Comores/Citoyenneté économique : un préjudice financier estimé à « 1,1 milliard d’euros »

Le préjudice financier définitif qu’a subi l’Etat comorien dans le programme dit de citoyenneté économique a été estimé par le ministère public à « 1,1 milliard d’euros » (568 milliards de francs comoriens). Les chiffres tirent en grande partie leurs sources du rapport parlementaire et d’un audit de la section des comptes combinées à des données obtenues auprès de nombreux acteurs du programme. « Les investigations du juge d’instruction ont révélé que la corruption et le manque à gagner pour l’Etat avaient atteint un niveau plus grave que celui décrit dans le rapport parlementaire. Le manque à gagner a été en effet estimé à 568.000.000.000 de francs comoriens », précise un communiqué officiel de l’Assemblée nationale des Comores publié ce vendredi 2 décembre.

Les simulations financières se fondent sur deux volets de l’opération de vente des passeports, selon le rapport parlementaire. D’une part, ceux vendus dans « un circuit normal » mais dont les manques ont été jugés importants pour l’Etat, d’après l’ordonnance de renvoi qui a précisé que le manque à gagner propre imputé à l’ancien président Ahmed Abdallah Mohamed Sambi était de l’ordre de « 43.305.848.800 milliards de francs comoriens », environ 100 millions d’euros.

Les fonds cachés dans des paradis fiscaux

Il y avait aussi, d’autre part, les passeports vendus par un réseau parallèle via des sociétés offshore sans compter les 200 millions de dollars annoncés mais jamais arrivés et les 16 millions de dollars que Bachar Kiwan a promis de restituer aux autorités comoriennes depuis 2011. De nombreuses sociétés établies hors des Comores et qui se seraient servis d’un kit mobile d’enrôlement et de confection de passeports, selon le ministère public lors de son réquisitoire qui a affirmé que les fonds étaient cachés dans des paradis fiscaux comme à Belize et dans les Iles Caïmans.

Le verdict de la Cour de sûreté de l’Etat a ordonné la saisie de tous les biens de l’ancien président, ceux de Bachar Kiwan et consorts ainsi que ceux de l’ancien vice-président en charge des Finances Mohamed Ali Soilihi actuellement en France. Aux Comores, l’opinion se pose de nombreuses questions sur la procédure de restitution des fonds et les moyens dont dispose l’Etat pour parvenir à cette fin. Mais la justice nous dit que cette phase de récupération des fonds ne pourrait pas se faire en même temps que celle consistant à condamner les personnes reconnues coupables.

La Cour de sûreté de l’Etat est limitée à l’action publique. Elle s’est déclarée incompétente sur l’action civile, invitant les avocats de l’Etat comorien à saisir un tribunal civil pour demander réparation et dédommagements. « Il est de principe que les juridictions pénales en matière criminelle (les Cours…d’assise…de sûreté et autres) se limitent à statuer seulement sur l’action pénale », explique une source judiciaire. « La personne qui demande la réparation du préjudice se sert de la décision rendue par la Cour pour saisir la juridiction civile pour demander les réparations civiles », ajoute la même source.

La Cour demande aux parties civiles de saisir un tribunal civil pour demander réparation

Moins de 10 milliards de francs comoriens enregistrés

Il est à rappeler que le programme de citoyenneté économique était censé générer la somme de 200 millions de dollars en contrepartie de la délivrance de passeports à 4.000 familles bédouins. Mais les choses ne se sont pas passées comme prévu, selon l’enquête parlementaire qui a révélé une vaste opération d’escroquerie de vente de passeports à des fortunés. On apprend la vente de passeports à des richissimes iraniens qui avaient besoin d’autres identités pour contourner l’embargo américain et vendre leur pétrole à l’international. Des agents du FBI (bureau de Nairobi) avaient d’ailleurs séjourné aux Comores en 2018 mais on ignore les conclusions de leurs investigations.

Plusieurs paquets de projets avaient été annoncés par l’ancien président Sambi et Bachar Kiwan. On citera, entre autres, la construction d’une marina à Moroni, la création d’une compagnie aérienne, la construction de petits-ports dénommés « les ports de l’unité », des kilomètres de route, des écoles, des hôpitaux, un hôtel quatre étoiles connu sous le nom de « Jannat Al Kamar, littéralement le paradis des îles Comores », une société de télécommunications dénommée « Twamaya Télécom » dont le bâtiment abrite aujourd’hui le siège de Telma Comores. Selon nos sources, le programme a toutefois permis à l’Etat comorien d’obtenir environ 10 milliards d’euros dont 6 milliards remis à l’entreprise française Colas en contrepartie de travaux de construction de 42 km de routes entre 2012 et 2014.

A.S.Kemba, Moroni

Partagez l'article :

Subscribe

spot_imgspot_img

Les plus lus

More like this
Related

Loi pour la refondation : les amendements crispent les débats au Conseil départemental

L’Assemblée départementale était convoquée en urgence ce mercredi 18 juin afin de donner un avis sur les amendements déposés par la députée Estelle Youssouffa dans le projet de loi pour la refondation de Mayotte, à savoir la création d’un Conseil cadial indépendant et l’interdiction de mener des projets de coopération avec les pays ne reconnaissant pas l'appartenance de Mayotte à la France. Le vote sur le Conseil cadial a été levé au dernier moment, les débats, tendus, se sont surtout attardés sur la réforme électorale avec le choix contesté de la majorité.

« Mayotte Debout » : le rapport de la préfecture défend l’action de l’État après Chido et Dikeledi

Dans un dossier détaillé, la préfecture de Mayotte met en avant la réponse "immédiate, structurée et efficace" des services de l’État, six mois après les cyclones destructeurs.

Mayotte bientôt dans l’ère du très haut débit avec le déploiement de la fibre

Ce mercredi matin avait lieu la pose de la première pierre du premier Noeud de Raccordement Optique (NRO) de l’île. D’ici 5 ans, 100% des foyers, des entreprises et des institutions de Mayotte seront raccordés à la fibre. Dans la foulée de cet événement, la SIM et Mayotte THD ont signé une convention de partenariat portant sur le déploiement de la fibre optique au sein de son parc immobilier.

À Chirongui, un premier Conseil pour les Droits et Devoirs des Familles officiellement lancé à Mayotte

C’est une première à Mayotte. La commune de Chirongui a officiellement installé son Conseil pour les Droits et Devoirs des Familles (CDDF), un dispositif de terrain pour répondre aux difficultés éducatives et prévenir la délinquance des mineurs. L’installation s’est tenue en présence de plusieurs autorités locales et étatiques, dans le cadre d’une politique d’anticipation menée par la municipalité.