Collecte et traitement des huiles usagées à Mayotte : « la situation est critique »

Présent à Mayotte du 10 au 12 octobre, le directeur général de CYCLEVIA - l’éco-organisme de la filière des huiles et des lubrifiants usagés depuis mars 2022 - a rencontré les acteurs locaux publics et privés en lien avec cette filière. L’occasion de dresser le bilan actuel de la situation à Mayotte et réfléchir aux solutions à mettre en place pour assurer la collecte et la valorisation de ces substances.

La désorganisation des routes maritimes causée par la pandémie mondiale, couplée aux difficultés croissantes de transbordement des déchets dangereux en raison de réglementations de plus en plus contraignantes, a contraint certaines compagnies maritimes à ne plus transporter les huiles minérales usagées.

Ce constat a conduit CYCLEVIA, en concertation avec les services de l’Etat et d’autres éco-organismes, a affréter un navire spécifique dont l’arrivée est prévue en toute fin de semaine à Mayotte. « La situation ne pouvait pas rester comme cela », réagit André Zaffiro, directeur général de CYCLEVIA. « Trois conteneurs d’huiles usagées d’un chargement total de 60 tonnes vont partir de Mayotte avant de rejoindre La Réunion où 31 citernes seront chargées soit 620 tonnes », poursuit le directeur.

Longoni , Mayotte
Le navire affrété est attendu en fait de semaine à Mayotte

Casse-tête et débrouillardise pour le stockage et l’export des huiles usagées

Cette solution va permettre à la Star, entreprise chargée entre autres, de la collecte des huiles usagées sur l’île, de pouvoir désengorger ces stocks et ainsi reprendre ses tournées de collecte auprès des professionnels disposant de cuves de stockage.

Ces derniers n’ont pas eu la possibilité depuis plus d’un an de pouvoir vider leurs réservoirs dédiés à la collecte de ces types d’huiles minérales. En témoignent les propos de Maxime Glée, responsable des centres auto Point S : « Rien qu’à Kawéni, on a deux cuves de 1500 litres. Normalement quand elles sont aux trois-quarts pleines, nous appelons la Star pour le captage. Mais là, cela fait depuis juin 2021 qu’elle n’est pas venue puisque n’ayant pas pu exporter ses stocks ». Aussi pour pouvoir poursuivre la récupération des huiles vidangées, le garage a dû investir dans de multiples « fûts de 1000 litres ».

Le navire affrété va permettre de débloquer la situation auprès des professionnels avec la reprise des captages de leurs cuves. Mais de nombreuses problématiques subsistent sur le territoire notamment auprès des particuliers et des petits garages ne disposant pas de cuves dédiées à cet effet.

Une absence de solution concernant les particuliers et les petits garages

« En général sur les territoires ultramarins, les particuliers qui ont entre 5 et 20 litres d’huile, souvent la plus polluante, l’amène en déchetterie », explique le directeur de CYCLEVIA. Or, à Mayotte, la carence est de taille puisque l’île est dépourvue de telles infrastructures. Au regard du péril environnemental que constitue le rejet des huiles usagées dans la nature, André Zaffiro prévient que « notre premier objectif va être de pallier à ce déficit ».

Les garagistes professionnels connaissent une saturation de leur capacité de stockage

Comment parvenir à récupérer ces liquides polluants auprès des usagers et autres petits garages ? « Nous allons réfléchir avec la Star et les collectivités pour mettre en place des points de collecte spécifiques, car sécurisés, sur l’île afin que les personnes puissent venir vider leur huile usagée », détaille le directeur. Il abonde, « nous avons entendu parler des dispositifs de déchetterie mobile, ce peut être aussi une solution à creuser ». Néanmoins, au regard de la situation actuelle, André Zaffiro concède l’absence de solution « pour les garages qui n’ont pas de cuve d’huile, et les particuliers ». «La situation est critique », admet-il.

Développer et encourager la revalorisation locale des huiles usagées

Les réflexions visant à accroître le captage impliquent celles concernant l’évacuation de ces déchets polluants. Comment améliorer leurs exportations au regard des difficultés d’ores et déjà rencontrées ? Sur ce point, André Zaffiro entend battre en brèche certains dogmes notamment celui consistant à dire « il faut absolument que toutes les huiles reviennent en métropole pour être traitées ». Une solution certes onéreuse mais qui présente aussi d’autres désagréments : « durant le transport, les huiles se dégradent avec la condensation. Or, une fois qu’elles arrivent au Havre, la qualité ne permet pas de les réutiliser pour fabriquer de l’huile régénérée ».

En définitive, « ces produits font le tour du monde pour être brûlés en métropole alors qu’ils pourraient l’être sur place ou être prétraités», constate André Zaffiro. Il n’y aurait donc pas une mais un panel de solutions envisageables au niveau du département afin de réduire l’exportation de ces liquides polluants, tout en augmentant la part pouvant être soit brûlée, soit revalorisée ». Sur la question de la combustion des huiles, le directeur général de CYCLEVIA précise qu’il s’agirait alors d’alimenter des générateurs à l’instar « de ce qui se fait à La Réunion ».

Une problématique qui en appelle d’autres

Les huiles usagées ne sont qu’un type de pollution parmi tant d’autres, souligne Maxime Glée, responsable des centres-auto Point S, prenant pour exemple la situation catastrophique de l’évacuation des batteries thermiques. « Pour les batteries, nous avons un container de 40 pieds entièrement rempli de batteries thermiques plus la moitié d’un autre ». Si cette problématique n’est pas du ressort de CYCLEVIA, elle a au moins le mérite de rappeler le fastidieux chemin encore à parcourir.

Pierre Mouysset

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