Sur les 200 plages de l’île au lagon, entre 3 000 et 5 000 tortues viennent pondre chaque année. Cinq espèces différentes y sont recensées, toute reconnues par l’UICN comme « vulnérables, en danger d’extinction voire en danger critique d’extinction ». Mais au-delà de la mortalité naturelle et des pressions anthropiques sur l’environnement, il est une menace qui reste bien réelle pour ces reptiles pourtant protégés : le braconnage, occasionné par l’attachement persistant d’une partie de la population à la consommation traditionnelle de chair de tortue.
C’est pour faire face à ce fléau qu’en décembre 2020, les différents acteurs impliqués dans la préservation de l’environnement que sont les Naturalistes, Oulanga Na Nyamba, les Communautés de Communes du Sud et de Petite-Terre signaient le fameux pacte de sauvegarde des tortues de mer.
Un bilan positif, et un dispositif pérennisé
Après un an, le bilan s’avère positif, et le partenariat va ainsi être renouvelé et pérennisé pour les années à venir.
« On vient de faire (…) le bilan de l’année écoulée avec les associations et les collectivités locales, déclare le préfet à l’issue de la signature. « On a pu constater d’abord une présence renforcée, de nuit comme de jour, que les équipes que nous avons financées se sont mises en place, que le matériel -en particulier les lunettes de protection nocturne- et les investissements ont été réalisés. Donc ensemble on vient de décider de poursuivre ce pacte de sauvegarde des tortues ». Mais cette fois, le partenariat va plus loin encore : « On a même pris la décision ensemble de signer des conventions pluriannuelles qui vont permettre de garantir le déroulement de ces actions, pendant une période de trois ans ». Ainsi depuis la signature, les associations ont mis en place des équipes de surveillance des plages de ponte, actives jour et nuit et complétées sur le terrain par les forces de police et de gendarmerie, les gardes départementaux, les polices de l’environnement et intercommunales, etc…
« On a besoin d’inscrire ces politiques dans la durée. »
Fort de son succès, le pacte est désormais poursuivi, et les autorités entendent bien pérenniser l’initiative. : « Ce qui est incontestable, c’est qu’on ne protègera pas la biodiversité de Mayotte et son caractère exceptionnel par des actions ponctuelles, explique Thierry Suquet. On a besoin d’inscrire ces politiques dans la durée, et c’est l’objectif de ce pacte sur les tortues, de pérenniser cette action. Notre objectif c’est que non seulement ça dure, mais que les tortues soient protégées pour l’avenir de cette planète et pour l’avenir de nos enfants ».
Pour Cléa Arsicaud, coordinatrice des actions anti-braconnages pour les Naturalistes de Mayotte, la reconduite du pacte est vue d’un très bon œil : « Le seul objectif que j’attendais, c’était la pérennisation avec certitude et ça l’est (…) Rien que l’idée de se dire que c’est pérennisé, que c’est acté, c’est plutôt positif ». Et pour elle, le dispositif a fait ses preuves : « On a les preuves flagrantes qu’à défaut d’être complètement efficace pour éradiquer le braconnage, on sait que c’est efficace pour lutter ». Mais éradiquer complètement la capture illicite des reptiles, est-ce seulement réalisable ? « Franchement, c’est trop difficile, reprend Mlle Arsicaud (…) En tout cas avec le pacte on a clairement une mutualisation des acteurs, et ça, ça fait du bien aussi. Et là, la petite surprise de la journée, c’est la signature des deux arrêtés, ça aussi c’est très agréable, et c’est une belle concrétisation ».
Arrêtés de protection de biotope : « renforcer l’arsenal règlementaire de protection des tortues »
Et en effet, à l’issue du groupe de travail de ce jeudi, le préfet signait deux arrêtés préfectoraux de protection de biotope, lesquels « vont permettre de renforcer l’arsenal règlementaire de protection des tortues ». Pour la coordinatrice des actions anti-braconnage, cela va « apporter beaucoup en termes de règlementation, et d’utilisation des sites par les usagers de la mer ». Mais qu’est-ce exactement que ces arrêtés ? Réponse avec Michel charpentier, président de l’association Les Naturalistes :
« Un arrêté de protection de biotope c’est pour protéger un site particulièrement important au niveau de la biodiversité. Ici les deux arrêtés qui viennent d’être signés par le préfet, c’est sur Moya Papani et Saziley Charifou d’autres part. L’enjeu qu’il y a derrière ça c’est évidemment les tortues puisque ce sont les plages de ponte principales de tortues à Mayotte ». Ainsi ces arrêtés « poseront un certain nombre de contraintes pour la protection des tortues », qu’il s’agisse de la fréquentation des sites, des aménagements possibles ou impossibles dans ces lieux. Et M Charpentier voit plus loin encore : « ce qu’il y aura ensuite c’est aussi la nécessité d’avoir une gestion de ces arrêtés de protection, c’est-à-dire des gens qui les mettent en œuvre. (…) Je crois savoir en outre que normalement il devra y avoir interdiction de présence sur les plages en question entre 6h du soir et 6h du matin, sauf dérogations accordées à des organismes habilités pour cela. Toute personne qui se trouvera sur une de ces plages pendant ces horaires sera considérée comme en infraction ».
Une nouvelle avancée pour la lutte contre le braconnage de tortue, bien que l’on puisse regretter le caractère résolument tardif de telles initiatives, si positives soient-elles. Mais lorsqu’il s’agit de tortues, il parait que rien ne sert de courir…
Mathieu Janvier