L’agriculture biologique est « à la croisée de nombreuses problématiques » aussi bien « la sécurité du consommateur, la préservation de l’environnement, ou la lutte contre l’érosion des sols ». Le préfet de Mayotte, dans son allocution, a rappelé les enjeux du développement et du soutien des méthodes agricoles respectueuses de la biodiversité tout en assurant la meilleure qualité possible aux consommateurs. Propos complétés par Ali-Moussa Moussa Ben, maire de Bandrélé, soulignant également l’impossible traçabilité « des produits aux abords des routes ».
La structuration de la filière bio, un défi pour Mayotte
Pour tenter d’apporter une solution concrète à ces défis, la municipalité de Bandrélé, en partenariat avec l’Etablissement Public Foncier d’Aménagement de Mayotte, a décidé de valoriser les 19 hectares du site de Mro Mouhou. Depuis mai 2022, les 11 agriculteurs professionnels sélectionnés par la commission d’attribution des parcelles se sont progressivement installés avant de développer leurs activités de production. Qu’il s’agisse de maraîchage, de la production de vanille, d’ananas ou encore de manioc, les activités agricoles recouvrent un large panel de production et ce, tout en respectant au mieux l’environnement.
C’est donc naturellement que le maire de Bandrélé, le directeur général de l’Établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte (EPFAM), Yves-Michel Daunar, ainsi que le coordinateur général de l’Union Des Coopératives Agricoles de Mayotte (UCOOPAM), Bryce Bouvard, ont choisi une des nombreuses parcelles de ce pôle agricole comme lieu de présentation des agriculteurs de l’île engagés dans une démarche d’agriculture biologique. L’occasion aussi pour ces agriculteurs de se connaître et d’échanger sur leurs pratiques afin de favoriser le retour d’expérience. L’objectif affiché à terme est, en effet, la structuration d’une filière agricole biologique dans le département avec des filières de production structurées et durables. Tout un écosystème d’ingénierie s’est mis progressivement en place afin d’inscrire le bio dans la transformation du monde agricole de l’île.
Des méthodes de préservation alternatives aux produits phytosanitaires
« Le soutien auprès des agriculteurs se fait au niveau de l’aide à la traçabilité des produits avec notamment la réalisation de facture pour assurer le suivi de la production », renseigne Yves-Michel Daunar. Mais l’aide va plus loin puisque « l’EPFAM les accompagne dans leur mode de pratique des cultures afin de parvenir à une élimination de l’utilisation des produits phytosanitaires ». Sur ce point, cette démarche s’inscrit dans la droite ligne du plan d’actions national Ecophyto qui vise à diminuer de 50 %, d’ici 2025, l’utilisation des fertilisants, ou des traitements issus de la chimie de synthèse, aussi bien en métropole ou dans les départements d’outre-mer. Pour s’en rendre compte, il suffit d’observer les parcelles cultivées et de discuter avec les agriculteurs présents à l’instar d’Asani Boinadi, l’un des trois agriculteurs certifiés bio de l’île. « Au départ on faisait de la purée de piment pour traiter les chenilles mais j’ai perdu une récolte de choux. Alors on a mis des filets pour s’en prémunir », explique-t-il.
Les difficultés de la certification bio à Mayotte
Si officiellement dix autres agriculteurs de l’île se sont engagés dans la démarche certifiante du bio, le processus reste fastidieux. Asani Boinadi se dit chanceux car « sa parcelle était en friche » ce qui lui a évité « une phase de transition » pouvant parfois durer « plusieurs années ».
S’y ajoute, comme l’a souligné le délégué du gouvernement, « l’absence d’organisme certificateur à Mayotte » qui conduit à devoir « réaliser des démarches de manières collectives » et représente également un coût financier. « Il faut les faire venir sur l’île soit depuis La Réunion soit de la métropole », renseigne Elodie Chêne, responsable de la communication à l’EPFAM. Par ailleurs, « une grosse problématique subsiste au niveau des semences bio à Mayotte », indique le directeur de l’EPFAM, puisqu’il faut aussi les faire venir de métropole. Une solution pour pallier ce manque serait la « création d’une pépinière bio dans le département afin de pouvoir entrer directement en phase de production », poursuit-il.
Néanmoins, ces difficultés n’empêchent pas les professionnels de réfléchir déjà à la manière d’écouler les futures productions. Cette démarche de recherche de débouchés fait également partie du travail d’accompagnement mis en place par l’EPFAM. Les productions bios étant gage de qualité pour les consommateurs, les marchés couverts ou les collectivités peuvent déjà servir d’intermédiaire, sans oublier la grande distribution. Une chose est sûre, la graine du bio est indéniablement plantée à Mayotte.
Pierre Mouysset