La suspension du décasage de Gnambotiti à l’étude au Tribunal administratif

Alors que les journées « île morte » ont permis aux maires de rappeler l’impérieuse nécessité de résorber l’habitat insalubre sur l’île, les arrêtés préfectoraux portant évacuation et destruction des constructions bâtis illicitement font rarement l’économie de la case tribunal administratif. En atteste le référé suspension de ce mardi concernant le lieu-dit Gnambotiti sur la commune de Bandrélé.

En clôture du reportage « Enquête Exclusive » concernant le département de Mayotte, le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer a décrit « quatre choses très simples » pour « renverser la courbe de l’immigration clandestine ». Parmi ces mesures, la première énoncée consiste à « nettoyer l’île de l’habitat insalubre ».

Le diable se cache dans les détails de la procédure

Pourtant, il suffit d’un détour au tribunal administratif pour comprendre que cette simplicité revêt avant tout les attraits de l’apparence ; ne faisant guère long feu en se heurtant à la réalité du terrain, et aux méandres de la procédure judiciaire. En atteste l’affaire de ce mardi matin où cinq personnes de la commune de Bandrélé, dont « la quasi-totalité possèdent soit la nationalité française, soit un titre de séjour », ont contesté l’arrêté préfectoral du 6 juillet dernier « portant évacuation et destruction des constructions bâties illicitement au lieu-dit Gnambotiti » au titre de l’article 197 de la loi ELAN.

La résorption de l’habitat insalubre une priorité pour les maires, Image d’illustration

Selon maître Hesler, assurant leur défense, « le document des conditions de relogement » n’a pas été « annexé à l’arrêté » alors même qu’il y a « une obligation de joindre à l’arrêté la liste des personnes bénéficiant d’une acceptation de relogement » ainsi que les « détails » attenant à ces « proposition de relogement ». Or, pour l’avocat, dans le cas présent « on n’en connaît ni les tenants ni les aboutissements ». Outre ce manquement, l’avocat pointe également une « atteinte à la vie privée manifeste » ainsi qu’une « atteinte au droit supérieur de l’enfant ». Alors que « les requérants ont en tout à leur charge 12 mineurs », l’avocat note à l’attention du juge des référés qu’en l’espèce « l’exécution de l’arrêté » entrainerait pour « les nombreux enfants mineurs concernés », « des conséquences gravissimes sur la santé, la sécurité et les conditions d’éducation ».

Le relogement rime avec accompagnement

Un argumentaire remis en cause par la préfecture. Loin de porter atteinte à l’intérêt supérieur de l’enfant, la démarche de relogement permettrait, au besoin, selon Psylvia Dewas experte de la résorption de l’habitat illégal, « un accompagnement social des enfants vers l’école », « un logement décent avec toutes les commodités ». En outre, l’experte s’est arrêtée sur la démarche de la préfecture ayant « mis en place une équipe conséquente » pour mener l’enquête sociale sur le périmètre concernée par la loi ELAN » dont « l’objectif est de proposer un logement adapté ou un relogement tenant compte de la situation de toutes les familles ». Dans le cas présent, il s’agit de reloger les personnes concernées dans le village relais de Tsoundzou 2, le site étant géré par 25 personnes accompagnant les résidents dans leurs démarches administratives.

« Proposer par écrit ce que vous venez de dire à l’oral »

Concernant l’absence de la mention de ces personnes en annexe de l’arrêté, la préfecture entend insister le fait qu’il s’agit « d’une liste à l’instant t ». Elle indique par ailleurs qu’il « est logique que ces personnes ne soient pas inscrites dans l’immédiat, les enquêtes sociales se poursuivant ». Une réponse loin de satisfaire Me Hesler, qui ne manque pas d’écorcher le « sérieux » de la procédure et l’obligation de joindre à l’arrêté cette fameuse liste mentionnant le nom de l’ensemble des bénéficiaires des propositions de relogement.

Le délibéré est attendu courant semaine prochaine

Toutefois, le juge des référés, au regard du maintien pour ses familles des propositions de logement présentées oralement par la préfecture, s’est questionné sur la possibilité de réaliser « un correctif » à cette liste. Une démarche n’ayant pas manqué de déclencher une vive critique de la part de maître Hesler : « vous savez comme moi ce que vaut la parole de la préfecture à Mayotte ».

Si le délibéré est attendu la semaine prochaine, le juge des référés ayant prévu de venir à Mayotte afin de se rendre compte de la situation sur le terrain, cette affaire rappelle une fois encore que les opérations de décasage, considérées comme une nécessité par les maires du département, ne manquent pas de cristalliser les tensions.

Pierre Mouysset

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