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vendredi 17 janvier 2025

Violences conjugales « être un homme, ce n’est pas ça »

Âgé de 21 ans, ce jeune homme a "tabassé" sa petite amie de 15 ans tout juste lors d'une soirée alcoolisée. Qualifié de dangereux, il s'est présenté comme un "expert en coups" devant les juges, jouant le "caïd" devant une victime terrifiée au point de refuser de témoigner à la barre. Le substitut Belamiri s'est livré à un plaidoyer contre les violences sexistes, en pleine journée internationale des droits des femmes.

Portrait type de la « virilité toxique » selon le procureur, l’homme à la barre aura tout fait pour apparaître machiste et violent devant ses trois juges, adoptant ce que la présidente qualifie « d’attitude de caïd ».

Les faits reprochés sont récents, puisqu’ils ont eu lieu en décembre dernier. Une soirée alcoolisée à Dembéni réunissait le prévenu, déjà condamné plusieurs fois pour violences dont une… le jour-même, sa petite amie, de 7 ans sa cadette, et des copains.

Alors que la soirée touchait à sa fin, le jeune homme ordonne à un ami de lui laisser sa chaise. Ce dernier refuse dans un premier temps, puis devant l’insistance de son ami alcoolisé, il cède, pour éviter de l’énerver. Une fois assis, la situation est confuse, mais l’on comprend que le jeune homme prend sur ses genoux sa petite amie de 15 ans, alors à moitié endormie et insiste pour avoir un rapport sexuel avec elle. L’ami qui avait cédé sa chaise finit par intervenir, et la situation part en bagarre. Coups de poings, de pieds et même de chaise. Dans la mêlée, la jeune fille fait les frais de la colère de son copain qui lui porte un violent coup de ceinturon au visage. Les blessures multiples qui en résultent marquent encore son visage trois mois après les faits.

A la barre, l’homme dit ne se souvenir de rien, sinon qu’il était ivre. Il aurait bu sur la soirée pas moins de deux litres d’alcool fort. Mais en garde à vue en décembre, il était plus loquace. « Elle était en train de s’endormir, j’ai dit réveille toi, elle a insulté ma mère, ça m’a énervé, dont je l’ai poussée et je l’ai frappée avec 2 ou 3 gifles sur les bras (…) la dernière gifle j’ai voulu la frapper à la tête mais elle s’est protégée”. C’est selon son propre récit à ce moment là qu’intervient l’ami qui recevra un coup de chaise, suivi du coup de ceinturon porté à l’adolescente.

« Après je l’ai emmenée à mon banga, et la police s’est ramenée » relate le prévenu. La présidente décortique un discours inquiétant. « Quand vous dîtes je l’ai ramenée, je l’ai frappée, c’est toujours vous qui décidez ça transpire dans chacune de vos déclarations. C’est quoi cette attitude de caïd ? « 

A la barre, l’homme minimise. Pour lui, le coup de sacoche était destiné à son ami, et ce n’est que par accident que l’adolescente l’a reçu en pleine figure. Et pour le prouver, ses arguments valent leur pesant de cacahuète. « Si je frappe volontairement, moi, je casse une dent » assure-t-il, comme si les multiples contusions étaient la preuve d’un coup mesuré. « Moi si je te donne un coup de sacoche, voilà t’es mort, si c’était volontaire, j’aurais pris la fuite, mais je suis pas parti je suis resté avec elle » poursuit-il, face aux juges totalement incrédules devant sa défense.

Derrière lui, la victime, terrifiée, refuse de répondre aux questions. D’un geste fébrile, elle baisse son masque pour montrer son visage encore tuméfié, et rebaisse la tête. « Elle a peur, elle est tétanisée, un coup de sacoche porté en arrière par accident ne cause pas ce qu’elle a sur le visage » analyse Me Gibello-Autran, avocate de l’adolescente. « Rien ne justifie les violences dont a été victime cette jeune fille de 15 ans » poursuit-elle.

La violence liée à l’alcool jugée par le tribunal judiciaire ce mercredi

La violence ne doit jamais faire partie de l’équation »

D’autant que l’individu est connu pour terrifier son entourage. Un ami le décrit comme un « violent, qui rackette », et sa copine elle-même, lors de l’interpellation de décembre, avait plaidé en sa faveur devant les policiers, assurant que « s’il va en garde à vue, il va me tuer à sa sortie ».

Pour le substitut Belamiri, la tenue de ce procès en pleine journée internationale des droits des femmes est une coïncidence qui se prêtait à un discours pédagogique.

« Dans une relation de couple, la violence ne doit jamais faire partie de l’équation. La victime porte encore sur son visage la trace des violences, mais ce qu’on ne verra jamais, ce sont les conséquences psychiques qui vont durer des années. Et parfois on ne s’en remet jamais. On a un bel exemple à cette barre de virilité toxique, qui laisse penser que l’homme est tout puissant, qu’il peut dominer. Je veux dire avec force qu’être un homme ce n’est pas ça. Être un homme c’est assumer, là M. a une attitude un peu bravache, tout cela a l’air de l’amuser, mais il n’assume pas. J’aimerais aussi qu’on compare leurs gabarits, il y a eu un déchaînement de violence, on peut même parler de passage à tabac. Massacrer quelqu’un de plus faible que soi, ce n’est pas du courage, ce n’est pas de la virilité, et il se fait passer pour un expert en coups quand il dit que s’il tient la sacoche comme ça, il casse une dent. La virilité toxique va tellement loin que quand quelqu’un lui dit stop, il le violente aussi. Il y a des gens qui finissent au cimetière comme ça. Je vous demanderais, puisque l’avertissement de la justice il n’en a cure, qu’il a déjà eu trois condamnations pour violences et que seul message c’est la détention, 3 ans de prison, mandat de dépôt, et interdiction de détenir une arme pendant 15 ans, ce qui est le maximum ».

Les juges sont allés en deçà avec une peine de 18 mois de prison ferme, et 5 ans d’interdiction de détenir une arme. Le jeune homme purge déjà ses peines de prison précédentes, de quoi le tenir éloigné de la bouteille pendant quelques temps.

Y.D.

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