile dès lors de faire émerger une typologie type ou des faits sociaux propre à ces familles ayant des enfants placés sans avoir la possibilité de se rapporter à la population-mère. Certes, le public aura appris que sur ces neuf familles, six étaient d’origine comorienne – dont quatre en situation irrégulière, les autres étant d’origine française. Que parmi cet échantillon, 62 % des familles interrogées ont entre 5 et 8 enfants, 62 % n’ont aucun des deux parents qui travaillent ou encore que 56 % n’ont jamais été scolarisés. En outre, « la majorité des familles ayant été interrogées habitent dans des maisons en dur (propriétaires ou locataires) et ont accès à l’eau et à l’électricité hormis les trois familles vivants dans une commune de zone prioritaire ».

Des résultats qui ne parlent que pour eux-mêmes

Néanmoins quelle est la portée de ces chiffres au regard de la situation à Mayotte ? Sans être pour autant un pugilat, le temps d’échanges consacré à l’étude s’est peu à peu transformé en doléances de la part des acteurs contestant aussi bien la méthodologie de l’enquête que ses conclusions.

La représentante du préfet n’a pas manqué d’interpeler le coordinateur de l’Observatoire sur l’absence d’outil de comparaison en lien avec la population-mère. « Neuf familles sur un total de quatre-vingt, ce n’est pas la même chose que neuf sur un total de vingt familles », constate-t-elle avant de s’interroger quant à la part des familles comoriennes dans l’échantillon interrogé : « Est-ce que cette part est représentative de la situation ? ». A l’inverse, est-ce que la faible part des familles françaises est représentative de la situation à l’échelle de l’île ? Selon le coordinateur cette faiblesse de la taille de l’échantillon tient à la difficulté, d’une part d’avoir des familles acceptant de se livrer sur leur situation et, d’autre part, et de récolter des données auprès des partenaires.

Un public en majeur partie septique quant aux résultats présentés

La portée des conclusions questionnée

Des écueils qui constituent autant de limites à la légitimité des conclusions avancées par l’Observatoire des familles. Ces dernières font notamment état que « le placement des mineurs est une réalité à Mayotte », qu’il « n’est pas forcément lié à [l]a situation sociale [de l’enfant] ou à sa condition matérielle » et que « les familles dont les enfants ont été placés ont des origines sociales très différentes ». D’autres regrettent par ailleurs que certaines données n’aient pas été exploitées pour aller au-delà des simples entretiens. « Si on veut comprendre pourquoi les enfants sont placés, il faut étudier les raisons : ce n’est pas uniquement de l’abandon, il peut y avoir aussi des violences », fait remarquer une intervenante.

Selon le président du Conseil économique, social et environnemental de Mayotte, Abdou Dahalani, le constat actuel est qu’ « on subit les conséquences sans travailler sur les raisons, et que tant qu’il en sera ainsi nous subirons ». L’étude aura néanmoins eu le mérite de faire la lumière sur les multiples difficultés rencontrées mais aussi sur la nécessité de s’en tenir à une méthodologie exemplaire faisant fi des biais. Comme le conclut le directeur général des services de l’association des maires de Mayotte, « on n’observe pas du vent mais des gens, il faut des données ».

Pierre Mouysset

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