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Justice : ce que dit la circulaire de politique pénale pour Mayotte

Nous nous sommes procurés la circulaire de politique pénale spécifique au territoire signé par le Garde des Sceaux, le 2ème de la nation à bénéficier d’un traitement à part, après Marseille. Rapidité, circuit court, fermeté, sont quelques termes qui reviennent, avec un satisfecit pour la politique mise en place par le parquet depuis quelques mois.

Alors qu’un jeune est décédé le 10 mars de ses blessures lors de son agression le 25 février à Chirongui*, la circulaire relative à la politique pénale territorialisée prend tout son sens. Cette annonce est un des actes forts du passage du Garde des Sceaux à Mayotte, et se justifie par « la structure de la délinquance à Mayotte », dont les faits marquants sont détaillés : « un nombre important de faits criminels, commis avec ou sous la menace d’armes, une prévalence des infractions violentes ainsi qu’une augmentation des atteintes aux forces de l’ordre et des actes d’entrave à leur action ».

La circulaire porte sur trois grands axes : la lutte contre la délinquance de droit commun, la lutte contre l’immigration clandestine, et la lutte contre les fraudes aux finances publiques quels que soient les secteurs.

Le premier est la face la plus visible, qui perturbe le quotidien des habitants. Le ministre demande de favoriser la dénonciation des infractions commises, déjà mis en place par le procureur, sur les faits de délinquance en général, et notamment en matière de violences conjugales, pour « limiter le recours à la vengeance privée ». Pour éviter cette multiplication des règlements de compte en réponse à la stratégie des bandes, bloquant les forces de l’ordre pendant que les méfaits sont commis, une « réponse pénale ferme et systématique » est demandée, de même que pour les agressions des automobilistes.

Celles commises contre les forces de l’ordre seront traitées à deux niveaux : par présentation immédiate devant le procureur ou le juge d’instruction pour les petits délits, et avec ouverture d’information judiciaire plus les plus graves.

Les cellules du quartier mineurs du centre pénitentiaire de Majikavo (Photo JDM)

Les mineurs à l’origine de 30% de la délinquance

Nous avons déjà évoqué la réponse du ministre à la délinquance des mineurs, qui « représentent en 2020, 29,52% de la délinquance du territoire ». Sans surprise, les solutions de « justice restaurative » prônées par le nouveau code de la justice pénale des mineurs initié par Eric Dupond-Moretti, sont préconisées, « réparation des actes commis, restauration des victimes et à terme la réconciliation sociale ». La mise en place d’un Groupe local de traitement de la délinquance (GLTD) spécifique aux bandes, sous l’égide du procureur est également conseillée. Les infractions violentes commises au sein et aux abords des établissements scolaires qui « exacerbent les tensions sociales », seront traités notamment en lien avec l’Education nationale, qui sera informée des suites données.

Direction le tribunal pour enfant en cas d’atteintes sexuelles, et d’agressions les plus graves, ou bien, prise en charge éducative rapide. Pour les moins graves, l’obligation d’effectuer un travail non rémunéré ou un stage de réparation, est là pour « faire prendre conscience au mineur de sa responsabilité pénale ». On a vu que l’offre en matière d’accueil de jour des mineurs a été renforcée, de même que le service d’investigation éducative, prévu pour prendre en charge 150 mineurs et leurs parents.

Efficacité de la lutte contre les passeurs

La circulaire met l’accent sur la poursuite des actions mises en place par le procureur Yann Le Bris

A la remise des bons points par le ministre, on trouve le parquet, pour avoir initié la rapidité de traitement des faits après leur commission, l’Education nationale, pour les mesures de prévention mises en place avec le parquet qui permettent aux services de la brigade de prévention de la délinquance juvénile de recevoir les mineurs et leurs familles, et, c’est plus rare, le conseil départemental, pour « l’implication des services de l’aide sociale à l’enfance », notamment sur la réactualisation du Schéma Enfance et Famille sur 2022-2027.

Une instance quadripartite est installée, réunissant le juge des enfants, le parquet des mineurs, le conseil départemental et la PJJ.

Même logique de poursuite des délits en circuit court pour le 2ème axe portant sur la lutte contre l’immigration clandestine. « La stratégie mise en place par le parquet de Mamoudzou visant à réprimer efficacement les délits d’aide à l’entrée et au séjour d’étrangers et situation irrégulière (…) commis par les passeurs, doit être pleinement encouragé ». Les armes de la justice sont la procédure de comparution sur reconnaissance de culpabilité ou la comparution immédiate, et, en cas de récidive, emprisonnement ferme et interdiction du territoire français. Sont également visés par les sanctions ceux qui, parmi « les pêcheurs, facilitent l’immigration illégale ».

Pour neutraliser les filières, le recours aux informations judiciaires sera intensifié, avec « un traçage des flux financiers ».

Un politique pénale adaptée aux spécificités migratoires et de délinquance juvénile de Mayotte

De finance, il en est aussi question pour le 3ème volet de lutte contre les fraudes aux finances publiques, que ce soit la délinquance en col blanc, moins visible qu’un vol de téléphone, et pourtant d’un autre volume, notamment par le biais du CODAF, Comité Opérationnel départemental anti-fraude. On trouve notamment la lutte contre les fraudes aux prestations sociales, liées à celles de l’état civil, notamment les reconnaissances frauduleuses de paternité et les mariages de complaisance, le travail illégal et les marchands de sommeil aux loyers non déclarés.

Une circulaire qui est une adaptation du nouveau code de justice pénale de mineurs à Mayotte, et qui va nécessiter des moyens humains supplémentaires au parquet et à l’instruction. Elle veut donc faire plus vite et plus ferme, ce qui, en réduisant le temps entre la sanction et le fait commis, devrait permettre à la dimension éducative de prendre tout son sens.

Anne Perzo-Lafond

* Une enquête a été ouverte par la brigade de Mzouazia placée sous l’autorité du procureur

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