Port de Longoni : en attendant l’appel, Ida Nel devra débourser une grosse partie des 600.000 € à ses salariés

Ils étaient 24 salariés à avoir déposé plainte contre leur employeur MCG pour obtenir le paiement de salaires et d’avantages qu’ils estimaient dus. Le tribunal du Travail avait tranché en leur faveur arrêtant le curseur à 600.000 euros. Avec obligation de les payer, l'appel qu'avait introduit Ida Nel n'étant pas suspensif. Le tribunal lui ordonne pour la seconde fois de débourser une grande partie de la somme due aux salariés.

La décision du juge vient de tomber : Ida Nel devra bien verser à 24 de ses salariés la grande majorité des 600.000 euros ordonnés par le tribunal du travail en mai dernier. Ce dernier avait tranché en leur faveur alors qu’ils réclamaient des arriérés de plusieurs primes, de transport, d’astreinte, de risque, d’incommodité, de supplément familial, mais aussi, le règlement des salaires pendant la période de grève du 23 octobre 2017 à juillet 2018. Et avait condamné la présidente de Mayotte Channel Gateway (MCG) à leur verser 600.000 euros de sommes dues.

Ida Nel avait fait appel de la décision, arguant que la Convention Collective Nationale (CCN) Unifiée Ports et Manutention, synonyme d’avantages pour les salariés, ne s’applique pas à Mayotte. Elle avait pourtant commencé à la mettre en place lorsqu’elle était présidente de la Chambre de Commerce et d’Industrie (CCI) de Mayotte, bien avant d’obtenir en 2013 la gestion du port de Longoni, déléguée par le conseil départemental.

Mais en attendant que l’appel soit jugé, ce dernier n’étant pas suspensif, le juge du tribunal du Travail avait ordonné le paiement d’une partie des 600.000 euros, sous forme « d’exécution provisoire ». Ce que la présidente de MCG contestait également, contestation qui avait été jugée en décembre dernier, dont le délibéré vient de tomber.

Son avocate Me Fatima Ousseni avait alors plaidé une somme trop élevée, qui aurait des « conséquences excessives » pour la société, le mémoire en défense mentionnait de manière floue, « la situation financière particulière dans laquelle se trouve la société MCG ».

Une des ordonnances d’appel sur l’exécution provisoire adressée aux salariés

« J’ai du faire appel à un huissier pour me faire payer »

Un point que ne laissait pas passer Me Ben Achour, défenseur des salariés, qui évoquait une « gestion arbitraire », et reprenait les montants diffusés auprès du conseil portuaire, d’un bénéfice de 3,2 millions d’euros en 2019, et de 850.000 euros en 2020. La présente ordonnance du 2 février l’entérine, indiquant que les conséquences manifestement excessives sont « non démontrées » par MCG.

Ida Nel proposait de consigner les sommes dues au titre de l’exécution provisoire, par peur « de ne pas être remboursée en cas de victoire en appel », émettant des doutes sur la solvabilité de ses salariés. Incitant Me Ben Achour à lui reprocher de continuer précisément à « les maintenir dans la précarité ».

Il aura été entendu puisque dans une ordonnance du 2 février 2022, le juge Bricogne « déboute la SAS Mayotte Channel Gateway de sa demande d’arrêt à exécution provisoire du jugement du Tribunal du Travail de Mamoudzou du 14 mai 2021 », et condamne à payer les sommes qui leur sont dues aux salariés. Et également au syndicat CGT Ma qui faisait partie des plaignants.

Salim Nahouda, son secrétaire départemental s’en félicite : « Cela montre que l’on peut espérer de la justice à Mayotte, que les personnes discriminées peuvent être entendues. C’est une victoire collégiale. » Il reste néanmoins méfiant : « Lorsque j’ai gagné contre Ida Nel et Daniel Zaïdani, et obtenu la somme de 21.000 euros, il a été très difficile de me faire payer. J’ai du faire appel à un huissier. »

CGT, Mayotte, MCG
La CGT qui avait appuyé les mouvements des grévistes est également indemnisée

La société ayant été condamnée par deux fois à verser cette somme, le non respect de la décision obligerait en effet les salariés à saisir l’argent sur ses comptes bancaires. Une question de respect des décisions de justice et de l’Etat de droit qui fait parfois défaut du côté de Longoni.

L’exécution provisoire ne porte pas sur la totalité des 600.000 euros, mais pas loin, toujours selon Salim Nahouda, « car cela porte sur les salaires et des avantages liés aux salaires ». Chacun des plaignants ayant reçu une ordonnance propre concernant les montants dus, il faut les compiler, « mais cela doit avoisiner les 500.000 euros », estime dans un premier jet l’avocat.

Anne Perzo-Lafond

Partagez l'article :

Subscribe

spot_imgspot_img

Les plus lus

More like this
Related

Au lycée de la Cité du Nord, la possible fin des récréations embrase la communauté éducative

Entre la contestation de la suppression des récréations, des pannes informatiques persistantes et des locaux dégradés, les enseignants du lycée du Nord dénoncent une situation de plus en plus intenable.

Intercommunalités de France, Interco’ Outre-mer et l’association des intercommunalités de Mayotte alertent sur une « loi de programmation » sans programmation

Les présidents d'Intercommunalités de France, d'Interco Outre-mer et d'Interco 976 (Mayotte), alertent sur la contradiction majeure entre une volonté politique et le projet de loi qui doit la traduire. Ils soulignent que le texte, en l'état, ne s’apparente pas à une loi de programmation réelle et ne donne pas aux territoires les moyens de la mettre en œuvre, risquant ainsi de transformer une promesse d'avenir en une crise durable.

Air Austral déplore un manque de repères pour poursuivre sa croissance

Hugues Marchessaux, président du directoire d’Air Austral et président d’Ewa Air et Drissa Samaké, directeur général d’Ewa Air, ont dressé, ce mardi 24 juin, le bilan de l’exercice 2024-2025 des deux compagnies. Avec des résultats d’exploitation positifs, malgré les événements perturbateurs et les contraintes, l’avenir semble prometteur, mais le manque de visibilité à moyen et long terme, notamment sur les infrastructures, laisse planer le doute.

La chambre régionale des comptes salue les mesures de redressement du budget de la commune de Kani-Kéli

Dans son avis du 19 septembre 2024, la chambre régionale des comptes (CRC) avait arrêté le déficit du compte administratif 2023 de la commune de Kani-kéli à 1.863.108 euros. La CRC avait alors proposé à la commune un plan destiné à permettre le retour à l’équilibre budgétaire à la fin de l’année 2028.