Longoni : la menace d’expulsion de la SMART par MCG devant la justice

Le tribunal administratif jugeait en référé l’expulsion de la société de manutention SMART, demandée par le gestionnaire Mayotte Channel Gateway (MCG). Une affaire qui avait été annoncée comme reportée en raison de l’Aïd, mais finalement jugée ce vendredi, les conseils des deux parties s’étant déplacés depuis leurs barreaux respectifs hors territoire.

Ida Nel et son équipe devant le tribunal administratif
Ida Nel et son équipe devant le tribunal administratif

C’est en novembre 2013 que le port change de main à la suite d’un appel d’offre pour la Délégation de service public (DSP), un contrat par lequel le conseil départemental en confie la gestion. Répondent le groupement CCI-Lavalin et la société SNIE, gérée par Ida Nel. C’est cette dernière qui remporte donc ce qui est précisé dans la DSP comme la gestion et l’exploitation du port. C’est sur cette terminologie que tout se joue.

Car le manutentionnaire du port, la SMART, dont un des responsables Jean-Claude Henry, était dans l’équipe de MCG lors de la signature de la DSP, s’inquiète des vues qu’a le nouveau gestionnaire sur la manutention, et la quitte. En témoigne un changement du code d’activité (APE) qu’Ida Nel annonce comme régulier. La SMART entre alors en résistance, le dialogue est rompu à plusieurs reprises, notamment lors de blocages du port.

Pour aboutir à cette procédure d’expulsion, Ida Nel avance que la SMART n’est plus sous contrat depuis son arrivée à la tête du port, et qu’elle ne possède en outre pas de titre d’occupation du domaine public.

Situation de monopole

Les salariés de la SMART étaient venus en nombre
Les salariés de la SMART étaient venus en nombre ce vendredi

Que disent les deux parties ? Pour Ida Nel, et son conseil, ce sont les investissements qu’elle développe, et qui font partie de l’évolution nécessaire du port de Longoni, qui sont en cause, et que la vieillotte société SMART ne fait que freiner. Ce que conteste son adversaire: «L’investissement dans les grues fait partie de la stratégie de MCG qui veut y placer ses propres salariés, dont certains sont débauchés de la SMART, pour se placer aussi comme manutentionnaire et en situation de monopole», répond Me Christine Bernardot, avocate de la SMART. «D’ailleurs, les grues ne serviront quasiment jamais, les navires ayant leurs propres matériel, et en raison du faible volume de containers déchargés», complète Jacques Virin, actionnaire de la SMART.

Les présidents du conseil départemental, autorité concédante, sont intervenus à plusieurs reprises en faveur de la SMART, avec notamment la Lettre de Daniel Zaidani à Ida Nel sur la manutention, et l’intervention de Soibahadine Ramadani, «mais MCG joue un double jeu vis à vis du département en laissant croire qu’elle est ouverte à la signature d’un partenariat. Elle parle de monopole de la SMART, mais que dire de son cumul gestion et manutention», fait remarquer Me Bernardot.

Un avocat polyvalent

Me Christine Bernardot:
Me Christine Bernardot: « L’investissement dans les grues fait partie de la stratégie de MCG »

Sur ce sujet, son confrère et adversaire sur cette affaire rétorque «qu’en tant que titulaire d’une délégation de gestion complète, MCG a précisément le droit d’expulser les entreprises qui n’ont pas de titres d’occupation du domaine public». Il s’agit de Me Jorion qui défend MCG, et était étonnamment jusqu’à présent le conseil du département: «Je représente le délégataire du département, et ce dernier n’est pas représenté, c’est un signe…»

Le trouble, c’est la DSP elle-même qui le jette, «à aucun endroit il n’est précisé qui doit exercer la manutention portuaire», déclare Me Jorion. «Justement, à aucun endroit, on autorise le gestionnaire à le faire», rétorque l’avocate de la SMART. Un conseil portuaire du 16 février 2012, présidé par Ibrahim Aboubacar, désigne le champ de la DSP, dans lequel ne figure pas la manutention.

Mais ce qui est plus clair, et fait monter Me Bernardot au créneau, c’est que «le département, qui délègue à MCG, se positionne le 19 août 2015 pour s’opposer à l’expulsion de la SMART, et que le 25 août, le Tribunal administratif soit saisi par MCG pour expulser.»

Talon d’Achille

Pour Me Jorion:
Pour Me Jorion: « MCG peut faire de la manutention étant titulaire d’une délégation de gestion complète »

Pour l’avocate, c’est un conflit de droit privé, «entre deux concurrents, et qui ne relève donc pas de la compétence du tribunal administratif.» Elle évoque également la possibilité d’une fin de non recevoir que pourrait utiliser le juge, «c’est la SNIE qui a répondu à la DSP, et non MCG qui n’a été créée qu’après.»

Elle sera moins incisive sur la réalité d’un titre d’occupation du domaine public, c’est d’ailleurs le talon d’Achille de l’affaire, et fait agir la clause de «survivance du titre», «la société travaillant depuis 35 ans sur le port et n’ayant jamais été dénoncée comme occupant sans droit ni titre.» Elle demande donc qu’un modèle de convention soit au moins proposé par MCG à la société, si tous ses arguments précédents n’étaient pas retenus.

Elle aura fait valoir que la société de manutention qui emploie 196 salariés, et au chiffre d’affaire de 10 millions d’euros, ne peut être expulsée, «à moins de vouloir bloquer le port, car la SMART est seule à être conventionnée auprés des armateurs.» Ce que niera Me Jorion, «elle n’a plus de convention.»

Le président de l’audience n’en demandait pas tant et appelait à la «négociation» et à la «conciliation», avec une clôture de l’instruction le 2 octobre à midi, et un délibéré aux environs du 9 octobre.

D’ici là, gestionnaire et manutentionnaire devront continuer à travailler ensemble, le porte-container Kumasi actuellement à quai, comptant sur leurs services.

Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte

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