« Le projet de piste longue est essentiel pour Mayotte est devient chaque jour plus concret. Il y a des esprits chagrins pour dire que la mèche est rallongée et que le projet n’aura pas lieu, il aura lieu ». Le premier à balayer les inquiétudes s’appelle Damien Cazé, et n’est autre que le directeur national de l’Aviation civile (DGAC), arrivé à Mayotte ce week-end.
Il est notamment venu pour inaugurer la « maison du projet ». Sise dans les anciens locaux de Mayotte Première à Pamandzi, cette maison ouverte à tous se présente comme un musée du chantier, avec des panneaux indiquant les échéances, les enjeux, et les avancées. Et si le directeur de la DGAC a tenu à venir en personne l’inaugurer, c’est que le chantier promis par Emmanuel Macron en 2019 est titanesque.
« C’est actuellement le plus grand projet d’aéroport porté par la France et l’Europe, c’est pour la DGAC un projet majeur, sans équivalent. Cela représente une équipe d’une centaine de personnes, dans les centres d’expertises et les bureaux d’études. Il faut des équipes, de l’argent, 3,2 millions d’euros sont déjà mobilisés par l’Etat et le CD, il faut aussi un homme qui chaque matin se réveille en se disant que c’est son projet, c’est Christophe Masson, qui installé à Mayotte sera à la fois le représentant de la DGAC, le porte parole du projet et l’interlocuteur. Il ne repartira que quand la piste sera construite. Il connaît le cap » assure Damien Cazé.
Christophe Masson, de la DGAC, sera donc le « référent » du projet, et un « interlocuteur privilégié » pour les différents acteurs, au premier rang desquels le préfet.
« Moment charnière »
Mais alors que les études en sont au « moment charnière de la définition des besoins », le directeur veut aussi jouer la transparence. « Nous avons aussi souhaité que les Mahorais puissent être actifs dans ces étapes charnières. Nous proposons une information en continu avec des rdv tous les deux mois. Il faut que ce projet s’insère dans la vie locale. Si on ne prend pas ça à la racine, on va au devant de grandes difficultés » estime-t-il. Ainsi, « la maison du projet est donc un lieu que nous voulons central, l’objectif est d’offrir aux visiteurs l’accès le plus simple à l’information, en français et en shimaore ».
Car de prime abord, le besoin paraît simple, il s’agit en premier chef « d’assurer une liaison de qualité entre Mayotte et la métropole ainsi qu’avec la région, toute l’année et par tous temps ».
Mais dans le détail, le préfet concède encore pas mal de « zones d’ombre », que les prochains mois devront permettre de lever. Damien Cazé pose quelques unes des questions en suspens. Parmi celles ci, quels sont les « risques naturels avec le nouveau volcan qui complexifie le projet, l’évolution des futures classes d’aéronefs, comment bien prendre en compte les enjeux liés à l’environnement, [car] rien ne serait pire qu’un projet qui serait fait en niant cet intérêt que nous avons tous. Enfin comment s’assurer de la disponibilité en matériaux. Ce n’est pas évident ici, ni ailleurs, rien que ça c’est des mois d’études. C’est tout l’objet des travaux préparatoires qui dureront jusqu’à mi 2022 » développe le directeur.
Face à ces questions techniques, il redit son intérêt pour un lieu de communication comme la maison du projet.
« C’est plutôt rare de proposer un tel espace technique, mais c’est de plus en plus nécessaire, c’est un lieu qui doit durer, il accompagnera l’enquête publique et les chantiers, pour de nombreuses années ».
« Cette piste doit accompagner un développement de Mayotte »
De nombreuses années durant lesquelles les travaux -le premier coup de pioche est attendu en 2023- vont lourdement impacter la vie des habitants. « Il faut s’y préparer » plaide le maire de Pamandzi Madi Souf. « Je veux dire aux Mahorais que la réalisation de ce chantier va impacter la vie des habitants, riverains, pêcheurs, nous sommes lucides, réalistes et vigilants. Nous devons nous préparer à veiller à ce que tout soit mis en œuvre pour limiter les effets, anticiper les retombées en termes de formation aux emplois et aux conséquences réglementaires qui en découleront. La maison du projet offre à tout un chacun un espace d’information pour comprendre les enjeux de ce chantier. Nous avons apporté notre pierre en permettant à la DGAC de disposer de ces locaux pour recevoir dans de bonnes conditions de confort et de sécurité tous les visiteurs en quête d’information ».
Car c’est là l’autre grand enjeu lié à la piste longue, et l’autre grand objectif de la maison du projet : aider à anticiper tout ce qui devra entourer et accompagner cet équipement.
» La piste longue n’est déjà plus virtuelle, elle est là, formalisée par des dépenses, des hommes et des femmes, un homme qui l’incarne, la piste longue est une réalité. Il ne faut pas attendre que le premier avion décolle pour se convaincre de la réalité de cette arrivée et se demander comment on fera pour acheminer les gens qui arriveront à l’aéroport Marcel Henry, comment les entreprises s’installeront, dans quels hôtels seront accueillis les touristes » insiste le préfet. Lui aussi veut balayer les doutes, et faire de la piste, plus qu’un équipement, un outil, et un crédo.
« Pour y arriver il faut qu’on se persuade de la réalité de la piste longue. Abandonnons les polémiques stériles, si on se laisse enfermer dans les polémiques, on n’avancera pas. La piste longue, on n’y atterrit pas encore, mais on y travaille déjà au quotidien. Nous devons aussi d’ores et déjà préparer la suite. Si rien ne change nous n’aurons ni avions ni passagers en plus. Cette piste doit accompagner un développement de Mayotte que nous devons construire ensemble : à quoi sert d’amener des passagers et des entreprises qui on ne peut assurer tous les soirs la capacité de prendre une douche ? (…) sans cela la piste longue n’aura pas de sens, la piste longue n’est qu’un outil de ce que vous voulez faire de ce territoire ».
Un message à contre-courant de l’idée reçue selon laquelle la piste règlerait seule tous les maux de Mayotte, et un appel à se mettre au travail, que soutient le conseiller départemental Ali Omar, vice-président du CD en charge de l’économie et de la transition écologique. « La piste seule ne suffit pas », embrayait-il, offrant une vision aussi convergente que devrait l’être la nouvelle piste. « Il faut aussi les matériaux pour l’utiliser, il nous faut notre compagnie, il faut que les Mahorais puissent jouir de cet ouvrage, avoir les moyens d’aller loin et d’accueillir ceux qui viennent de loin, c’est ça le rêve de la jeunesse, des Mahorais et du futur ».
Et de partager ce souvenir de jeunesse justement, quand le futur élu n’avait que 15 ans. « En 1986, lorsque Chirac a fait son premier voyage à Mayotte, il a prononcé cette formule : ‘ne mettez pas la charrue avant les bœufs’. Cette phrase est restée gravée dans ma mémoire, je me demandais à l’époque ce qu’il voulait dire. J’ai compris que les Mahorais devaient travailler, se former, combattre ensemble. Aujourd’hui nous sommes au rendez-vous. »
Y.D.