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Violences conjugales : « Il y a un gros travail d’accompagnement des victimes qui doit se poursuivre »

La procédure pénale s'est structurée à Mayotte en ce qui concerne les violences conjugales. Un schéma de réponse gradué permet une riposte rapide et aide à prévenir la récidive explique Yann Le Bris, procureur de la République de Mayotte.

Quelle réponse pénale face à un auteur de violences conjugales ? Le parquet de Mamoudzou a défini depuis un an une politique pénale de plus en plus précise, afin d’établir une riposte judiciaire graduée, et d’offrir aux victimes une réaction rapide et protectrice de la justice. Une politique qui semble porter ses fruits, même si des pistes d’amélioration restent à travailler, notamment sur le dépôt de plainte, l’identification des victimes et leur accompagnement. Un travail a débuté.

« La première chose qui a été faite c’est d’accompagner les services de police et de gendarmerie pour modifier la nature du traitement de ce genre de dossiers », explique le procureur. « Modifier la nature du traitement c’est d’abord accompagner une dynamique de formation des enquêteurs pour mieux accueillir les victimes. C’est aussi avec l’hôpital et d’autres partenaires identifier des victimes pour qu’il y ait des signalements et que des plaintes soient déposées. C’est un travail de long terme qui se poursuit et qui s’accompagne d’un renforcement de l’aide aux victimes de violences conjugales, pour aussi les accompagner dans la démarche de dépôt de plainte. »

Mais pour y parvenir, il fallait déjà régler les plaintes qui traînaient parfois dans les tiroirs.

« Le deuxième axe de travail, ça a été d’apurer les stocks de procédures dans les brigades et au commissariat, avec désormais un traitement de tous les dossiers dans le temps de la flagrance. Avant ils étaient traités souvent en enquête préliminaire, aujourd’hui c’est en 24h renouvelables. On a déjà apuré en quelques mois tout le stock, soit 150 dossiers de manière très rapide, ce qui permet d’avoir aujourd’hui des dossiers traités en 24 à 48h quand il y a un dépôt de plainte » poursuit le procureur.

Une fois la plainte déposée, plusieurs scénarios se mettent en place selon la gravité des faits, de l’alternative aux poursuites jusqu’à l’incarcération. Premier exercice, trier les faits avérés, des règlements de compte qui ne regardent pas la justice.

« En matière de violences conjugales on a un taux d’élucidation de quasiment 100% car l’auteur est identifié, c’est le compagnon. Le taux de poursuites avoisine également les 100% quand les faits sont reconnus. La question c’est le taux d’affaires poursuivables, car on a aussi des dépôts de plainte que l’on doit examiner avec prudence car il peut s’agir d’une instrumentalisation judiciaires de problèmes de couples qui ne relèvent pas du pénal. Il faut donc avoir une approche d’urgence, mais une approche raisonnable et pondérée. C’est pour ça qu’on veut des certificats médicaux, des témoignages mais aussi des confrontations, et ce de manière rapide ».

Cette étape franchie, les faits avérés donnent lieu à un déferrement systématique devant le procureur ou son substitut.

Le bracelet anti-rapprochement permet de prévenir contre la récidive de violences conjugales

De l’avertissement à la prison ferme

« Quand les faits sont objectivés, on engage des poursuites qui sont graduées selon la personnalité de l’auteur et la nature des violences. Quand on est, sans relativiser, dans une petit bousculade d’un couple en conflit, et non sur des violences récurrentes ou gravissimes, et que le couple lui même ne demande pas de poursuites mais est dans le retrait de la plainte et dans une démarche de séparation, on peut avoir un premier niveau de réponse pénale qui est de faire un stage sur les violences conjugales, et d’acter simplement la séparation en faisant une interdiction à l’un ou l’autre de rencontrer celui qui pourrait être sa victime. Ce premier niveau est celui de l’alternative aux poursuites. »

Quand les faits sont plus graves, la réponse judiciaire se durcit rapidement aussi.

« Le deuxième niveau de réponse pénale, c’est des faits qui commencent à présenter une certaine gravité. Là on va être dans le déferrement, avec une procédure dite de plaidé-coupable qui permet une réponse immédiate et exécutoire. Dans 90% des cas, ce sont des sursis probatoires avec des interdictions d’entrer en contact. Dans 99% des cas c’est respecté. Car on est dans des violences qui présentent une certaine gravité mais dans lesquelles on est intervenus tout de suite. D’où l’intérêt d’avoir une réponse pénale dans le cadre de la flagrance qui ne laisse pas les violences s’installer ».

L’objectif étant bien sûr d’éviter ces situations qui se répètent au niveau national, d’individus signalés plusieurs fois, et qui finissent parfois par tuer leur conjointe.

« Il y a enfin ces situations plus graves, soit parce qu’intrinsèquement ce sont des violences graves avec des ITT importantes, ou alors avec des personnes qui, même si ça reste marginal, sont en récidive de violences. Là on passe à la phase suivante qui est le déferrement suivi d’une comparution immédiate. Là les peines prononcées sont souvent des peines d’incarcération mixtes. Dans des derniers dossiers, ça allait jusqu’à 1 à 2 ans d’emprisonnement ferme, sans compter un sursis probatoire qui inclut les interdictions dont on a parlé et des stages renforcés ».

Ça, c’est pour les auteurs. Les victimes, elles, restent souvent les parents pauvres de la justice pénale. Le tribunal de Mayotte ne les a pas oubliées.

« Tout est perfectible mais il y a des démarches importantes qui sont menées et des avancées majeures installées l’année passée » indique Yann Le Bris.

« Qu’il n’y ait plus aucune impunité »

Les victimes sont de plus en plus placées au coeur de la réponse pénale. Ici, des affiches placardées au tribunal judiciaire.

« Des intervenants sociaux viennent dans les brigades et les commissariats pour être au contact des victimes, et au sein du CHM on a des personnels formés à la médecine légale, qui ne sont pas des médecins, et on est entrain de créer un poste au sein du SCJE, le service des victimes du tribunal pour se projeter dans les commissariats, les gendarmeries et l’hôpital pour être un relais de l’institution judiciaire et accompagner la démarche de dépôt de plainte.
Au sein du tribunal, le SCJE est présent au tribunal pour accompagner la victime tout au long du processus judiciaire, préalable et postérieur à la justice. »

Le procureur compte aller plus loin encore.

« Les prochaines étapes, c’est de toujours améliorer les circuits entre les différents intervenants, de renforcer l’information des victimes sur leurs droits, et s’assurer qu’elles ne soient pas seules dans les démarches judiciaires ».

En effet, les violences conjugales représentent chaque année entre 150 et 200 dossiers confiés à la justice. Un chiffre appelé à s’accroître au gré des campagnes de sensibilisation et des dépôts de plainte.

Autre grand chantier pénal pour le procureur, les violences faîtes aux enfants, notamment sexuelles.

« On a aussi une problématique majeure autour des violences sexuelles » déplore le chef du parquet de Mamoudzou, « et même sur la perception même de ce qu’est une violence sexuelle en ce qui concerne les mineurs. Si on ne fait que constater notre puissance on n’avance jamais. On a une évolution forte des informations remontées au parquet, il y les associations mais aussi le rectorat qui est en pointe dans les signalements qui nous sont remontés. Reste à renforcer l’effectivité des enquêtes et notre capacité à mobiliser des experts pour aller encore plus vite dans le traitement de ces dossiers, et renforcer les filières de signalement pour qu’il n’y ait plus aucune impunité ».

Y.D.

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