C’est la fin d’une longue enquête pour la BMR, le service d’enquête de la PAF. De septembre à janvier dernier, les enquêteurs ont mené des heures d’écoutes téléphoniques, qui ont permis de mettre au jour un réseau d’immigration clandestine et de contrebande entre Anjouan et Mayotte. A la tête du réseau, un « triumvirat » selon le parquet. A Mayotte, le responsable présumé était un certain Chakri. Le trentenaire, au fil des écoutes téléphoniques, s’est imposé comme un leader du groupe. « A chaque fois je vous dis la même chose, il faut prendre l’initiative de partir tôt, vous me fatiguez, j’en ai marre » dit-il notamment à ses comparses lors d’une conversation. Dans d’autres, il évoque les milliers d’euros engrangés. A la barre pourtant, l’homme minimise son rôle et assure n’avoir gagné que 550€ sur les quatre voyages auxquels ils reconnaît avoir participé.
« Le tribunal n’est pas dupe sur les sommes que vous avez engendrées avec ce trafic d’êtres humains, et sur votre rôle puisque vous donnez des ordres, contrairement à l’image que vous donnez d’homme exploité » lui rétorque une des juges. Une autre notait le cynisme du passeur, qui qualifiait dans les écoutes ses passagers de « choses », de « maniocs » ou encore de « cocos ».
Le parquet non plus n’était pas dupe. « Ces faits ne sont pas que des faits d’atteinte à l’intégrité des frontières, ce sont des faits qui mettent la vie des personnes en jeu, pour un gain financier » et de démontrer la bande organisée. « Au premier étage, nous avons un triumvirat (…) les écoutes sont accablantes, M. Chakri n’était pas un subalterne » assure le parquetier. Pour ce dernier , « à Mayotte il était le relais principal, sa participation était essentielle au passage des personnes. Pour avoir mis en danger un grand nombre de vie, on ne peut pas faire l’économie d’une peine de prison ferme; je demande 4 ans, et maintien en détention ». Une réquisition d’autant plus sévère qu’un homme est mort la semaine dernière en tentant la traversée.
L’avocat de la défense, Me Hesler, a tenté de limiter la casse, face à un dossier bien trop épais pour être étudié en détail sur une audience de comparution immédiate. « Il y a beaucoup d’incertitudes dans ce dossier : sur sa participation, la durée des faits, ce que ça a rapporté, face à ces doutes, gardons le principe du doute qui bénéficie au prévenu » plaidait-il, réclamant une peine plus adaptée.
Les juges ont opté pour une peine de 3 ans ferme, 3000€d’amende et une interdiction de territoire de 5 ans.
Y.D.