Du 1er janvier au 23 mai 2022, 273.505 décès, toutes causes confondues, sont enregistrés en France à la date du 3 juin 2022, soit 6,8 % de plus que sur la même période en 2019. Les départements les plus touchés en France métropolitaine sont la Corse du Sud, 21,3% et la Provence-Alpes-Côte d’Azur,+ 9 %.
En outre-mer, elle frappe en premier lieu La Réunion, où le nombre de décès enregistrés du 1er janvier au 23 mai 2022 est supérieur de 39 % à celui constaté sur la même période de 2019, et le moins la Guyane, +9,7%. Mayotte est le 2ème département de France avec la Corse du Sud le plus touché par la surmortalité en 2022, par rapport à 2019, +21,3%.
Les statistiques de l’INSEE intègrent toutes les causes de mortalité, et pas seulement le Covid. Or, au 3 juin 2022, il avait provoqué à Mayotte « seulement » 1 décès supplémentaire par rapport au début de l’année, 187, contre 186 enregistrés au début de l’année par l’ARS Mayotte.
Il faut donc chercher ailleurs les causes d’un excès de décès, avions-nous démontré lors du précédent bulletin INSEE. Sans avoir eu de réponse. La probabilité que des malades atteintes d’autres pathologies n’aient pas pu être pris en charge par les urgences était mince étant donné que le pic de Omicron, s’il fut spectaculaire en février 2022 à Mayotte, n’a pas engorgé l’hôpital.
Nous nous sommes donc tournés vers Santé Publique France (SPF) qui a régulièrement édité des statistiques sur la mortalité pendant la crise sanitaire.
Des virus en sourdine en dehors du Covid
Pour tenter de comprendre cette surprenante surmortalité sur notre territoire plutôt épargné par de graves conséquences du Covid en dehors de la vague Beta en mars 2021, SPF a étudié l’évolution de la mortalité sur une période plus large. « Lorsque l’INSEE a publié ses bulletins traduisant une surmortalité à Mayotte, nous avons mené une analyse approfondie, et nous nous sommes rendus compte que la surmortalité portait sur la période allant de mi-septembre 2021 à début février 2022. Le diagramme le montre nettement », nous indique Hassani Youssouf, Epidémiologiste, en charge de SPF Mayotte.
Une période pendant laquelle, Mayotte est moins touchée par les épisodes de Covid, « cette surmortalité intervient avant la vague Omicron de février 2022. Par contre, cela correspond à l’épidémie de grippe précoce et qui s’est étalée en 2021. » La grippe aurait donc été particulièrement meurtrière, 21% de décès en plus qu’en 2019. Ce n’est encore qu’une hypothèse, « nous devons corroborer cela par les certificats de décès, qui sont remontés à l’INSERM*, et qui mettent un certain temps à nous revenir. »
Si l’hypothèse était vérifiée, elle pourrait être la résultante de trois facteurs. Tout d’abord donc, une épidémie de grippe « plus précoce et plus importante » en 2021-2022 que celle de 2019. Et concomitamment à une baisse de l’immunité en population générale face aux virus influenzae du fait de l’absence de circulation virale en 2020-2021, liée aux confinements, au déploiement des mesures barrières… une période où nous étions comme sous cloche !
Erreur d’hémisphère
Et enfin, une couverture vaccinale faible contre la grippe, cumulée à une efficacité vaccinale moindre. En effet nous avions rapporté le constat de SPF, expliquant que le vaccin déployé à Mayotte pour l’épidémie de grippe 2021-2022, n’était pas adapté à la souche du virus : « 97% des prélèvements séquencés étaient de sous-type A(H3N2) apparentés à la souche vaccinale A/Hong Kong/2671/2019 qui était présente dans le vaccin Hémisphère Sud 2021 mais pas dans le vaccin Hémisphère Nord utilisé à Mayotte cette année ».
Si cela était vérifié, il faudrait analyser d’où vient cette erreur de sens d’orientation géographique pour ce vaccin qui s’est trompé d’hémisphère.
Des malades qui sont « majoritairement » décédés à domicile, « et donc, pas enregistrés dans le système de surveillance classique ».
Hassani Youssouf n’exclut également pas qu’en fin de période, un effet Omicron se soit fait sentir. D’ailleurs on notera sur le diagramme un bâton plus long sur une semaine de mars 2022, et on sait que c’est sur la fin d’une vague que surviennent surtout les décès. Mais dans ce cas, il n’ont pas été enregistrés dans les statistiques publiées par l’ARS qui ne donne rappelons le, qu’un décès lié au Covid sur la période 1er janvier au 23 mai 2022.
On attend donc les analyses complémentaires sur les certificats de décès (papiers et électroniques) pour mieux analyser les causes de décès, « notamment ceux survenus hors établissement de santé, afin de confirmer cette hypothèse ».
Anne Perzo-Lafond
* L’Institut national de la santé et de la recherche médicale