Sur la place de la République, elles et ils prennent tour à tour le micro pour raconter leur expérience traumatisante d’un caillassage ou d’un vol. Le Grand cadi reste un moment pour rapporter les évènements récents. Une maman rapporte l’agression de son fils la veille, lors d’un transport par bus à Dzoumogne.
Le syndicaliste Balahachi Ousseni est présent en tant que citoyen, « on ne pourra pas développer Mayotte tant qu’il y aura de l’insécurité. Je ne comprends pas l’association de parents d’élèves qui conteste la
fermeture des écoles, quand je laisse mon fils à l’école, je ne suis pas tranquille ». Pourtant, dans leurs enceintes, les écoles du 1er degré sont plutôt préservées de faits graves qui ont touché le secondaire, « mais les violences s’importent, le caillassage des bus scolaires reste un gros problème ». Il appelle à sensibiliser les parents, « on l’a vu à la télé lors de l’interview d’un jeune de Koungou, les parents sont connus, pourquoi ne sont-ils pas inquiétés ? »
Il reprend sa casquette de CFDétiste à l’hôpital pour saluer la décision du directeur du CHM du passage au niveau 2 du Plan blanc : « C’est la première fois qu’un directeur se soucie de la sécurité de ses agents. Nous fonctionnons à flux tendus, et pour éviter les agressions du personnel, un bus a été mis à leur disposition. Mais il a été attaqué à plusieurs reprises, on n’arrivera pas à les garder. En tout cas, je me réjouis de voir que la direction s’associe à la protection du personnel. »
Avec la CGT, ils ont concocté une lettre ouverte pour évoquer « la possibilité qu’ont les salariés de faire valoir leur droit de retrait en cas d’agression mettant en danger leur vie, sur le chemin du travail ».
Ne pas laisser les bandes descendre
Pendant ce temps les élus, maires, conseillers départementaux et parlementaires recevaient le préfet au conseil départemental pour évoquer les décisions à prendre contre l’insécurité. A leur sortie, Madi Madi Souf, le président de l’Association des Maires, nous rapporte « les trois points forts de l’évolution des méthodes ».
« Nous avons demandé et obtenu que les policiers et les gendarmes aillent chercher les délinquants où ils se trouvent, dans les quartiers en hauteur, car les attendre sur la nationale, c’est envoyer des gaz lacrymogènes qui nuisent plus à la population qu’aux délinquants. Ensuite, le préfet nous a indiqué qu’après validation obtenue du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, policiers et gendarmes pourront utiliser les munitions du RAID. Il faudra pour cela qu’ils soient formés. Enfin, dans le cadre de la loi ELAN, chaque maire va proposer au préfet de mettre en place des démolitions de quartiers insalubres sans temps morts, vu l’ampleur du travail à mener. »
Des destructions de cases qui, on l’a vu, sont parfois le détonateur de violences perpétrées en rébellions par les bandes de jeunes, « il faut que les forces de l’ordre restent repositionnées avant la démolition et après, pour sécuriser la zone. Cela doit faire l’objet des futures discussions avec le représentant de l’Etat. » Ce vendredi, les élus rencontrent les collectifs.
Les élus ont également considérés que les marchands de sommeil n’étaient pas assez ciblés, « le maire de Sada a évoqué une maison qui abritait de très nombreuses personnes, il faut que les autorités réagissent quand nous faisons ce genre de signalements. »
Ce jeudi, les automobilistes pouvaient constater un déploiement de forces de l’ordre sur et aux abords des routes du côté de Kawéni et Majikavo, et espéraient que c’est du provisoire qui dure.
Les écoles et administrations seront encore fermées jusqu’à samedi, « nous allons voir comment nous projeter ensuite, car le compte n’y est pas encore, mais de mon côté, je suis contre un blocage de l’île comme en 2011 et 2018 ». La différence avec ces deux précédents, c’est que ce sont les élus qui cette fois ont pris l’initiative de taper du poing sur la table.
Anne Perzo-Lafond