Cela pourrait être le titre de la prochaine série en vogue disponible sur les plateformes de streaming et écrite pas les plus grands scénaristes : La jeune fille dans le puits (sic), mais c’est en réalité le fruit de l’imagination d’une dizaine d’élèves du collège Bakari Kusu de Dzoumogné. Avant l’incendie criminel qui a ravagé leur établissement. En effet, dans le cadre de la pratique des ateliers de création vidéo, ils se sont inscrits au concours « écris ta série ! ». « C’est un défi national d’écriture collective de série pour les 15-18 ans et les collégiens de 4ème et de 3ème, organisé par le Centre National du Cinéma. Il fait partie de la mission de sensibilisation à l’écriture scénaristique déployée par le CNC », raconte Joris Arnolin, professeur de Lettres au collège de Dzoumogné, qui a accompagné les élèves dans ce projet. Cela représente environ une vingtaine d’heures à répartir sur 6 mois afin de travailler avec les élèves. « Je leur ai demandé comment ils consommaient les séries qu’ils regardaient et quelle réflexion cela leur inspirait. Nous avons ensuite fait des petits groupes où chacun a fait part de ses idées de scénario, au travers d’un synopsis (résumé). Puis on en a discuté avec le groupe afin de choisir lequel retenir ».
En commençant dès le mois de novembre, les Mahorais étaient dans les temps mais ça c’était sans compter sur les barrages du début d’année et les nombreux aléas de la vie à Mayotte… « Du fait des blocages en début d’année et de l’absence de cours qu’ils ont engendré nous n’avons pas pu réaliser plusieurs scenarii, nous nous sommes donc arrêtés sur un que nous avons peaufiner. Nous n’avons repris les cours qu’en mars alors que la deadline (date limite, ndlr) pour rendre notre travail était fixée à fin avril, nous n’avons donc pas eu beaucoup de temps. Toutefois les élèves ont relevé le défi de créer et écrire ensemble leur propre bible de série avec une note d’intention, un concept, une présentation des personnages, un scénario d’un épisode pilote ».
Un projet de série abouti
Le professeur a été assez impressionné par la motivation et l’engouement de ses élèves dans ce projet. « Si on participe à ce concours on ne fait pas ça pour rien, on va en finale ! m’ont-ils dit dès le début. Pour ma part, j’avoue que j’étais un peu moins confiant qu’eux. Aussi j’ai été très agréablement surpris quand j’ai vu que nous étions sélectionnés pour la finale dans la catégorie Collège avec trois autres établissements *. J’ai néanmoins attendu qu’ils passent les épreuves du brevet avant de leur annoncer cette bonne nouvelle pour ne pas les perturber », confie Joris. En effet, à l’issue d’une sélection régionale puis d’un comité de lecture national, 13 projets ont été sélectionnés sur les 317 reçus cette année, dont celui du collège de Dzoumogné avec La Jeune Fille dans le puit (malgré la faute d’orthographe à puits…).
En apprenant, seulement courant juin, leur nomination pour la finale, il leur fallait fournir un dernier travail : plancher sur le pitch vidéo (présentation courte) de leur série, dernière étape avant la remise des prix par un jury composé de professionnels qui récompensera le 4 juillet prochain, au CNC, les projets les plus aboutis ainsi que le meilleur pitch. « Ils étaient contents et ont explosé de joie quand je leur ai annoncé cette nouvelle car c’est quelque part la reconnaissance de leur travail par des professionnels du milieu du cinéma comme des réalisateurs, des producteurs, etc. Le concept qu’ils ont proposé est une bonne surprise. C’est une génération qui est en train d’éclore de manière très positive avec des élèves doués et beaucoup d’envie ».
Les élèves ont ainsi écrit 4 épisodes de leur série, on fait un pitch, présenté les différents personnages, préparé un teasing (ndlr : donner envie, éveiller la curiosité) de la saison 2 et écrit un scénario pilote de la première saison. Même si leur professeur n’a pas voulu trop s’épancher sur le scénario de la série, il nous en a quand même livré quelques mots. « Pour résumer, c’est l’histoire d’une jeune femme de 25 ans qui vit en Chine, dans la région des Ouïghours, et qui vient d’intégrer la police. A la suite d’une erreur qu’elle a commise, sa hiérarchie décide de la sanctionner en l’envoyant travailler aux archives… Et là elle découvre plusieurs cas de disparitions d’enfants. Elle soupçonne un trafic d’êtres humains et décide d’enquêter pour son propre compte… C’est à la fois romanesque et dangereux », sourit le professeur.
Enfin, à la question de savoir si cette série pourrait être adaptée à la télévision ou pour le grand écran ? : « Bien sûr on serait heureux ! Répond Joris. Mais je suis d’abord fier de ce qu’ils ont fait, nous sommes les seuls à Mayotte à être qualifiés pour la finale. Vu le contexte depuis plusieurs mois dans notre île et tout ce qu’il se passe en ce moment, notamment à Dzoumogné, on ne peut qu’être satisfaits. Si on devait gagner cette finale, ça serait la cerise sur le gâteau ! ». N’ayant que 4 nominés dans la catégorie collège, tous les espoirs sont donc permis…
B.J.
* Les nominés dans la catégorie Collège :
– La Jeune Fille dans le puit, Collège Bakari Kusu, Dzoumogné (976)
– Second souffle, Établissement régional d’Enseignement Adapté, Ajaccio (2A), accompagné par Insta Cultura
– La Vengeance, Collège Chateaubriand, Villeneuve-sur-Yonne (89)
– 100, Collège Mont-Saint-Aignan (76)
