A la suite du score du Rassemblement national dans l’ensemble des collectivités d’outre-mer, nous avons sollicité le député LR Mansour Kamardine qui fustige le comportement des élites parisiennes. Rappelons qu’au premier tour, une scission était marquée entre les DOM, qui avaient massivement voté Jean-Luc Mélenchon avec une préférence lepéniste pour Mayotte, et les collectivités d’outre-mer qui avaient placé le président sortant en tête. Au 2ème tour, un bon nombre de voix semblent avoir glissé de LFI au RN si on en croit les scores ultramarins. Un large vote de contestation, que l’on retrouve aussi dans les 58,45% d’abstention. Marine Le Pen devient donc au 2ème tour le chiffon rouge agité par les déçus du macronisme.
Le constat global va donc bien au-delà de la seule problématique de Mayotte, ce qu’explique Mansour Kamardine : « Il n’y a qu’à regarder ce que l’on appelle les quatre vieilles, les quatre autres DOM qui ont ce statut depuis 70 ans, pourquoi le niveau de développement n’est pas le même qu’en métropole ? C’est en raison de la persistance d’attitudes colonialistes, voire limite racistes, de la part des dirigeants parisiens ». Un colonialisme qui abouti donc, paradoxe complet, à un plébiscite pro-Rassemblement national !
Ils étaient nombreux en France ce dimanche soir à se plaindre de ne pas être entendu, mais pour les Outre-mer, le député mahorais a des exemples de ce qu’il faut faire, en prenant l’exemple du projet de loi Mayotte : « Il faut écouter les populations ultramarines qui connaissent leurs territoires. Les mahorais veulent une loi programme co-construite. Lors de l’élaboration de la loi Mayotte de 2001, après une première rédaction, le gouvernement Jospin est revenu vers nous pour la modifier, elle a ensuite été adoptée. En 2009 lors du pacte pour la départementalisation avec Sarkozy, le projet proposé par le gouvernement a été rejeté par le conseil général de Mayotte. La ministre s’est déplacée ici, il y a eu réécriture. Et cette fois, le rejet à l’unanimité par élus départementaux du projet de loi proposé par Sébastien Lecornu, a tout bloqué, car ils l’ont pris comme une humiliation personnelle. Mais en politique, on perd la face le matin, on la récupère l’après-midi. Or, on nous a fait passer pour des mendiants que nous ne sommes pas. »
Un MOM qui pèse
La cause de ce fossé entre Paris et des territoires sis à des milliers de kilomètres est claire selon lui, « ce n’est pas l’institution qui est en cause. Le jour où on mettra un poids lourd à sa tête du ministère des Outre-mer pour s’imposer auprès des autres au gouvernement, dont celui des Finances, ça ira mieux. » Malgré tout, c’est un système de pensée qu’il faut revoir, comme le montre un autre exemple récent qu’il cite : « Mayotte attend le décret sur l’IRCANTEC, l’Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’Etat et des collectivités publiques, depuis 2002. J’ai sollicité à ce propos les ministres de la Fonction publique et de la Santé le 28 février dernier. On m’a répondu en substance que c’était inscrit dans la loi Mayotte dont nous n’avons pas voulu en l’état. On nous prend encore pour des assistés. »
Avec l’immigration clandestine et l’insécurité, la convergence des droits sociaux reste l’un des principaux griefs, dans un chapitre que nous pourrions intituler « qui sème l’appel d’air récolte la tempête », puisque à l’unisson de notre article « A force de craindre l’appel d’air, les rouages se sont grippés », Mansour Kamardine dresse un parallèle avec la Guyane : « A chaque fois que nous demandons l’égalité sociale, on nous ressort toujours la crainte de l’appel d’air. Mais comment fait la Guyane alors, où les droits sont alignés sur la métropole malgré un fort impact migratoire ?! »
Quant aux législatives évoquées comme un 3ème tour par les candidats malheureux de la présidentielle, l’échéance est encore lointaine pour le député LR dont le parti a été laminé, mais dont chaque candidat doit espérer que l’ancrage territorial permette de sauver les meubles, « nous sortons d’une période de campagne présidentielle chaotique, il faut maintenant en tirer les leçons pour cette nouvelle échéance. »
Tout en adressant au président Macron ses « félicitations républicaines », « car je salue sa réélection mais n’adhère pas à son projet », Mansour Kamardine lui demande d’envisager « une révolution copernicienne » sur le fond et sur la méthode pour les outre-mer.
Anne Perzo-Lafond