Ce mardi consacrait le lancement de la formation de celles et ceux qui se destinent à travailler sur des yachts de luxe. Si Antibes c’est un peu la Mecque du secteur, l’ensemble de la Méditerranée est visée, avec un constat fait par les professionnels : il y a pénurie de personnel, surtout depuis le Covid, comme nous l’explique Stéphane Gouy, référent maritime à Pôle emploi.
« Il y a eu un télescopage de deux causes : le Covid qui a maintenu les yachts de luxe amarrés au ponton, induisant une reconversion des personnels qui y travaillaient, et le Brexit avec la difficulté de déplacement des anglo-saxons qui étaient très représentés dans ce métier. »
Comme il l’expliquera au cours de la matinée aux jeunes intéressés, il s’agit de se mettre au service des clients, de riches propriétaires, et de leurs passagers, entretenir le bateau, faire les cuivres, servir des cocktails… un peu comme une hôtesse de l’air, mais en mer. « Les yachts en question vont de 15 à 150m ». Donc de la taille des catamarans de croisière qu’on peut apercevoir amarrés au ponton depuis la fenêtre du Comité du Tourisme, à beaucoup plus grand. La population a pu en avoir un aperçu lors des passages du milliardaire, cofondateur de Microsoft, Paul Allen, à Mayotte, avec ses yachts Octopus, puis Tatoosh en 2013.
6.000 à 8.000 postes à pourvoir
Ayant eu vent des nombreux débouchés possibles dans ce secteur au cours de ses passages dans les salons en métropole, Stephane Gouy y tisse un réseau de collaborateurs depuis un an et demi, afin de proposer une formation pour les jeunes à Mayotte. « Bien que la flotte de yachts de luxe ait diminué, notamment ceux des oligarques russes, il y a entre 6.000 et 8.000 postes de steward et stewardesse à pourvoir. »
Il ne s’agit pas de travailler autour des bateaux de croisières, ces géants des mers qui embarquent plusieurs milliers de passagers, mais bien du marché de niche des yachts de luxe, « donc essentiellement de mars à octobre en Méditerranée. Avec possibilité de poursuivre ensuite en Floride, ou de trouver des emplois de saisonnier pendant les 4 autres mois ».
Ce mardi, c’était le top départ de l’information à des jeunes aux profils variés. « J’ai travaillé dans l’accueil client dans un fastfood », nous explique Nassilati, quant à Yvonne, elle a lancé son fastfood, mais veut passer à autre chose, « je suis très excitée à l’idée de travailler dans ce secteur, j’ai envie de découvrir le monde », lâche-t-elle. A côté d’elle, Patrick et Faïz, qui ont également travaillé dans l’hôtellerie, mais partent avec un handicap, à entendre Stéphane Gouy : « Dans ce métier, 90 à 95% des personnels sont des femmes ».
My sailor is rich
Une formation élitiste va démarrer, mise en place par Pôle emploi, cofinancé avec le conseil départemental, « notamment grâce au travail du vice-président chargé des Transports », et co-construit avec la Mission locale et la DMSOI (Affaires maritimes). Les jeunes volontaires doivent évidemment savoir nager, « ils passeront des tests de natation », être enclins à la mobilité, et débuteront dans un 3 étoiles au Kenya, voire mieux en fonction de la maitrise de l’anglais. Ils passeront un module technique pour savoir jongler avec les termes maritimes, le Certificat de Formation de Base à la Sécurité (CFBS).
« Ceux qui auront passé ces étapes avec satisfaction partiront à l’université des métiers hôteliers de Cannes, qui délivre un Certificat de Qualification Professionnelle d’hôtellerie embarquée, validé par la Fédération des Industrie nautique. Nous voulons qu’ils soient opérationnels en février-mars quand la formation de 3 mois débutera. » Ils et elles seront suivis par des experts territoriaux dans le yachting. Et la dernière semaine de mars, ils pourront postuler lors de la semaine de l’emploi maritime, et à Antibes, lors du salon du recrutement. « Il faut être prêt à encaisser une bonne charge de travail lors des embarquements », avertit-il.
Les préalables avant de débuter la formation, c’est donc de savoir nager, de parler correctement anglais et d’avoir ses papiers en règle pour pouvoir se déplacer. Les frais sont pris en charge par Pôle emploi et le conseil départemental. « Même si nous n’en envoyons que deux pour commencer, c’est déjà bien. Il faut que Mayotte soit bien représentée, avec une bonne image, si nous voulons poursuivre. Et si le jeune échoue en cours de route, il pourra se reconvertir et travailler dans le secteur des croisières ».
Au plus bas de l’échelle, les salaires sont de 2.400 euros, et les perspectives d’évolution sont nombreuses ensuite, « avec la possibilité de passer des diplômes de la Marine marchande, comme Capitaine 200 ou autre. »
Il faudrait sans doute rajouter à la formation la participation à une course de garçons de café, car servir des punchs coco par temps de houle sans en reverser demande de la dextérité !
Anne Perzo-Lafond