Une adresse figurant sur un bail ne correspondant pas au nom de la rue sur les sites de cartographie numérique, un facteur assurant le remplacement d’un de ses collègues ne parvenant pas à délivrer le courrier aux occupants d’un quartier, ce dernier n’ayant pas la « mémoire des habitants ». Des cas de figures qui ne sont pas si anodins puisque révélateurs des problématiques d’adressage à Mayotte.
Certes la fiscalité et l’adresse sont liées de manière quasi indéfectible. En témoignent les propos en avril dernier du Directeur général des services de l’Association des maires de Mayotte Mohamed Moindjié, « les services ne sont pas en mesure de récolter l’impôt » compte tenu de l’absence d’adresse : « on ne sait pas où ils habitent ». Il précisait alors que « mieux on saura qui habite où, mieux on pourra élargir l’assiette de l’impôt ». L’adresse revêt cependant bien d’autres dimensions.
Des retombées positives pour les particuliers, les entreprises et les communes
Selon Dominique Desous, directrice du courrier à La Poste de Mayotte, les avantages d’un bon adressage vont au-delà de la simple fiscalité. Pour les particuliers, il assure une meilleure distribution du courrier et des marchandises, « améliore l’accès aux services de secours », et « optimise les temps de trajet en véhicule » via un référencement GPS. Les entreprises, grâce à l’adressage, sont en mesure de renforcer « leur accessibilité auprès des clients » en favorisant « l’intégration des acteurs économiques au niveau du territoire ».
Quant aux communes, ces dernières optimisent « le ramassage des ordures » ainsi que « le recensement de la population » ce qui n’est pas sans incidence sur la dotation globale de financement allouée par l’Etat aux collectivités. In fine, l’action « des politiques publiques d’aménagement du territoire » s’en trouve durablement améliorée. Pour parvenir à un tel résultat, les campagnes d’adressage se construisent de concert entre la mairie et La Poste.
Les mairies aux commandes
« L’adresse n’appartient pas à La Poste, ce sont les communes qui ont la main dessus », renseigne Dominique Desous. Dès lors, seuls « les maires décident de faire des campagnes d’adressage » précisant que « La Poste est là pour les accompagner afin de mener à bien les opérations ». Cette expertise délivrée préconise quelques « règles d’or » telles que « la limitation de la longueur des voiries » ou encore « éviter les dénominations homonymes ».
Néanmoins indique-t-elle, ce sont « les mairies qui décident du nom des voies » ainsi que du « type de numérotation retenu », à savoir classique – pair à droite et impair à gauche – ou alors métrique, chaque numéro de rue désignant la distance de l’habitation par rapport au début de la voie. Tout dépend donc de la volonté des municipalités de s’impliquer fortement, ou non, dans cette démarche. L’entreprise aide les municipalités à créer et compléter la base d’adresses locales venant alimenter une base numérique nationale. A ce titre, depuis février dernier, dans le cadre de la loi 3DS relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, toutes les communes ont l’obligation, d’une part de certifier les adresses par un site dédié à cet effet, mais aussi de nettoyer leur base numérique d’adressage afin de la maintenir régulièrement à jour. L’objectif d’une telle certification étant de parvenir à des adresses uniques.
Des opérations cousues mains sur le terrain
Une fois la cartographie des communes réalisée avec le numéro des rues, les facteurs de La Poste, photos satellites en main, réalisent des opérations de « stickage » pour la pose préparatoire des numéros. Depuis le 19 septembre, deux équipes arpentent les rues de Sada pour coller les stickers portant le numéro des habitations. « Nous collons 120 stickers par jour », précise Moustadrane, carte en main. Son collègue Manloumi fait savoir que l’opération à Sada doit s’achever « pour le 30 septembre ».
« Les plaques de numéros sont posées par un prestataire externe » explique le dernier membre du trinôme, Boina Baco. Pour informer l’entreprise en question, à chaque fois qu’un autocollant est placardé, des photos sont prises et parfois des commentaires sont laissés sur leur application numérique. Une démarche permettant au prestataire d’être en mesure de retrouver l’adresse une fois sur place.
« On peut indiquer par exemple de prendre un piquet pour placer le numéro s’il s’agit d’un terrain vague », illustre Moustadrane. L’opération de « stickage » peut parfois prendre des allures de courses d’orientation. Des décalages entre la réalité du terrain et les photos satellites peuvent s’immiscer. Il faut donc s’adapter, une fois sur place, à la réalité du terrain.
Susciter l’acceptation de la population
La dénomination de la nouvelle adresse n’entraîne pas forcément une acceptation de facto de la part de la population. La dernière étape consiste donc à communiquer auprès des habitants. A ce titre La Poste accompagne les municipalités dans l’organisation de réunions publiques. L’objectif ? Faire intervenir des pompiers ou la Caisse de sécurité sociale de Mayotte pour sensibiliser les administrés à utiliser leur nouvelle adresse afin de pouvoir bénéficier des avantages qui en découlent. Une démarche indispensable contribuant à son échelle au développement de l’île.
Pierre Mouysset