L’affaire de la disparition de la tombe de M’tsangamouji dans un flou juridique faute de concession

Accusant les travaux au « cimetière-qui-n’en-est-pas-un » de M’Tsangamouji d’avoir détruit la sépulture de leur mère, sa famille avait déposé plainte contre la mairie devant le tribunal judiciaire. Elle vient d'être déboutée. Erreur de juridiction, mais aussi, accent mis sur les responsabilités entremêlées en l’absence de concession funéraire.

Fin 2023, une famille témoignait au JT de Mayotte la 1ère de la disparition de la sépulture de leur mère, enterrée au cimetière de M’tsangamouji. Un constat fait, alors que des tractopelles sont sur la zone pour aménager un espace plus large aux inhumations, selon le maire Saïd Maanrifa Ibrahima. La famille Mroivili-Maoulana dépose alors plainte, non pas au tribunal administratif, comme c’est le cas lors litiges contre l’administration, mais au tribunal judiciaire pour faire cesser les travaux.

Une procédure possible dans un seul cas, « la voie de fait ». Il faut prouver dans ce cas que l’administration a porté une atteinte grave à une liberté fondamentale ou à un droit de propriété et ce, illégalement.

Affichage public des travaux en cours (Photo: mairie de Mtsangamouji)

C’est Catherine Vannier, la présidente du tribunal judiciaire qui a jugé l’affaire sur cette « voie de fait », une procédure qui avait été utilisée par une partie des occupants de la zone en démolition de Talus 2, et sur laquelle elle avait été amenée à se prononcer en suspendant la démolition. Mais en appel, sa juridiction avait été jugée incompétente. Et il semble que ce soit également le cas cette fois-ci.

Dans une ordonnance en référé, publiée le 6 juin dernier, la juge revient sur les faits. La maman des plaignantes a bien été inhumée le 13 octobre 2017 dans ce cimetière, et la commune de M’tsangamouji a bien effectué d’importants travaux sur la zone.  « Le constat du commissaire de Justice relève des traces récentes de travaux de fouilles, de terrassement et de remblayage dans le cimetière. Il convient encore de relever qu’aucune trace de sépulture n’est visible, mais que des restes d’anciennes tombes et de tombes récentes sont visibles dans les hauteurs, et que les pierres tombales sont complètement détruites ».

Pas de protection juridique pour ce rite coutumier

Pour autant, elle relève qu’il n’y a « aucune concession funéraire » dans la commune de M’tsangamouji, c’est-à-dire que les plaignantes « ne peuvent se prévaloir d’un quelconque droit de propriété sur la pierre tombale de leur mère ». Il ne peut donc pas y avoir « voie de fait », puisqu’il n’y a pas violation d’un droit de propriété. « Le juge judiciaire n’est donc pas compétent », conclut la présidente du tribunal, déboutant les plaignantes qui devront payer les frais de la procédure.

La famille pourra donc saisir le tribunal administratif, mais outre l’absence de droit de propriété, le manque de preuves a été souligné par la mairie, qui dit avoir organisé plusieurs réunions publiques pour informer et sensibiliser la population sur leur projet de travaux. La famille elle, assure avoir fourni ces preuves.

Dans un communiqué envoyé ce mardi soir aux médias, le maire se dit « innocenté », ainsi que son équipe, « il n’y a aucune preuve ni même d’élément qui prouve que la commune et les entreprises sur ces chantiers ont exhumé les corps ». Et explique avoir travaillé avec des bureaux d’étude notamment à recenser les emplacements occupés du « cimetière », et ce, « avant même les travaux de remblayage ».

Un enterrement au village de Koungou

Il n’en demeure pas moins que la justice mentionne « des restes d’anciennes tombes et de tombes récentes » et que les pierres tombales sont « complètement détruites. »

Cela pose à nouveau le problème du rite coutumier et de sa protection juridique. Dans cette affaire, il est bien mentionné par la mairie que « ce lieu appelé cimetière n’en est pas un légalement, de sorte que les dispositions applicables en matière de sépultures ne s’appliquent pas », et mentionné par le tribunal, que Fatima Mroivili a été enterrée dans ce « cimetière », « avec l’autorisation du maire de la commune de M’Tsangamouji le 13 octobre 2017 », que ce terrain servant de cimetière « où la population a pris l’habitude d’y enterrer ses morts selon la tradition musulmane » appartenait alors à l’Etat, que depuis, l’Etat a décidé d’en transférer la gestion à la commune « pour le réserver à l’aménagement d’un cimetière », et que enfin, qu’il n’y a aucune concession sur l’ensemble de la commune de M’Tsangamouji.

Sur plan juridique, ça a tout d’un sujet complexe pour examen d’étudiants en droit !

Anne Perzo-Lafond

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