En 2013, c’est plein d’allant que Mayotte se préparait à accueillir son premier projet de stockage d’électricité, OPERA. Cette « Opération Pilote Energies Renouvelables » prévoyait qu’en cas de chute de l’alimentation par le photovoltaïque, une pile géante prenne le relai pendant une trentaine de minutes en injectant jusqu’à 3 mégawatts dans le réseau électrique. Mais le sujet a fait flop en raison de la réglementation qui ne permettait pas à Mayotte d’être éligible à la compensation des surcoûts de production de l’énergie (CSPE). Nous n’avons donc pas progressé dans notre part d’utilisation d’énergies renouvelables qui reste plafonnée depuis des année à 5% de la consommation totale, le fameux mix énergétique, accaparé ici par les énergies fossiles. Il devrait être à 50%…
En 2017, à la demande du ministère en charge de l’Energie, la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) lance deux appels à projet. Les dossiers retenus sont celui de Total Solar, pas encore activé, et d’Albioma Solaire. C’est ce projet qui a été inauguré ce jeudi à Longoni, à quelques mètres de la centrale EDM. Et ces professionnels de l’énergie ne se doutaient pas qu’il leur en faudrait en masse pour mener le dossier au bout ! « Nous devions être sur le port, cela ne s’est pas fait, le foncier n’est pas une mince affaire ici, et sur ce site, nous avons dû mener des travaux de terrassement très couteux », soulignait Frédéric Moyne, PDG d’Albioma. L’investissement se monte à 8 millions d’euros.
L’entreprise est à Mayotte depuis 2007, et reste leader sur le marché du photovoltaïque, selon son PDG. Si son projet a été retenu, c’est qu’il évite le rejet de 6.000 tonnes de CO2 dans l’atmosphère, c’est l’échelle de valeur de la CRE.
Une batterie de secours en cas de mauvais temps
Les six batteries géantes sont installées en bord de route et stockeront dans quelques jours l’électricité prise sur le réseau, dont celle issue du photovoltaïque, pour la restituer soit en soirée lors du pic de consommation de 18-20h, c’est le report de charge, soit lors d’une chute de production, par exemple le passage d’un nuage qui fait plonger la production photovoltaïque d’un coup, « nous pouvons insuffler 7mégawatts en une demi-seconde pendant deux heures », soit la moitié de sa capacité. Ce qui représenterait la consommation de 2.500 foyers environ.
Jusqu’à présent, on ne pouvait pas utiliser plus de 36% d’énergie solaire à un instant T, car une couverture nuageuse impliquait de basculer d’un coup sur la fourniture classique d’électricité, ce qui mettait les installations sous-tension.
Avec l’inauguration des batteries de stockage, le ciel s’ouvre à nous, et le soleil omniprésent, va pouvoir être utilisé à sa juste puissance, « compte tenu du potentiel à Mayotte, on devrait dépasser rapidement les 5% de mix énergétique », complétait Frédéric Moyne. Des progrès ont été faits dans le photovoltaïque, et à consommation constante, nous aurions dépassé les 5%. Mais pas dans la configuration de consommation croissante à Mayotte, c’est compliqué, comme l’illustrait la SGAR de la préfecture, Maxime Ahrweiller, en faisant référence à l’eau potable, « étant donné les manques qui touchent l’île, pour l’instant, la production d’électricité suit ! ». Et quelques jours après la COP 27, saluait « tout projet qui aide à décarboner l’énergie à Mayotte. » En faisait notamment référence au projet de carburant bio des deux centrales EDM, « il va permettre de monter le mix énergétique ».
« Un grand jour pour Mayotte ! »
« C’est un grand jour pour Mayotte ! », l’exclamation de Claude Hartmann, Directeur général d’Electricité de Mayotte, résume à elle seule les attentes. Beau joueur l’opérateur puisque son projet n’a pas été retenu lors de l’appel d’offre, mais c’est un relais de taille, « 10% de la consommation de Mayotte est là, dans ces batteries, et vont donc soulager le pic de demandes du soir. » Et appelait à anticiper, « il faut d’autres appels à projets pour continuer à investir dans la production d’électricité si nous ne voulons pas nous retrouver dans la même situation que pour l’eau ».
Alors comment progresser dans les projets d’énergie solaire qui vont permettre d’assurer notre avenir énergétique ? Le vice-président du conseil départemental Salime Mdere s’engageait à œuvrer, « nous allons libérer le foncier nécessaire pour qu’Albioma puisse mener ses projets ».
Mais il faut aussi que des appels à projets sortent, et que lors de la rédaction des cahiers des charges des nombreux projets immobiliers en cours, une place soit réservée au photovoltaïque. Sur ce sujet, le directeur de la DEAL, Olivier Kremer se voulait rassurant : « La législation impose désormais qu’un parking de plus de 2.500 m2 s’équipe couverture de panneaux solaires. D’autres part, lors de la construction de bâtiments, nous arrivons à positionner les panneaux sur des toits mêmes inclinés. Mais il faut mener un travail étroit avec les collectivités. » Les anciennes déchetteries à ciel ouvert sont également visées, puisque inconstructibles pendant de nombreuses années, elles pourront accueillir de vastes fermes solaires.
L’avenir de la production photovoltaïque semble enfin radieux, si l’ensemble des acteurs la fait rayonner.
Anne Perzo-Lafond