Lors du 1er tour, Mayotte faisait office d’exception d’extrême droite. Les 4 autres DOM avaient placé Jean-Luc Mélenchon en tête des suffrages, les Collectivités d’outre-mer, lui avaient préféré Emmanuel Macron, quand Mayotte plébiscitait Marine Le Pen. Si le vote s’est confirmé ici dans plusieurs communes, plaçant la candidate d’extrême-droite en tête haut la main dans 12 d’entre elles, elles étaient 15 au 1er tour, trois ont basculé en faveur de la réélection d’Emmanuel Macron*. L’action des maires est à souligner.
Alors que les autres DOM ont élu Marine le Pen en tête, Mayotte a donc quelque peu rétropédalé, comme s’il y avait eu un vote sanction avant de revenir à un vote républicain. Une prise de conscience salutaire face à une candidate qui avançait masquée sur les réelles motivations de son parti pendant la campagne. Le flou sur le foulard n’en est que la partie émergée.
Il n’empêche, si Emmanuel Macron dans son discours a esquissé que les votes de contestation « doivent aussi trouver une réponse », ce fut trop mollement pour rassurer ceux qui l’ont désavoué.
Or, si les votes d’extrême droite rassemblent 41,2% des votants sur l’ensemble de la France, ils atteignent plus de 60% sur les 5 DOM (de 59,10% à Mayotte à 69,6% en Guadeloupe). En prenant en compte l’ensemble des votes contestataires au 1er tour, intégrant Jean-Luc Mélenchon, ils étaient 70% au 1er tour à Mayotte.
Une « déflagration » ultramarine
C’est tout d’abord un constat d’échec de la politique menée par le ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu, qui ne peut pas être mis dans le même panier de tous les outre-mer. Elle prend la couleur de la contestation contre la politique sanitaire aux Antilles, et celle de l’échec de la lutte contre l’immigration clandestine en Guyane et à Mayotte, et contre l’insécurité dans ce dernier territoire. La population ne supporte plus d’entendre qu’ « on a déjà beaucoup fait », alors que les résultats ne sont pas là. Sur l’insécurité, avec des caillassages sporadiques notamment la nuit, qui contraint les déplacements notamment des services de sécurité et des professionnels du port, et sur l’immigration clandestine, avec un policier de la PAF expliquant que les intercepteurs annoncés sont hors services.
Pour Patrick Karam, LR, Ancien délégué interministériel pour l’égalité des chances des Français d’Outre-mer, les résultats de l’élection présidentielle en Outre-mer sont une « déflagration », « une révolte face à l’impuissance de l’Etat, et aux conditions sociales dégradées », qui « risque fort de conduire à une mise en marge des Outre-mer, qui seront rendus ingouvernables faute de légitimité du pouvoir central dans ces territoires ».
Il appelle le gouvernement à donner une priorité aux politiques publiques en Outre-mer et à la mise en place d’un vrai plan de rattrapage. « Une absence de réponse à ce signal d’alarme ouvrirait en grand la porte vers un saut dans l’inconnu. » Et le 1er des sauts, c’est celui vers les législatives.
Les habitants de Mayotte n’ont ni la tête ni les pieds en politocratie avec son corolaire de petites phrases méprisantes, et veulent juger leurs gouvernants sur des résultats concrets. Les votes contestataires qui lui ont finalement donné suffrage, « obligent » Emmanuel Macron, jugeait-il ce dimanche soir… dans toute la définition de ce verbe.
Anne Perzo-Lafond
* E. Macron l’emporte à Koungou et Dembéni d’une courte tête, Dzaoudzi, 55%, Mamoudzou, 56%, Chiconi, 51,5%,
M. Le Pen, à Bandrélé, 67%, Bandraboua, 66,4%, Acoua, 75%, Tsingoni, 63%, Boueni, 77,5%, Mtsamboro, 74%, Ouangani, 62,6%, Mtsangamouji, 75,8%, Sada, 63%, Chirongui, 59%, Pamandzi, 54,5%, KK 76,6%