« Qu’ils fassent de l’humanitaire aux Comores », les locaux de la Cimade toujours bloqués

Depuis un mois, des membres du Collectif bloquent l'accès à la Cimade. Ces manifestantes reprochent à l'association un recours formulé contre un décasage prévu à Combani. L'arrêté préfectoral a été invalidé par la justice le 13 décembre, et des militantes anti immigration avaient alors manifesté devant le tribunal administratif, avant de se rendre à la Cimade, où elles se relayent toujours pour interdire l'accès des bénévoles, salariés et bénéficiaires.

Cela fait désormais un mois que les salariés, bénévoles et bénéficiaires de la Cimade ne peuvent accéder aux locaux de l’association à Mamoudzou. A l’origine de cette perturbation, une manifestation spontanée de membres du Collectif devant le tribunal administratif, qui a le 13 décembre condamné l’Etat et suspendu un arrêté de la Loi Elan visant à détruire un quartier de Combani.

« Il y avait eu un arrêté préfectoral pour le décasage d’un quartier de Combani dans le cadre de la loi Elan. Plusieurs associations du collectif migrants Outre Mer avaient soutenu une démarche pour contester cet arrêté, car il y avait un risque de destruction sans relogement, c’est dans ce cadre là que la Cimade s’est présentée au tribunal pour défendre les habitants » explique Elodie Auzole, directrice de la section océan Indien de la Cimade. Depuis cette audience, « du fait des menaces et de la présence permanente du Codim qui se relaye devant les locaux, toute personne proche de la Cimade ou qui vient solliciter un accompagnement est menacée, donc personne n’a pu revenir dans les locaux » poursuit la présidente, qui indique qu’une plainte est en cours.

Pour la responsable associative, cette mobilisation contre une association interpelle. « Cela pose en effet le problème de la présence de la Cimade à Mayotte pour des groupuscules extrémistes. Aujourd’hui, défendre les droits fondamentaux, c’est devenu dangereux, c’est devenu un acte politique extrême pour certains. Pour nous ce n’est pas admissible dans l’Etat de droit qu’est encore la France. C’est pour ça que c’est le bureau régional qui s’est emparé de la communication, on a voulu montrer notre soutien là dessus ».

A Mamoudzou, les locaux de l’association sont en effet fermés, et la grille cadenassée. Sur une terrasse attenante, quelques militantes discutent. « Si vous cherchez la Cimade, il n’y a personne, on a fermé » nous indique l’une d’elle.

Qatary Lawson, figure du collectif, veille à interdire l’accès à la Cimade

Assise sur une marche, Qatary Lawson, une personnalité bien connue qui se revendique du « collectif issu du mouvement de 2018 » ne « veut pas » de la Cimade à Mayotte. « S’ils veulent aider les Comoriens, qu’ils aillent faire de l’humanitaire aux Comores, on serait d’accord, on peut même se cotiser » dit-elle. A l’entendre, le collectif est déterminé à bloquer l’accès jusqu’au départ de l’association, qu’elle accuse de « les monter contre nous » poursuit, évasive, la militante, qui va jusqu’à évoquer un risque de « guerre civile ». Pour elle, le recours formulé par le collectif Migrants Outre Mer auquel participe la Cimade a empêché la démolition d’un quartier peuplé de clandestins et qui posait un problème de sécurité, ce qui a généré « la colère ».

Une vision que la Cimade conteste. « Les personnes concernées par un possible décasage n’étaient pas forcément étrangères, la Cimade n’a pas agi pour une catégorie de personnes, mais pour des personnes précarisées dont on allait attenter aux droits fondamentaux du logement. Donc des personnes françaises ont bien été défendues dans ce quartier » assure la directrice régionale, pour qui de toutes façons, aider les plus précaires est dans l’intérêt de tous. « La précarisation et l’exclusion coûtent beaucoup plus cher que de régulariser, car ça crée de la violence, de la demande sociale, ça a des coûts. Au niveau de la justice aussi, car plus il y a de violences, plus il y a d’affaires. Quand on régularise et que les gens ont les droits minimaux que sont les droits à l’hébergement, un minimum d’allocations pour se nourrir et se vêtir, ça coûte bien moins chez à la société. De la même manière, refuser de scolariser des enfants, cela crée une population non scolarisée, sans formation et exclue de tout système social, et ça on va le payer très cher » analyse-t-elle.

Une atmosphère jugée menaçante par les salariés de la Cimade, qui ont basculé en télétravail

Deux visions qui semblent irréconciliables entre les deux associations aux actions diamétralement opposées. Et de chaque côté, une détermination forte.

« Le message est clair, la Cimade est à Mayotte et compte bien y rester, on a juste changé nos formalités et le format, mais les équipes travaillent en distanciel, en lien avec le siège et la Région océan Indien (…) On continuera à soutenir le groupe local de Mayotte, on réfléchit à des moyens d’action plus poussés » conclut Elodie Auzole.

Y.D.

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