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Travail dissimulé sur un marché public : « Vous saviez qu’en déclarant moins vous payeriez moins de cotisations »

Une affaire de travail dissimulé et de non déclaration de six ouvriers sur un chantier était jugée ce mardi au tribunal correctionnel. Si la mairie de Bouéni faisait partie des prévenues, la collectivité sera relaxée a contrario de la cheffe d’entreprise et du comptable incriminés.

 « Ce dossier est assez emblématique de la situation actuelle. On est dans le cadre d’un marché public financé par la collectivité locale à hauteur de 400 000 euros, pas sur un chantier d’un jour avec deux brouettes ». Dans son réquisitoire, le procureur de la République Yann le Bris a tenu a rappeler l’ancienneté du dossier « quatre renvois, c’est la cinquième fois que le dossier est appelé ».

Travail dissimulé, absence de déclaration des ouvriers aux organismes sociaux

Une partie des prévenus en attente des délibérations

En juillet 2019, la police aux frontières intervient sur le chantier d’extension de la mairie de Bouéni. Lors du contrôle des six travailleurs présents, les forces de l’ordre constatent que deux d’entre eux sont en situation irrégulière et que trois autres n’ont pas de contrat de travail. Rapidement, il est reproché à la cheffe d’entreprise d’avoir employé des travailleurs sans papiers et de n’avoir ni communiqué les bulletins de paye, ni déclaré les ouvriers auprès des organismes sociaux. Le comptable, prestataire de l’entreprise en question, est poursuivi pour « faux et usage de faux » dans l’optique de minimiser les cotisations de la société. En outre, est également cité, le maire de Bouéni pour avoir eu sciemment recours directement ou indirectement à l’entreprise MM employant des personnes non déclarées en situation irrégulière. Si le maire était absent, la cheffe d’entreprise et le comptable sont appelés à donner leur version des faits.

Cafouillage et méli-mélo, les prévenus s’emmêlent les pinceaux

Alors que la présidente questionne l’entrepreneuse sur les faits reprochés, cette dernière évoque à plusieurs reprises le destin. « Vous ne pouvez pas arriver au tribunal avec six faits reprochés et faire appel au destin, tranche la présidente, ce n’est pas le destin qui est ici au tribunal mais vous ! » Après de multiples excuses incantatoires, la prévenue se ressaisit « au départ il était bien en situation régulière. Une fois chez mon comptable j’ai constaté que les documents nécessaires n’étaient pas présents. Le travailleur a fait les demandes pour avoir des papiers en règles ». Pourtant, selon la présidente la situation est des plus limpides « il vous incombe de vérifier les documents », assène-t-elle.

Les cafouillages de l’entrepreneuse ainsi que du comptable gagnent en intensité au

Yann Le Bris a réclamé la relaxe de la mairie de Bouéni

moment d’aborder l’absence de déclaration des travailleurs aux organismes sociaux. La présidente questionne l’entrepreneuse au sujet des conséquences induites par les non déclarations des six travailleurs. « Je ne savais pas que je me retrouverai au tribunal pour ça, je n’y ai pas du tout pensé » tente de se justifier la prévenue. « Par contre, assène la présidente, vous saviez qu’en déclarant moins vous payeriez moins de cotisations ».

La mairie de Bouéni âprement défendue

Yann le Bris dans son réquisitoire a déploré l’absence de l’Urssaf tout en rappelant le travail engagé pour que les entreprises payent à Mayotte leurs charges sociales. En outre, il a regretté que le comptable n’ait pas été « le garant du chiffre », « vous avez une qualité de conseil, vous êtes la façade légale, la limite de votre action est la loi ».

Concernant la mairie, le procureur de la République a pointé l’imprécision de l’instruction, « on ne sait pas si c’est la collectivité ou le maire qui est poursuivi ». Mais que ce soit l’un ou l’autre la relaxe a été demandée. D’ailleurs l’avocat représentant la mairie de Bouéni a souligné que dans le cas présent, « une personne morale peut être reconnue pénalement coupable en cas de travail dissimulé mais ici nous ne sommes pas dans le cadre d’une délégation de service public pour condamner la mairie de Bouéni ».

La lutte contre l’immigration clandestine va de pair avec la lutte contre le travail dissimulé

La lutte contre le travail dissimulé est une gageure à Mayotte

Si la mairie de Bouéni a été relaxée, la cheffe d’entreprise a été condamnée à payer 15 000 € d’amende sous 100 jours, le comptable à trois mois de prison avec sursis et la société incriminée, à verser une amende de 20 000 €. Une décision que se voulait exemplaire pour rappeler que la lutte contre l’immigration clandestine ne peut faire l’économie de la lutte contre le travail dissimulé. D’ailleurs, cette situation n’est pas sans conséquence pour le développement économique de Mayotte puisque de tels agissements faussent indéniablement la concurrence, au détriment des travailleurs, vis-à-vis des entreprises qui respectent les règles.

Pierre Mouysset

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